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La scène d’ouverture de ce documentaire- Jane Birkin chantant « Ces petits riens » en concert au Japon – peut un temps conduire sur une fausse piste, celle d’un film purement biographique façon retour sur une carrière bien remplie et toujours en mouvement. Mais très vite, on rentre dans le vif du sujet qui est tout autre. Plus précisément dès la première question que pose Charlotte Gainsbourg (qui fait donc ici ses débuts de réalisatrice) à sa mère, une interrogation sur une sensation longtemps tue, une confidence pour en provoquer d’autres : celle de s’être sentie traitée différemment dans le regard de sa mère que ses deux sœurs, Kate Barry et Lou Doillon. Le ton est donné. Fille et mère vont passer par le prisme de la caméra pour se dire ce que jamais elles n’ont osé se dire. L’ambition est casse- gueule, le piège du voyeurisme et de l’entre- soi évidemment immense. Mais le film va en faire fi. On est passionnés par leurs échanges autant parce qu’il s’agit de deux icônes que parce qu’on peut tous s’y retrouver. Certes cette famille est hors norme (un moment sublime du film est là pour le rappeler : le retour pour la première fois de Jane Birkin dans l’antre de la rue de Verneuil qu’elle partageait avec Gainsbourg) mais les non- dits trop longtemps tus, le besoin de réparer le fil essentiel de la transmission parfois abimé, tend vers l’universel. En 1988, dans Jane B par Agnès V, Varda avait raconté sa « Birkin ». Ici, le titre plus approprié serait Charlotte par Jane… et inversement. Et on en ressort le sourire aux lèvres et les yeux embués.