Mad Men (AMC)
AMC

Une scène de "Blackface" a poussé la plateforme à le supprimer du catalogue.

Alors que la série sur une agence de publicité des années 60 est diffusée par Netflix depuis le 13 août, un épisode a posé problème, au point d'être évincé du catalogue... sans prévenir les spectateurs. Le service de streaming avait pourtant communiqué sur la mise en ligne de "l'intégrale" de Mad Men, cet été. Télérama et Libération partagent aujourd'hui le même constat : il manque le n°3 de la saison 3, qui compte donc 12 épisodes au lieu de 13.

Mad Men : le quiz ultime

Diffuser une série se déroulant au mitan des années 60 à New York, dans le milieu très masculin et "vieux jeu" de la publicité suppose de se pencher sur certains points qui pourraient, à l’aune de notre époque, poser problèmes.

Netflix, nouveau diffuseur de Mad Men depuis août, a donc décidé de supprimer un épisode, certainement parce qu'il contenait un passage où l’un des personnages principaux se grimait en noir - officiellement, ce choix n'a pas été commenté par la plateforme. Ce geste ouvertement raciste est plus communément appelé "blackface". D’abord l’apanage du milieu théâtral, au XIXème siècle aux Etats-Unis, ce procédé a été véritablement popularisé en 1915 avec la sortie d’un des premiers blockbuster de l’histoire : Naissance d’une Nation. Dans le film, qui se déroule lors de la Guerre de Sécession, on voit plusieurs personnages noirs… joués par des blancs, grossièrement grimés pour tenter de faire illusion. Si aujourd’hui, le long-métrage de D.W Griffith est universellement considéré comme raciste et n’est plus enseigné que par le prisme de son inventivité technique, le blackface lui a survécu. Presqu’un siècle après, Mad Men usait du même "artifice". Pour mieux le dénoncer ? C’était compter sans Netflix.

Mad Men
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My Old Kentucky Home, le troisième épisode de la saison 3, diffusé initialement sur AMC en 2009, voit le chef de l’agence de publicité, Roger Sterling (John Slattery), se lancer dans une piètre imitation d’un chanteur noir, le tout en se peinturlurant le visage, en noir toujours. Devant l’hilarité des convives, le personnage principal lui aussi invité, Don Draper (Jon Hamm), demande à sa femme de partir. Signe d’une gêne perceptible et donc d’une critique du blackface par la production.

Face à aux accusations, la société de production Lionsgate avait répondu au Los Angeles Times en 2020 prendre très au sérieux les commentaires négatifs de ses fans. A l'époque, le studio avait décidé d'afficher ce message au début de l’épisode : "Cet épisode contient des images troublantes en rapport avec la race en Amérique. Un des personnages est représenté en noir dans le cadre d’un épisode qui montre à quel point le racisme était monnaie courante dans l’Amérique de 1963. En s’appuyant sur l’authenticité historique, les producteurs de la série se sont engagés à exposer les injustices et les inégalités au sein de notre société, qui perdurent encore aujourd’hui, afin que nous puissions examiner même les parties les plus douloureuses de notre histoire pour réfléchir à ce que nous sommes aujourd’hui et à ce que nous voulons devenir. Nous présentons donc l’épisode original dans son intégralité."

Pendant près de quatre ans, au gré de ses transferts de plateforme, Mad Men utilisait donc ce bandeau avant la diffusion du fameux E03S03. Netflix, de son côté, a décidé de purement et simplement supprimer l’épisode du catalogue, entérinant l’idée qui veut que le blackface n’ai plus cours, et surtout pas dans une série potentiellement vue par des millions de personnes. Un choix fort qui pourrait faire jurisprudence ? Ou un excès de zèle ? Nos confrères de Télérama accusent la plateforme de censure en écrivant que "ce n’est pas en mettant les problèmes de l’Histoire sous le tapis qu’on les résout."

Notez que ce genre de suppression d'épisodes est d'ordinaire demandé par les producteurs, et non les diffuseurs : les créateurs de Scrubs ont par exemple décidé de ne plus soumettre celui mettant en scène une blackface aux services de streaming. Idem pour un épisode des Simpson retiré du catalogue par la Fox.

Au cinéma aussi, le recours au blackface a pu choquer le public : Robert Downey Jr. a par exemple dû défendre son rôle dans Tonnerre sous les tropiques, insistant sur le fait qu'il avait été imaginé pour dénoncer une tendance hollywoodienne et certainement pas au premier degré.

Robert Downey Jr. : "Tonnerre sous les tropiques raconte à quel point le blackface est immoral"