Morphine, meurtres et monstres hantent la Barcelone de la Belle époque dans ce film d’horreur maniériste et très réussi.
Un journaliste accro à la morphine enquête sur des disparitions d’enfants dans la Barcelone du début du 20ème siècle. C’est, paraît-il, une histoire vraie, sur la véracité de laquelle on ne s’étendra pas (si le quart de ce qu’on voit à l’écran est avéré, c’est effectivement une histoire complètement dingue, entre sorcellerie, superstition, complotisme, manipulation politico-médiatique… bref, une histoire bien de notre temps). Mais plutôt que sur le true crime sordide et crapuleux, cet intelligent film d’horreur catalan pétri de maniérismes et de bricolages mise sur une volonté formelle appuyée : l’essentiel du film est en noir et blanc ponctué d’éclats de rouge sang, et on passe à la couleur lorsqu’on pénètre dans le cœur de l’intrigue, soit un bordel huppé fréquenté par le beau monde.
Tourner en noir et blanc, c’est comme shooter en plan-séquence : une technique comme une autre qui n’a pas d’intérêt en soi. Ici, Lluís Danés l’utilise comme une façon de jouer entre le cinéma muet des origines et les expériences numériques des années 2000 (le premier qui cite Vidocq est condamné à le revoir deux fois de suite). On pense aussi bien à Sin City qu’au sous-estimé From Hell. Plutôt que de vampiriser comme tout le monde les classiques 80’s, Lluís Danés envisage son film dans cet espace centenaire, et le cinéma est vu comme un minuscule monde clos et dégénéré, étouffant et peuplé de monstres, créé par d’obsessionnels artisans -et le film crée ainsi un charmant petit enfer, voisin de Nightmare Alley et Freaks Out, soit les autres "mauvais miracles" de l’année.
De Lluís Danés. Avec Roger Casamajor, Bruna Cusi, Sergi Lopez... Durée: 1h46. Sortie le 28 septembre 2022
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