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C’est à un Himalaya que s’attaque Valeria Bruni- Tedeschi. Raconter l’Ecole des Amandiers animée dans les années 80 par Patrice Chéreau. Une école aussi riche en admirateurs qu’en pourfendeurs dont elle fut une élève. Comment s’emparer d’un sujet aussi intime tout en l’inscrivant dans une époque (les années SIDA) et en dressant le portrait de ce métier de comédien, tel que le pensait Chéreau ? La cinéaste relève ce triple défi avec superbe car elle a gardé en elle la matrice de cet enseignement : une frontière poreuse entre ce qu’on est, ce qu’on vit et ce qu’on joue. Et parce qu’elle ne repeint jamais en rose, au nom d’une nostalgie reine, ces années aussi riches en spectacles sublimes qu’en cadavres de jeunes gens tombés au front de l’addiction aux paradis artificiels, ne cachant par exemple jamais la manière dont la drogue circulait librement entre eux.
Mais ce qui se révèle le plus passionnant dans ce puzzle foisonnant où l’on crie, on pleure, on s’embrasse, on se hait et on s’adore en poussant toujours les curseurs à fond, est la réflexion sur la manière d’être comédien, de vivre ce métier décidément pas comme les autres. Les Amandiers met des mots et des images sur ce que tant caricaturent propageant avec mépris cette idée des comédiens qui en feraient toujours trop, en représentation permanente. Elle creuse sous ce vernis- là, accompagnée par la caméra tour à tour enveloppante ou intrusive de Julien Poupard (Les Misérables) qui saisit à merveille ce bouillonnement permanent et cette bande d’acteurs phénoménale ici réunie, Nadia Tereszkiewicz en tête.