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Mountains may depart est un film étrange, qui commence comme un film de propagande soviétique neuneu sur la chanson « Go West » des Pet Shop Boys, façon ironique pour Jia Zhangke de dire que l’occidentalisation de la Chine est un mirage aux effets pervers. On le vérifie aussitôt avec l’héroïne, très proche du pauvre Lianzi et ébranlée par le retour du flamboyant Zhang qui lui retourne la tête. Elle choisit les dollars promis par ce dernier à une vie de labeur aux côtés du premier. Son fils est prénommé Dollar. Bonjour la subtilité… Ca continue avec un divorce à sens unique, qui se solde par le retour au pays en solitaire de cette pauvre Tao, décidément peu en veine puisque Lianzi, marié et papa, se meurt d’un cancer des poumons consécutif à son métier de mineur. La porte de la salle n’est pas loin, on hésite à sortir.
Puis, le film bascule lors des retrouvailles de Tao avec son fils de sept ans à l’occasion de l’enterrement du grand-père maternel. L’histoire devient alors celle de Dollar, gosse un peu triste qui a du mal à appeler « maman » cette étrangère aux nerfs fragiles. Le dispositif mis en place par Zhangke dévoile ses vraies intentions : il ne s’agit pas de faire le procès du capitalisme, mais une parabole sur la Chine d’aujourd’hui à travers le regard que porte Dollar, fruit de la mondialisation, sur Tao, pur produit local. Zhangke déplore la désagrégation des valeurs, le désamour national, le deuil des idéaux. Dans le dernier segment, admirable, situé dans un futur proche, il raconte l’exil, le malaise existentiel qui en découle, le manque de repères sur lequel il se construit. Dollar est grand, il ne sait plus qui il est. Une rencontre et son destin bascule. Ou pas. Pendant ce temps, Tao attend. Et nous, on retient notre souffle jusqu’au dernier plan, merveilleux.
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Dans la première partie du film, Jia Zhangke souligne à l’encre rouge les effets pervers de la mondialisation. Tao choisit le capitaliste flamboyant et décomplexé plutôt que l’incarnation du vieux modèle socialiste. Elle a faux sur toute la ligne et se fait punir de la pire des façons : son fils, Dollar (hum), lui est enlevé lorsqu’elle divorce de Zhang. Fin du premier chapitre qui ne laisse augurer rien de bon... Le réalisateur adopte alors le point de vue de Dollar, devenu grand, et le projet du film se dévoile : l’argument socio-politique n’est là que pour servir un mélo d’une ampleur et d’une ambition folles, qui traite de filiation maudite et de solitude aliénante. La transposition de l’intrigue dans un futur déshumanisé, vision foudroyante de mélancolie du cinéaste démiurge, achève d’emmener cet Au-delà des montagnes vers des cimes d’émotion.
Toutes les critiques de Au-delà des montagnes
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
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Un immense mélodrame, un récit ample et minutieux sur le choix d’une vie. (...) Romantique et insouciant dans sa première partie, dramatique et appuyé dans la seconde, solaire et apaisé dans la dernière, "Mountains may depart" est un film monde, un film somme plein de chagrins, aussi politique qu’universel.
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La grande réussite de Jia Zhangke est de parvenir, avec son humanisme, à faire de nous des habitants de cette zone, pour dépasser tout orientalisme ou exotisme, et à nous permettre de vivre entièrement cette fiction comme des témoins.
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Le film de Jia Zhang-ke est un des plus ambitieux que l’on ait vus, qui embrasse 25 ans d’histoire de la Chine et du monde.
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Dès les premiers plans, Jia Zhang-ke montre une telle évidence dans la beauté de ses plans et de ses situations que le spectateur ne peut qu’admirer le résultat d’une pareille maestria.
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La grande force de Mountains may depart est de traiter ce thème de l’effritement des liens sociaux avec l’écrin d’un beau mélodrame, audacieux dans sa construction, puisque les trois personnages principaux ont de moins en moins d’interaction narrative.
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Quelle liberté dans la narration, quel sens de l’ellipse, quel pouvoir de synthèse (la Chine d’aujourd’hui et demain en deux heures), quelle intelligence (il va toujours à l’essentiel), quelle maîtrise de l’image ! Quelle beauté en somme !
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Empruntant au mélodrame, ce long métrage ample et fascinant est de ces œuvres qui, lentement, déposent en chacun leur riche sédiment.
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De l’histoire, des sentiments forts, le temps qui passe et les personnages qui vieillissent, une intelligence des paysages et des mouvements des cœurs : Jia Zhangke nous a encore surpris, entraînés, et pris dans les mailles de sa toile d’araignée de maître du cinéma.
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De ce mélo qui menace par moments de se désagréger, mais que Jia Zhang-ke relance sans cesse avec maestria, on sort étreint par un sentiment de perte irrémédiable, auquel se mêle en sourdine une croyance tenace, malgré tout, dans l’être humain.
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Grand mélodrame, d'une ampleur sidérante, qui bouleverse le regard et le cœur.
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(...) une fresque ambitieuse, forte dans ce qu'elle dit de l'évolution de nos sociétés. Dommage que l'émotion se dilue au fil du temps et des personnages évoqués, que l'on a l'impression, aussi, que le passage par la langue anglaise de la troisième partie affaiblit les dialogues.
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Sans jamais s'attendrir ni se lamenter, Jia Zhang-Ke donne le frisson à la Croisette avec ce film de maturité, ample et sec, qui dévoile seulement in extremis son moteur secret : un lyrisme débordant, inconsolable.
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Ce beau film intimiste présenté cette année à Cannes brosse en arrière-plan un tableau fascinant de la Chine actuelle.
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En faisant ainsi interpréter à sa compagne et muse Zhao Tao le destin d’une femme sur trois époques distinctes, Jia Zhang-ke lui offre un rôle sublime, dans lequel elle prête son visage à la joie d’une jeunesse impétueuse avant de révéler la lassitude d’une résignation mélancolique.
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Avec Au-delà des montagnes, il met en présence pour la première fois de son oeuvre passé, présent et futur pour dépeindre ce qui restera comme une bouleversante histoire d'amour.
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Une fable amère, ambitieuse et émouvante doublée d’une dérive mélancolique et instable dans le passé récent, le présent et le possible d’un pays déroutant, ce tigre que Lianzi, être brisé par sa condition de prolétaire, dévisage – à moins qu’il ne soit scruté par lui.
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Le récit moins universel qu’il n’y paraît sur le papier, multiplie les ellipses sans éviter les longueurs. Mais Jia Zhang-Ke réussit parfaitement sa fin et nous cueille par l’émotion.
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(...) le plaisir de se laisser emporter dans un drame profondément humain nous tient ici, et nous invite à traverser le temps en pleine conscience.
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Les belles images sont légion (...) Il n’empêche que l’ensemble atteint un degré d’ennui suffisamment élevé pour déplacer des montagnes. En cause ? Un scénario à rallonge dont les enjeux profonds sont tout juste esquissés.
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Zhang-Ke jongle avec les sous-intrigues, sacrifie ses personnages et use de ficelles scénaristiques pour nous amener vers sa troisième et dernière partie.
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Pour la première fois de sa carrière, Zhangke filme en dehors de la Chine et hors de sa langue, avec la portion conclusive en anglais, une étrange telenovela déphasée avec coucherie gérontophile et tourisme en hélicoptère, tableau agressif de la diaspora chinoise en pleine fièvre consumériste et parvenue.
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Tendu vers son allégorie faustienne, le film se métamorphose plastiquement à vue, depuis la vidéo flashy et l’écran carré de l’année 1999, sur l’hymne kitsch Go West du groupe d’électro-pop anglais Pet Shop Boys, jusqu’au scope glacial et bleuté du luxueux exil australien.
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(...) le projet le plus ambitieux de Jia Zhang-ke pêche par un manque de profondeur.
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Une fresque sur les méfaits du capitalisme qui s'étire sur vingt-cinq ans... C'est aussi attristant que fastidieux.
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Le temps est d'ailleurs au cœur du film, comme le calvaire subit par le spectateur…