Guide du 5 septembre 2018
Ad Vitam / ARP Sélection / SND

Ce qu’il faut voir cette semaine.

L’ÉVENEMENT

SHÉHÉRAZADE ★★★★★
De Jean-Bernard Marlin

L’essentiel
Un premier film qui balance entre lyrisme et âpreté documentaire et raconte l’histoire d’amour d’un petit souteneur et de sa prostituée.

Du titre se dégage un parfum de conte d’Orient, de Mille et Une nuits, d’onirisme chamarré, idée rapidement douchée par les premiers plans. En faisant défiler les images d’archives historiques sur les strates migratoires à Marseille, Jean-Bernard Marlin instaure une facture naturaliste à Shéhérazade, confirmée par cet échange initial entre Zachary, 17 ans, et un maton, le jour de sa sortie de prison pour mineurs. Tandis que l’ado à la crinière léonine s’apprête à enfin humer l’air extérieur, le gardien lui lance un caustique « A bientôt ! ».
Éric Vernay

Lire la critique en intégralité

 

PREMIÈRE A AIMÉ

WHITNEY ★★★☆☆
De Kevin Macdonald

Whitney Houston avait tout pour réussir : la plastique, la voix, l’héritage (sa mère, Cissy, connut son heure de gloire dans les 60’s ; sa cousine était Dionne Warwick). Mais elle avait aussi tout pour sombrer : la drogue, un mariage malheureux (avec le chanteur Bobby Brown, finalement moins toxique que bas de plafond), une fille à problèmes (Bobbi Kristina Houston, tragiquement décédée en 2015, trois ans après sa mère).
Christophe Narbonne

Lire la critique en intégralité

PHOTO DE FAMILLE ★★★☆☆
De Cécilia Rouaud

Je me suis fait tout petit, le très quelconque premier long de Cécilia Rouaud n’aura donc été que le brouillon de son nouveau film choral où elle plonge encore au sein d’une famille et de ses relations faites de (quelques) hauts et de (beaucoup de) bas. En l’occurrence un couple séparé de longue date et leurs trois enfants confrontés à un problème qu’ils vont se refiler façon patate chaude : que faire de leur aïeule alors que son mari vient de mourir ? Rouaud oscille ici humour gentiment vachard et tendresse jamais mièvre en s’appuyant sur une épatante bande de comédiens, d’où émergent un Bacri une fois encore irrésistible, Chantal Lauby savoureuse en ex jamais avare d’un tacle bien placé et Vanessa Paradis lumineuse en fille un peu perchée. Voilà pourquoi malgré un ventre mou au cœur de son récit, cette Photo de famille jamais tire-larmes séduit.
Thierry Cheze

SOFIA ★★★☆☆
De Meryem Benm’ Barek

Au Maroc, le fait d’accoucher d’un bébé hors mariage est encore de nos jours passible d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an. Cette information sidérante est au cœur de ce remarquable premier long métrage, où l’on suit la panique de d’une jeune femme de 20 ans qui, suite à un déni de grossesse, accouche d’un bébé alors qu’elle est encore célibataire. Une singulière course-poursuite s’engage alors : l’hôpital consent à lui accorder 24 heures pour fournir les papiers du géniteur avant de prévenir, en cas contraire, les autorités. Qui est ce père ? Acceptera-t-il de reconnaître l’enfant ou niera-t-il cette relation ? Telles sont quelques-unes des questions posées dans ce film éminemment politique qui se vit comme un thriller jusque dans ses rebondissements réellement inattendus. Et pour pointer du doigt l’archaïsme de cette situation, Meryem Benm’ Barek a choisi d’abord et avant tout d’entendre la voix des femmes marocaines. De donner la parole, via ses personnages, à celles qui vivent ce genre de situation, Sofia bien sûr, mais aussi sa mère, sa tante et sa cousine. Des voix discordantes qui racontent par leur affrontement la société marocaine dans son ensemble où la puissance de la tradition vient se heurter sans cesse au désir d’évolution des nouvelles générations. Le tout en 80 minutes d’une intensité jamais prise en défaut qui révèlent deux grands talents : Maha Alemi et Sarah Perles.
Thierry Cheze

A LA RECHERCHE D’INGMAR BERGMAN ★★★☆☆
De Margarethe von Trotta

C’est parce qu’Ingmar Bergman a un jour déclaré que Les Années de Plomb, de Margarethe von Trotta, était l’un de ses films préférés que la Fondation Bergman a demandé à la réalisatrice allemande de concevoir ce film commémoratif, tourné à l’occasion du centenaire de la naissance du génie suédois. Celle-ci a choisi une forme buissonnière, qui la voit musarder dans ses souvenirs personnels, partir à la rencontre de collaborateurs et fans célèbres, s’attarder sur des chapitres méconnus de la vie de Bergman… Le meilleur ? Les rencontres avec Daniel Bergman, le fils, qui raconte très bien la difficulté de grandir dans l’ombre du grand homme, puis avec le toujours facétieux Ruben Ostlund (The Square), qui préfère ricaner devant des vidéos YouTube plutôt que de disserter sur Saraband ou Persona. Si la mission était d’éviter d’être trop académique ou sentencieux, c’est réussi.
Frédéric Foubert

Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première Go

 

PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ

FREE SPEECH ★★☆☆☆
De Tarquin Ramsay

Dans les traces de Laura Poitras (pour la thématique et les intervenants), et celles de Michael Madsen (pour l’esthétique et la mise en scène de soi), le jeune britannique Tarquin Ramsay, 23 ans, offre un documentaire didactique sur la notion de liberté d’expression. Tourné sur une période de cinq ans, Free Speech évoque les enjeux et l’importance de ce droit fondamental dans la société et met en exergue, via l’intervention de personnalités comme Julian Assange, Sarah Harrison, Jude Law ou Jérémie Zimmermann, les dangers qui le menace au XXIe siècle, ère de l’ultra-surveillance. Si l’on peut regretter un certain ethnocentrisme et quelques redondances, il faut cependant souligner le sérieux de la démarche qui fait de Free Speech une bonne introduction sur ce sujet particulièrement complexe et épineux. 
Perrine Quennesson

 

PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ

UN NOUVEAU JOUR SUR TERRE ★☆☆☆☆
De Peter Webber, Richard Dale et Lixin Fan

Onze ans après, le réalisateur de La jeune fille à la perle se retrouve aux commandes de la suite d’Un jour sur Terre avec les mêmes intentions inattaquables – célébrer les splendeurs de la Nature aux quatre coins du monde avec le bestiaire le plus riche possible – agrémenté d’avancées technologiques qui rendent forcément le tout encore plus beau et spectaculaire. Le cahier des charges est donc rempli mais on peine à voir ce que ce documentaire apporte à la foultitude de ceux qui débarquent chaque année sur grand écran pour raconter la fragilité de ces splendeurs et défendre la cause environnementale. Aucune singularité dans la construction du récit. Aucun apport dans le texte de la voix- off. Aucune originalité dans la réalisation. Juste donc du beau et du spectaculaire. Comme des dizaines d’autres avant et sans doute après lui. Le filon semble loin d’être épuisé.
Thierry Cheze

INVASION ★☆☆☆☆
De Kiyoshi Kurosawa

Des extra-terrestres prennent forme humaine pour envahir notre planète. Une poignée d’êtres humains sont choisis comme guides. Les autres se font déposséder de leurs concepts fondamentaux (famille, passé, peur, amour). Ce scénario vous dit quelque chose ? C’est que vous avez vu Avant que nous disparaissions, le précédent film de Kiyoshi Kurosawa, sorti en mars sur nos écrans. Invasion est la deuxième adaptation consécutive, par le même réalisateur, d’une pièce de Tomohiro Maekawa, inspirée du classique 50’s L’invasion des profanateurs de sépultures. Et même la troisième puisqu’il s’agit de la version ciné d’une mini-série produite pour la chaîne nippone WOWOW. Passé l’effet de trouble (excitant au demeurant), l’expérience ressemble au jeu des sept erreurs, ou plutôt des sept variations. Bonne idée de resserrer le scope sur un trio de personnages, là où le précédent film se dispersait entre plusieurs histoires parallèles. Dans cet esprit, la simple horreur domestique se substitue au brassage de genres décomplexé qui faisait le charme et la limite d’Avant que nous disparaissions. Mais l’usure du même (mème ?) se fait sentir à mi-course et le rapport de force s’inverse : où sont passés l’humour, la légèreté, le rythme, l’émotion ? L’apparition d’un nouveau sous-texte poussif (montrer la servitude humaine comme une addition à la drogue) achève de souligner la panne d’inspiration - et, par métonymie, la vacuité de l’entreprise. Kuro contre Kuro : un match perdu d’avance.
Michaël Patin

 

Et aussi
En douce de Jean Jonasson

 

Reprises
Anatahan de Josef von Sternberg
Le Célibataire d’Antonio Pietrangeli
Un condamné à mort s’est échappé de Robert Bresson