Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
REMINISCENCE ★★★☆☆
De Lisa Joy
L’essentiel
Lisa Joy sur la trace des grands films noirs. Son premier long métrage se nourrit des mêmes obsessions thématiques que le cinéma de… son beau- frère Christopher Nolan
Dans un Miami à moitié submergé, Nick Bannister (interprété avec classe par Hugh Jackman) est un ancien soldat devenu détective privé. A l’aide d’une étrange machine, il s’invite dans la mémoire de ses clients qui peuvent revivre des moments de leur propre passé en 3D. Lorsque la mystérieuse Mae franchit les portes du bureau de Bannister, elle veut utiliser la machine pour un obscur prétexte. Mae va en réalité embarquer le héros dans une aventure dangereuse où il va devoir affronter politicens véreux, flics corrompus et dealers violents.
Pour son premier long, Lisa Joy prend bien soin d’afficher d'emblée ses références, comme des blanc- seings. Depuis la voix off jusqu’à la femme fatale, Lisa Joy marche sur la trace des grands films noirs. Un peu de Chinatown, beaucoup de Blade Runner un soupçon de Minority Report. Mais c’est surtout à Christopher Nolan qu’on pense en voyant Reminiscence. Lisa Joy est la belle-sœur du réalisateur d’Inception, mais elle est surtout obsédée par les mêmes thématiques que son beauf. Son blockbuster-prototype explore ainsi le domaine des rêves, scrute les effets (dévastateurs) du temps et joue avec des couches narratives superposées. Elle télescope les timelines, les réalités, les pulsions de mort dans un ballet parfois confus mais qui cherche toujours à orchestrer la perte des sens. L’ennui, c’est que son techno-thriller ne décolle jamais tout à fait, la faute à des prétextes un peu trop téléphonés à des personnages inexistants et à un enjeu finalement très mince.
Gaël Golhen
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A BEAUCOUP AIME
FRANCE ★★★★☆
De Bruno Dumont
La France qui donne son titre au nouveau Bruno Dumont est la star d’une chaîne d’info en continu, présentatrice vedette ivre de son pouvoir, qui abrutit les masses avec des débats populistes en prime-time et des reportages bidonnés à l’autre bout du monde. France est bien sûr la personnification de la nation toute entière, une femme belle et intrépide, mais qui s’est progressivement coupée du réel et qui, elle le dira littéralement au cours du film, a mal au cœur.
Ne pas s’attendre pour autant ici à un lamento réactionnaire. De ses considérations sur la mauvaise santé du pays, Bruno Dumont a préféré tirer une satire très méchante, très bruyante. Il mime la facticité d’un monde modelé par C News pour tirer sur tout ce qui bouge : la novlangue débilitante des moyens de communication moderne, l’autarcie intellectuelle des élites, la façon dont les media trafiquent le réel, le cynisme des ultra-libéraux… C’est plutôt amusant (ou franchement déprimant, selon l’humeur) et ça serait presque trop facile si Dumont ne se mettait à torpiller son propre programme, en révélant sans crier gare l’humanité de France, cette blessure d’amour qui lui ravage le cœur.
Dans ce deuxième film tapi à l’intérieur du premier, un mélo planqué dans la farce, rythmé par les mélopées déchirantes composées par Christophe, Dumont y va là aussi à fond. Mais il n’irait pas très loin sans son actrice kamikaze. Léa Seydoux, géniale qui ne se contente pas elle non plus de l’ironie facile : elle se transfigure, le visage enlaidi par une crise de larmes, ou rendu livide par un maquillage qui lui donne l’air blafard d’une presque morte.
Frédéric Foubert
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
LA TERRE DES HOMMES ★★★☆☆
De Naël Marandin
Après Petit paysan, Au nom de la terre, Revenir et La Nuée, Naël Marandin (La Marcheuse) met ici en scène un jeune couple d’agriculteurs – Constance et Bruno - tentant de reprendre la ferme du père de Constance (Olivier Gourmet) avec un projet novateur et écolo mais qui ne peut prendre forme qu’avec le soutien financier des puissants syndicats agricoles. Un soutien que Constance pense décrocher auprès de Sylvain, très influent dans la décision et en apparence emballé par le projet. Sauf que, pour se montrer gentil avec elle, Sylvain va lui demander de l’être avec lui… Comme le remarquable Slalom, La Terre des hommes parle de viol et d’emprise en transcendant son sujet à travers un personnage féminin fort, jamais réduite à sa fonction de victime. Dans ce rôle, Diane Rouxel livre une composition d’une intensité jamais prise en défaut. Elle est à l’image du film. Jamais scolaire ou appliquée. Toujours libre et surprenante
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéLES SORCIERES D’AKELARRE ★★★☆☆
De Pablo Agüero
Le cinquième long de l’argentin Pablo Agüero dont l’action nous conduit en 1609 au cœur du Pays Basque où six jeunes femmes sont arrêtées justement pour avoir dansé joyeusement au cœur d’une forêt, geste considéré comme une cérémonie diabolique par la couronne espagnole. Celle- ci dépêche alors sur place un jeune juge avec une mission claire : se débrouiller pour qu’elles soient condamnées pour sorcellerie. Agüero signe ici un grand film féministe. Il ne se perd pas dans un travail de reconstitution de l’époque mais se concentre sur l’absurdité kafkaïenne de la situation, la sensation étouffante vécue par ces héroïnes dont le seul crime est de vouloir être libre de leurs mouvements. Les Sorcières d’Akelarre est mû par cette idée que ce qu’ont vécu ses héroïnes hier est ce que subissent de nos jours d’autres femmes, premières victimes des pouvoirs autoritaires imposés par des extrémistes religieux. Un parallèle d’autant plus puissant qu’il n’est jamais appuyé.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéPETITES DANSEUSES ★★★☆☆
De Anne- Claire Dolivet
Monteuse de formation puis réalisatrice de sujets pour la télévision, Anne- Claire Dolivet signe ici son premier long métrage, un documentaire consacré à des fillettes qui rêvent de tutus, de pointes et d’Opéra de Paris. Avant d’y arriver (pas aux tutus et aux pointes mais à l’Opéra Garnier), Ida, Olympe, Marie et les autres devront en passer par des cours privés donnés par l’intraitable Muriel, véritable « star » du documentaire. Revêche, autoritaire, vacharde, cette prof paraît tout droit sortie d’une comédie de Claude Zidi. « Souris bien, surtout si tu fais des erreurs », dit- elle à l’une de ses élèves qui prépare un concours. Muriel n’amuse pas le terrain tout en maniant un humour forcé. Les enfants, comme leurs parents, en ont même un peu peur. Pourquoi confier sa progéniture à un tel dragon ? Parce que Muriel a des résultats : certaines de ses élèves réussissent, les preuves sont là. Alors, on fait profil bas. D’autant, qu’en grattant un peu, on s’aperçoit qu’elle a du cœur Muriel. A Ida, qui vient de se froisser un muscle, compromettant ses chances à un concours, elle fait un câlin, les yeux embués de larmes, et lui promet de ménager son corps lors des cours suivants. Ida guérira-t-elle à temps ? C’est l’enjeu de la dernière partie de ce film tantôt bouleversant tantôt édifiant qui tend aux parents et aux spectateurs un miroir un peu déformant où une certaine gêne devant la souffrance des enfants le dispute à l’envie de voir leurs efforts récompensés.
Christophe Narbonne
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
D’ARTAGNAN ET LES TROIS MOUSQUETAIRES ★☆☆☆☆
De Toni Garcia
Ce fut une série- culte des années 80. 26 épisodes de 22 minutes, co- produits par l’Espagne et le Japon, accompagnés par un générique entêtant que vous avez du mal à chasser de votre esprit une fois dès que ses premières notes retentissent (le « Un pour tous et tous pour un… » composé par un certain Jean- Jacques Debout). Une adaptation plutôt rigolote des Trois mousquetaires de Dumas mais appelée à rester au rayon souvenirs d’enfance désuets entre deux barres de Raider et un verre de Pschitt orange. Sauf que tout ce petit monde (générique compris !) redéboule en format long métrage pour raconter donc l’ascension du jeune d’Artagnan venu de sa Gascogne natale afin de faire partie des mousquetaires du Roi. Scénario balisé, animation sans relief… Rien ici n’est désagréable mais tellement suranné qu’on leur en veut en peu d’avoir abîmé une de nos Madeleine de Proust.
Thierry Cheze
FRAGILE ★☆☆☆☆
De Emma Benestan
L’héroïne du premier long métrage d’Emma Benestan est une actrice de série télé. Et - hasard ou coïncidence ? – il y a quelque chose de la sitcom TV dans le récit qui y est développé. Cette histoire d’amour entre cette comédienne et un jeune ostréiculteur qu’elle va un temps quitter pour son partenaire, alors que lui va peu à peu tomber sous le charme de sa meilleure amie qui faisait tout pour lui remonter le moral. On croit percevoir l’envie de la réalisatrice de jouer avec les codes de ce type de bluettes du petit écran. Mais jamais elle ne réussit réellement à prendre le dessus, à les faire siens pour les emmener ailleurs. Bilan ? Fragile n’imprime jamais l’écran, déroule un scénario trop programmatique pour y faire naître des aspérités, malgré un casting bien choisi, d’où émergent Oulaya Amamra, Guillermo Guiz ou encore Raphaël Quenard, ceux qui ont les moments les plus tranchants à jouer. La comédie romantique est décidément un art difficile.
Thierry Cheze
Et aussi
Don’t breathe 2 de Rodo Sayagues
Les reprises
Man hunt (Chasse à l’homme) de Fritz Lang
Peaux de vaches de Patricia Mazuy
The Times and hours de Christopher Münch
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