Le réalisateur Nicholas Stoller nous raconte les coulisses de Platonic, excellente série comique à voir sur Apple TV+.
Le réalisateur de Sans Sarah, rien ne va !, American Trip ou 5 ans de réflexion retrouve Seth Rogen et Rose Byrne (avec qui il avait tourné le diptyque Nos Pires Voisins) pour la série Platonic, à voir sur Apple TV +. L’histoire de deux anciens meilleurs amis qui renouent après de nombreuses années sans s’être vus. Une comédie parfaitement hilarante sur des quadras un peu paumés. Rencontre avec Nicholas Stoller.
Première : En regardant Platonic, je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il y a encore dix ans, vous en auriez fait un film et pas une série.
Nicholas Stoller : Complètement. D’ailleurs avec Seth Rogen, on parle tout le temps de la disparition des comédies au cinéma. C’est vrai que ça fait un moment qu’il n’y a pas eu de gros succès qui justifierait un retour massif de ce genre dans les salles. J’ai bon espoir que ça change, ceci dit. Il suffit d’un seul film !
Est-ce que l’échec au box-office de Bros a été un coup dur ?
Hum… Ce film, je l’aime. Avec Billy Eichner, on s’est tués à essayer de le rendre le plus drôle possible. Universal l’a sorti dans d’excellentes conditions sur beaucoup d’écrans, mais ça n’a pas fonctionné comme on le voulait. Dommage. C’est un business, et j’imagine que la conséquence sera que le studio - et c’est bien compréhensible - y réfléchira à deux fois à l’avenir avant de valider une comédie… C’est vraiment ça qui m’embête, parce que sinon je ne l’ai pas pris comme un échec personnel. Après, il ne faut pas dramatiser non plus : Bros n’a pas coûté si cher et finira par être rentable d’une façon ou d’une autre. Mon premier film, Sans Sarah, rien ne va !, a plutôt bien marché au cinéma mais ce n’était pas un raz-de-marée non plus. Ensuite, il a vécu sa vie et il est constamment rediffusé. Donc j’ai toujours envie de croire à la comédie sur grand écran, c’est ce qui donne du prestige au film et l’envie de le voir, même si c’est des mois plus tard à la télé ou sur une plateforme de streaming. Mais pour en revenir à votre première question, si Platonic est une série et pas un long-métrage, c’est forcément en partie pour des raisons économiques. Je m’en accommode, parce que sur dix épisodes - soit environ cinq heures -, on peut aller plus loin dans la narration. La série permet d’éviter de se conformer la structure d’un film. On a le droit de tenter des choses un peu plus bizarres et sur la longueur. C’est la beauté de la télévision.
Est-ce que c’est plus compliqué d’être drôle sur dix épisodes que sur deux heures de film ?
Ben… En fait quand on a développé la série avec ma femme Francesca Delbanco [elle a également réalisé trois épisodes], on s’est mis d’accord sur le fait que ce serait un film - pardon, une série ! Vous m’avez embrouillé ! - sans sexe et sans meurtre. Soit deux ingrédients qui alimentent la plupart des séries. S’en passer, ça voulait dire créer énormément d’intrigues pour éviter que les personnages de Seth et de Rose ne couchent ensemble. On voulait absolument rester sur la chronique d’une amitié. Tout ça nous a poussé dans nos retranchements, et j’ose espérer qu’on a réussi à trouver des intrigues qui parleront aux spectateurs, et en même temps qui déjoueront un peu leurs attentes.
Ce que vous faisiez déjà un peu dans Friends from College, série Netflix qui a malheureusement été annulée au bout de deux saisons.
J’aurais beaucoup aimé continuer Friends from College mais c’est comme ça, c’est le monde des séries. Il y a des annulations tous les jours. Le lien avec Platonic est évident, puisque qu’il s’agit aussi de quadras et d’amitiés difficiles à garder sur le long terme. En fait, le concept est venu de ma femme, qui avait beaucoup d’amis hommes à la fac. Et puis, au début de sa trentaine, on s’est mariés, tout comme ses potes. Tout doucement, il y a eu un glissement et elle est devenue copine avec les femmes et plus du tout avec les hommes. Bizarre, non ? Il m’est un peu arrivé la même chose de mon côté. Je ne sais pas comment ça se passe en France, mais aux États-Unis c’est un truc quasi universel. On se marie, et avec le temps les amis du sexe opposé semblent disparaître. Ça interroge : pourquoi ça se passe comme ça ? Pourquoi ma femme se retrouve en présence de ses amis hommes mais passe la soirée à parler à leurs femmes ? Ça nous semblait être un excellent sujet de comédie, et même un peu plus que ça. Et évidemment, on a proposé le rôle de Sylvia à Rose Byrne.
Avec qui vous aviez notamment déjà travaillé sur American Trip et les deux Nos Pires Voisins. Mais pourquoi elle, spécifiquement ?
Parce qu’on est amis, que je l’adore et que c’est une incroyable actrice. Elle est tellement drôle que ça en devient absurde. Elle a un don pour la physical comedy qui dépasse l’entendement.
Elle est absolument démente dans l’épisode où elle est censée avoir pris de la kétamine.
Mais oui ! Elle devrait jouer l’inspecteur Clouseau, elle serait parfaite dans le rôle ! Bref, donc on lui pitche le concept de la série, elle accepte de suite, et quand on lui demande avec qui elle aimerait tourner, elle répond Seth. Lui accepte et ça se fait comme ça, à la vitesse de l’éclair. Et puis on va chez Apple qui achète Platonic immédiatement. On n’a pas même eu besoin d’aller voir ailleurs !
La comédie est un genre casse-gueule, qui n’a cessé de changer de forme ces dernières années. Le risque pour un scénariste/réalisateur étant évidemment de devenir ringard… Qu’est-ce qui vous permet d’éviter ça et de rester pertinent, alors que ça fait près de 20 ans que vous écrivez des comédies ?
Bonne question… que j’essaie habituellement de ne pas me poser (Rires.) En tout cas merci pour le compliment, je prends. Mais c’est dur à dire… Disons déjà que j’essaie de toujours garder à l’esprit d’écrire des vannes qui ne soient pas valables uniquement l’année de sortie du film ou de la série. Vous voyez ce que je veux dire ? L’humour doit être intemporel, sinon il devient vite extrêmement ringard. Et je crois que mes personnages sont drôles parce que je ne cherche pas à en faire autre chose que des humains. Dans le sens où tout ce qui est marrant chez eux est lié à une insécurité, à la sensation de ne pas être assez aimés. J’ai l’impression que c’est une chose dans laquelle on peut tous se retrouver.
Platonic n’a pas forcément besoin d’une suite, mais on sent que vous en avez encore sous le pied après le dernier épisode…
À la base, c’est une série limitée. Mais on adorerait pourvoir continuer, parce que c’était un vrai plaisir à fabriquer. Rose comme Seth sont des gens très occupés, et j’imagine que tout dépendra du succès de Platonic et de leurs emplois du temps. On croise les doigts !
Platonic, disponible sur Apple TV+.
Commentaires