Cannes 1999 : Non, David Cronenberg n'a pas "volé" la Palme d'or à Pedro Almodovar
Abaca

Président du jury à l'époque, le réalisateur des Crimes du futur avait honoré Rosetta, des frères Dardenne, et non Tout sur ma mère, du réalisateur espagnol. Une décision qui fait encore débat aujourd'hui.

Viggo Mortensen a profité de sa venue à Cannes (pour présenter Les Crimes du futur) pour défendre son réalisateur, David Cronenberg. Les deux hommes se connaissent bien, puisqu'ils ont tourné ensemble A History of Violence (2005), Les Promesses de l'ombre (2007) et A Dangerous Method (2011), alors l'acteur peut raconter les coulisses de la remise de la Palme d'or de 1999, quand le cinéaste canadien était président du jury (composé entre autres d'André Téchiné, George Miller, Holly Hunter et Jeff Goldblum). Cette année-là, Tout sur ma mère, de Pedro Almodovar semblait favori, mais le prix ultime a finalement été remis à Rosetta, de Luc et Jean-Pierre Dardenne. Ce fut le dernier film à être projeté en compétition, et il a immédiatement conquis le jury, qui a voté rapidement et à l'unanimité pour lui. Pedro Almodovar, dont le drame était lui aussi adoré, a reçu le prix de la mise en scène, et une "standing ovation" de la part du public en venant recevoir cette récompense. Voir la Palme lui passer sous le nez a cependant été difficile à digérer, comme il l'avouait en 2019, au moment de présenter Douleur et gloire sur la Croisette. "Je ne serai jamais aussi près de la Palme d'or que je l'ai été en 1999 pour Tout sur ma mère", regrettait-il ainsi auprès d'El Pais.

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Si le cinéaste n'a jamais caché sa déception, certains critiques et journalistes sont allés plus loin en accusant Cronenberg et son jury d'avoir remis la Palme à un autre film que le sien pour des raisons politiques, justifiant par exemple que Tout sur ma mère ferait un bon candidat pour les Oscars. Cette conversation est revenue régulièrement depuis 1999, et ce jusqu'à très récemment. Au début du 75e festival de Cannes, elle est remontée jusqu'aux oreilles de Viggo Mortensen, qui a défendu vivement le cinéaste auprès d'IndieWire : "C'est comme avec Trump. Vous répétez sans cesse une chose et les gens commencent à y croire alors que c'est un mensonge total. J'adore Pedro, c'est un mec sympa, mais ce jury a été le plus rapide à voter pour une Palme d'or, pour ce film intitulé Rosetta. De façon unanime, ils ont tous les neuf voté pour ce film. Le président du jury ne compte que pour un vote, et tous ont choisi ce film. Alors comment Cronenberg aurait-il pu 'priver' Pedro de la Palme ? Cette histoire n'a pas de sens."

Déjà, en 2014, David Cronenberg avait tenté de faire taire ces rumeurs en détaillant à Vulture comment s'était déroulé le vote : "Ils essayent de faire croire que j'ai forcé le jury en leur ordonnant de ne pas donner de grands prix à mes contemporains : Pedro, Jim Jarmusch, John Sayles et d'autres, qui présentaient des films cette année-là. Mais ce n'était pas moi, je n'avais qu'un seul vote, vous savez ? Il y a eu une vraie rupture entre ce qui s'était réellement passé et ce qu'on lisait dans la presse. Mais bon, c'est Cannes. C'est toujours très politique."

Tout comme Pedro Almodovar, David Cronenberg a été en lice à six reprises au cours de sa carrière pour la Palme d'or, mais ne l'a jamais gagnée. Les frères Dardenne en ont eux reçu deux, pour Rosetta, donc, puis pour L'Enfant, en 2005. Ils pourraient cette année en gagner une troisième pour leur drame Tori et Lokita.

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