Devenue le temps d’un film la nouvelle coqueluche du cinéma d’auteur à la mode de chez nous, Valérie Donzelli jette un coup d’œil dans le rétro et nous raconte son année ciné 2011.Propos recueillis par François Grelet. Valérie Donzelli, avec le recul, le miracle de La Guerre Est Déclarée ça pourrait bien être d’avoir survécu à son monstrueux buzz cannois ? Ah oui complètement. On sait très bien ce qui se passe en général, pendant 15 jours tu es la sensation de la Croisette, et trois mois plus tard quand le film sort, les salles sont vides. Là heureusement, ça a tenu sur la longueur. Mais si vous comptez sur moi pour vous donner une explication…  Allez, juste pour voir... Ah non, je suis nulle dans ce genre d’exercice. Tout que ce que je peux vous dire  c’est que La Guerre Est déclarée est devenu un tout autre film au contact du public. Quelque chose que je n’avais pas prévu, pas senti. On a notamment beaucoup parlé de cet aspect "feel good movie". Pas du tout conscient de mon côté. Du coup en regardant dans le rétro j’ai l’impression que les gens qui l’ont vu et aimé sont tout autant les auteurs du film que moi… Il était de notoriété publique que le film aurait pu se retrouver dans la quasi totalité des sélections cannoises. Or vous avez choisi la plus petite, La Semaine de La Critique. Vous aviez peur de quoi exactement?  Non, non, ce n’était pas pour se protéger de quoi que ce soit. Juste que l’engouement du délégué général de La Semaine m’a touchée et étonnée. Je trouvais qu’il parlait du film avec des mots justes. Du coup ça devenait presque normal de leur “donner” le film.  Et l’absence du film à la Quinzaine aurait finalement coûté sa place à son sélectionneur. Ca en dit long sur le côté hors-norme du film, quand même....  Euuuh. Si vous le dites. Non je ne crois pas que ce soit uniquement pour cette raison là.... Mais euh comment dire... Non ce qui s’est passé c’est qu’on a montré le film en projo à toutes les sélections cannoises. Et les premiers à s’être manifestés, ce sont les gens de la Semaine voilà tout. Le distributeur, Wild Bunch a aussi joué son rôle là-dedans. Mais à partir de là, ça ne me concernait plus vraiment ... J’imagine qu’on vous a pas mal parlé des similitudes entre votre film de et celui de George Miller, Lorenzo et... ….Ah non, pas du tout. De toute manière le seul film que j’ai revu pendant la prépa, c’est Full Metal Jacket. Bah oui, la guerre racontée d’un point de vue intime, la proximité entre les soldats, le refus d’en mettre plein la vue...C’est comme ça que je voulais traiter mon sujet. Vous avez choisi de ne pas temporiser après le carton du film, de tout de suite repartir en tournage… Oui mais c’est très logique, c’était un moyen de se protéger pendant la sortie du film. J’étais terrifiée à l’idée de ne pas être comprise, de ne pas être aimée. Alors pour pallier cette peur, je me suis dit qu’il fallait que je sois déjà sur un autre projet au moment de la sortie.  C’est quoi exactement ce nouveau projet?  Ça sera un film plus “désirant”, plus aguicheur que le précédent. Il s’appelle Main dans la main et racontera la rencontre entre un miroitier de province et la directrice de l’opéra Garnier, incarnée par Valérie Lemercier. C’est tout ce que je peux vous dire là...  Encore un tournage guérilla, vous vous êtes embourgeoisée ? Haha, non pas vraiment. Mais sur celui-là on a quand même réussi à se payer un coiffeur et une maquilleuse. Le grand luxe... Bon on a aussi une chef électro puisque cette fois le film n’est pas tourné intégralement en lumière naturelle... Bon du coup, vous avez eu le temps d’aller voir des films en 2011 ? Non, et ca me manque terriblement. Mais j’ai quand même adoré Sur Les Pas de Pina Bausch qui m’a bouleversée, notamment dans ce qu’il montre sur le travail, la fabrication. Et puis parce que je fais partie de la génération E.T., j’ai pris beaucoup de plaisir devant Super 8. Très grand film hollywoodien, sur la toute-puissance de l’acteur. Enfin, mais je ne sais pas si ca compte vraiment car c’est une ressortie, mais j’ai été stupéfaite par le Deep End de Skolimowski. Voilà, le reste je le rattraperai en dvd. Vous avez eu le temps de voir Polisse, quand même ? Oui. Mais pourquoi vous me demandez ca ?Parce c’est l’autre carton indie de l’année...Ah...Ca vous a plu?(silence). Je ne sais pas trop. C’est un film qui a une vraie force, c’est indéniable, mais ca me met un peu mal à l’aise. Moi par exemple quand je fais des films “l’enregistrement du réel” me préoccupe peu... Là on sent que ca obsède littéralement Maïwenn. C’est à double tranchant, parce qu’à partir du moment où l’on trouve que son "réel" sonne faux, alors l’édifice s’écroule. Mais les acteurs sont formidables, hein...Ahaha....Non mais c’est vrai !Oui, oui...Alors le truc sur la direction d’acteurs auquel il faut faire attention aussi, c’est que ce n’est pas nécessairement parce que les acteurs crient ou pleurent qu’ils sont bons. Par exemple, moi ce qui me gêne dans le film c’est la scène avec le petit enfant qui pleure. Là, il y a quelque chose qui me pose problème à la fois sur le sujet du film et sur cette situation précise. A ce moment du film l’enfant est un objet...Oui, en même temps c’est pas innocent que cette scène vous ait marquée. Dans son mode opératoire, c’est l’inverse absolu de La Guerre Est Déclarée...Oui, disons que l’idée de la "prise en otage" du spectateur m’angoissait énormément... Un truc qui cristallise cette peur c’est qu’au départ je ne voulais pas jouer dans mon film, mais, finalement, je me suis rendu compte que j’étais surtout terrifiée à l’idée d’assister à une performance d’actrice. Donc je n’ai pas eu le choix...Ah oui, tiens, c’est ca la vraie tendance de 2011, les acteurs/réals qui se forcent à jouer dans leurs propres films : Vous, Maïwenn, Kasso...Voilà, vous allez pouvoir faire un super papier là-dessus. Bon j’dois vous laisser là. A bientôt, hein, et merci !