Qu’y a-t-il à filmer dans une bibliothèque, sinon des gens recourbés sur des livres ? Bien des merveilles, démontre Wiseman en 3 heures et 17 minutes. La New York Public Library est un monde en soi, avec ses 92 sites répartis dans les différents boroughs de la Grosse Pomme. Dans celui du Bronx, on n’aura pas forcément droit aux prestigieuses conférences de Manhattan, mais on pourra par exemple y trouver des offres de jobs. Ailleurs, les new-yorkais ont accès à des concerts, des lectures, des cours de langues ou simplement à des ordinateurs reliés à Internet, tandis qu’en coulisses se pose la question, très politique, du rôle du service public. Tous ces lieux d’échanges s’agrègent sous le regard du documentariste de 87 ans en une mosaïque un peu abstraite, sans hiérarchie apparente entre envolées lyriques et trivialités administratives. Si ce tunnel de parole exige de la concentration, l'effort en vaut la chandelle. Car ce qu'il y a de très beau finalement dans ce film, qui peut sembler presque trop laudatif ou décollé du réel, c'est qu'en vérité, il voit en cette institution culturelle une caisse de résonance des maux de l'Amérique, un miroir de ses violences raciales et sociales. Elles rejaillissent et s’articulent dans l’enceinte bienveillante de la NYPL, sous les traits de femmes, de minorités ethniques ou d’handicapés, bref, une Amérique diverse en forme d’antidote à l’idéal trumpien, qui s’exprime avec éloquence, mais aussi et surtout, qui sait prendre le temps d’écouter.