Chaque jour, retour sur trois temps forts de l’édition 2021 du festival du film francophone
Le film : Eiffel de Martin Bourboulon
Quels secrets cache la construction de la Tour Eiffel ? En mêlant faits réels et la part d’invention que permet le cinéma, Martin Bourboulon répond à cette question en parachevant la folle aventure d’une idée de film née il y a plus de 20 ans dans la tête de Caroline Bongrand et qui, situation sanitaire oblige, a déjà vu son atterrissage en salles repoussé à plusieurs reprises. Inutile de préciser donc que la soirée d’hier avec sa présentation en ouverture du festival et sa première grande rencontre donc avec le public était attendue avec impatience par toute l’équipe de ce film ambitieux. Et le résultat est emballant. Car au lieu de raconter scolairement la construction de ce monument par Gustave Eiffel, il en fait le moteur de ce qui constitue le cœur de son récit. Une histoire d’amour flamboyante, en apparence impossible pour cause de différence de classe sociale mais qui va pousser l’un et l’autre de ses protagonistes à sans cesse repousser les obstacles. Le romanesque est aux commandes de cet Eiffel, la vivacité et le refus d’être écrasé par le côté film d’époque aussi. Tant par la mise en scène enlevée qui épouse la modernité de ses personnages que par l’énergie et l’alchimie qui émanent de leurs épatants interprètes : Romain Duris et Emma Mackey, la révélation de Sex education dans son premier rôle principal sur grand écran. Du beau cinéma populaire. (en salles le 13 octobre)
La réalisatrice : Aurélie Saada avec Rose
Aurélie Saada a deux amours. La chanson bien sûr (en solo comme en duo avec Brigitte aux côtés de sa complice Sylvie Hoarau) mais aussi le cinéma. Membre du collectif Les Quiche (avec notamment Isabelle Vitari ou Benoît Pétré, le réalisateur de Thelma, Louise et Chantal), auteurs de Foon, elle avait laissé quelque peu de côté cette deuxième passion ces dernières années… jusqu’à ce Rose qui marque ses grands débuts dans le long métrage. Rose, une septuagénaire qui, après la perte douloureuse de son mari, va se reconstruire en faisant fi des stéréotypes d’une société qui voudraient que retrouver l’amour – surtout dans des bras beaucoup plus jeunes qu’elle – lui soit interdit. Aurélie Saada filme ici la reconnexion d’une femme à ses propres désirs, la redécouverte à 78 ans passés de qui elle est vraiment avec une générosité et une gourmandise qui traversent l’écran. Aussi douée pour les scènes de groupe que dans les face à face intimes, aussi à l’aise sur le terrain de la comédie que dans cette capacité à susciter jamais une émotion jamais forcée, la cinéaste rayonne derrière la caméra et ce soleil irradie la bande de comédiens qu’elle a réunie : Aure Atika, Pascal Elbé, Gregory Montel et last but not least… Françoise Fabian. L’héroïne de Ma nuit chez Maud transcende ce personnage de Rose, incarne avec une finesse et une justesse inouïes sa métamorphose d’épouse un peu effacée qui a toujours sacrifié ses envies à celles de sa famille en femme libre osant enfin écrire son histoire à la première personne du singulier. Un premier film emballant. (en salles le 8 décembre)
L’actrice : Zbeida Belhaj Amor dans Une histoire d’amour et de désir
Leyla Bouzid fait mieux que confirmer tous les beaux espoirs placés en elle après son premier film, A peine j’ouvre les yeux. Découvert à la Semaine de la Critique, son Une histoire d’amour et de désir raconte l’éducation sentimentale d’Ahmed, un jeune homme réservé, Français d’origine algérienne qui a grandi en banlieue, comme percuté par Farah, une jeune Tunisienne, tout juste arrivée de Tunisie, dont la fougue va entraver l’attraction très forte qu’il ressent pour elle. Et la cinéaste offre un regard passionnant. Un épatant récit initiatique où Ahmed voit ses certitudes bousculées par Farah et en particulier par sa passion et connaissance précise de la littérature érotique arabe. Une histoire d’amour et de désir se nourrit avec gourmandise de l’alchimie entre ses deux magnifiques interprètes, Sami Outalbabali – découvert comme Emma Mackey dans la série Sex education – et une toute nouvelle venue, Zbeida Belhaj Amor. Celle qui a débuté le théâtre très jeune à 11 ans, encouragée par sa mère pour vaincre sa timidité, avait déjà rencontré Leyla Bouzid pour le casting de son premier long. Trop jeune alors pour le rôle, la réalisatrice ne l’a jamais chassée de sa tête et lui offre donc six ans après son baptême de feu sur grand écran. Impossible à la découverte du film de deviner que Zbeida Belhaj Amor n’a jusqu’ici jamais évolué devant une caméra. Sa justesse, son naturel, les nuances qu’elle sait distiller à son personnage ne sont jamais pris en défaut. Elle fait corps avec l’élan de vie de Farah et apparaît promise au plus beau des avenirs. Cet été, elle vient d’ailleurs de quitter la Tunisie et s’installer à Paris où elle a intégré L’Ecole du Jeu. C’est toujours émouvant d’assister à un destin en train de basculer. (en salles le 1er septembre)
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