Mad Max partout, Tarantino nulle part, The Revenant en force et des jeux totalement ouverts. Voici ce qu’il faut retenir des nominations aux 88e Academy Awards.
Tous les nommés aux Oscars 2016
What a lovely day
10. C’est le nombre de nominations que décroche Mad Max Fury Road, l’événement cinéma de 2015, le meilleur film de l’année pour la moitié de la presse (dont Première), le blockbuster d’auteur (sa présence dans les catégories reines meilleur film et meilleur réal le salue), le cinéma à l’état pur dans la simplicité de son récit et la technicité de sa forme. Mais le film de George Miller ne part pourtant pas favori quand on se souvient que la moyenne d’âge des votants de l’Académie est particulièrement élevée et que celle-ci goûte peu le cinoche d’action, sans compter que Fury Road n’a pas eu le succès public escompté aux Etats-Unis - le box office est une variable importante aux Oscars. Le dernier concurrent comparable à Mad Max, c’était Avatar en 2010 : malgré son carton planétaire, le film de James Cameron avait décroché 6 nominations et remporté 3 statuettes – toutes techniques.
Oscars : les films qui dominent les nominations
La peau de l’ours ?
De toutes façons et malgré ses 10 nominations, Max n’est pas le front runner de cette compétition mais bien The Revenant qui en décroche 12. Dans les salles françaises en février prochain, The Revenant est un grand survival, un revenge movie dans la neige, une expérience tripal, un énorme morceaux de cinoche (shooté par Emmanuel Lubezki, en lice pour son 3e Oscar consécutif) qui convoque les classiques tout en incarnant comme aucun autre un condensé du cinéma moderne… Et, accessoirement, c’est le nouveau film d’Alejandro Gonzalez Inarritu, qui n’est autre que le gagnant des Oscars 2015 où son Birdman avait raflé 4 récompenses : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur photo et meilleur scénario original - mais pas meilleur acteur pour Michael Keaton malgré les pronostics. Mauvais présage pour DiCaprio?
Tout les sacrifices de Leo pour remporter l'Oscar
Le cas DiCaprio
Car l’autre enjeu de cette compétition, celui qui passionne vraiment, c’est le destin de Leo : va-t-il, ENFIN, gagner l’Oscar, remporter son dû ? Dans l’imaginaire collectif, l’acteur a réussi à incarner le plus grand manque de reconnaissance de l’Académie qui le snoberait systématiquement. Il a été nommé 4 fois au cours de sa carrière (qui est loin d’être finie), dont une fois en meilleur second rôle, et ne l’a jamais remporté. Le ratio n’est pas franchement hallucinant mais peu importe, le public réclame justice. Il y a deux ans, il était nommé pour Le Loup de Wall Street, son meilleur rôle depuis longtemps, mais a perdu face à l’irrésistible Matthew McConaughey en plein come back. Cette année, il devra éliminer Bryan Cranston dans la peau de Dalton Trumbo, scénariste blacklisté pendant la Guerre froide (Hollywood adore les histoires sur Hollywood) ; Matt Damon dans la peau de l’astronaute abandonné seul sur Mars (qui vient de remporter le Golden Globe dans la catégorie comédie pendant que Leo raflait celui de la catégorie drame) ; Michael Fassbender dans la peau de Steve Jobs (absolument bluffant mais l’échec du film ne le donne pas favori) ; et Eddie Redmayne dans la peau d’un transsexuel, qui nécessite une profonde transformation physique et un peu de « method », c’est-à-dire le rôle à Oscar typique. La compétition reste ouverte.
Les grands absents
Elle l’est également dans la catégorie meilleure actrice, dont la liste souligne le manque cruel de grand rôle féminin et l’oubli du plus emblématique de l’année : sont nommées Cate Blanchett pour son rôle de bourgeoise mariée amoureuse d’une autre femme, Brie Larson pour celui d’une mère courage, Jennifer Lawrence d’une self made woman, Charlotte Rampling d’une épouse désemparée et Saoirse Ronan d’une émigrée irlandaise dans les 50’s. Pas de Charlize Theron, l’impératrice de 2015, l’inoubliable Furiosa de Fury Road, le rôle féminin le plus fort de l’année.
Puisqu’on lance la polémique gender, soulignons encore le manque cruel de diversité à ces 88e Academy Awards : le grand film black de l’année, N.W.A, décroche royalement une nomination à l’Oscar du meilleur scénario mais rien pour le superbe cast. Creed, réalisé par Ryan Coogler et porté par Michael B. Jordan, n’est cité que pour… Sylvester Stallone (une nomination par ailleurs absolument méritée). Et Samuel L. Jackson, qui vient de livrer sa plus grande performance, n’est carrément pas nommé.
Pourquoi Stallone mérite l'Oscar
Ce qui nous amène à la grande question posée par ces nominations : où est passé QT ? On a l’habitude de le voir exclu des catégories meilleur film et meilleur réal par une Académie qui ne l’apprécie guère (son actrice est nommée, son directeur de la photo est nommé, son compositeur est nommé… mais pas lui), mais il domine normalement au moins la compétition scénario. Il déclarait même récemment qu’il aimerait bien que l’Oscar du meilleur scénario soit renommé le « Quentin » et qu’il visait les 4 Oscars pour dépasser Woody Allen. Puisqu’il n’en a que deux et qu’il ne lui reste normalement que deux films avant la retraite, il n’a plus droit à l’erreur.
On peut aussi s’étonner de l’absence de reconnaissance du maître Steven Spielberg, dont Le Pont des espions concourt pour l’Oscar du meilleur film mais qui n’est pas en lice pour un 3e Oscar du meilleur réalisateur.
Le retour de la France
Au rayon chauvinisme, on peut se féliciter du choix de Mustang pour représenter la France à l’Oscar puisque ce premier film de la Turque Deniz Gamze Ergüven se fait une place dans la short list, ce qui n’était pas arrivé depuis 2010 et le Prophète de Jacques Audiard. La France n’a pas remporté l’Oscar du meilleur film étranger depuis 1993 et l’Indochine de Régis Wargnier – on ne compte pas le phénomène The Artist qui remportait l’Oscar du meilleur film (tout court) en 2012. Pour mémoire, le dernier film français mais en langue étrangère à avoir concouru était Orfeu Negro de Marcel Camus en 1960. Il avait remporté l’Oscar.
Vue dans son ensemble, cette compétition est aussi ouverte que peu excitante. Heureusement que l'Académie n'a pas oublier les moteurs vrombissants de Mad Max car, sans eux, la catégorie meilleur film serait un poil barbante. Pourquoi pas Creed, Les 8 Salopards, Sicario ? Et c'est le même esprit conventionnel qui continue de cantonner les blockbusters aux catégories techniques (coucou Star Wars). Mais on sera quand même là pour voir les résultats dans la nuit du 28 février prochain.
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