Première : Dans l’esprit, Nos pires voisins est proche d’un American College (John Landis, 1978). C’est une comédie anarchique qui semble échapper à tout contrôle. On ne voit plus ce genre de films... Seth Rogen : Oui, personnellement, ça me manque... Les comédies actuelles, et particulièrement les films de studio – donc ceux dans lesquels je tourne – ont un certain respect pour l’ordre, le contrôle. L’histoire doit être parfaitement intelligible, les personnages uniformément sympathiques ou mauvais... Avec Nos pires voisins, on a voulu casser le moule. Le point de départ, c’est deux maisons, dont l’une est occupée par un couple de trentenaires avec bébé et l’autre par une fraternité d’adolescents hédonistes, qui vont tous se faire la guerre du début à la fin de l’histoire ! Nos pires voisins n’a pas coûté grand-chose à Universal, à peine 18 millions de dollars, et on a fait ce qu’on voulait. Ils nous ont fichu une paix royale (le film a déjà engrangé 140 millions de dollars de recettes au box-office américain).Ce qui, je pense, explique le sentiment de « joyeux bordel » qui s’en dégage...Zac Efron : Les scènes de fêtes incroyables qu’on voit à l’écran ont l’air déjantées parce qu’on faisait vraiment la teuf ! Je ne sais plus combien on en a enquillé, mais c’était dingue. Il ne reste qu’une infime partie de tout ça à l’image parce que c’est un film qui s’est beaucoup construit au montage. À l’origine, c’était plus « écrit », moins spontané, non ?Seth : Lorsqu’on nous a proposé le projet, à Evan Goldberg (le producteur de Nos pires voisins, avec qui Rogen a coécrit C’est la fin) et à moi, c’était légèrement différent, oui. Il était question d’un groupe d’adultes qui partait en guerre contre la fraternité. Mais ça ressemblait trop à Retour à la fac (Tod Phillips, 2003)... Evan et moi, on a vieilli. On s’est mariés, on a des gosses et on cherchait à utiliser « artistiquement » ces changements qui sont intervenus dans nos vies. D’où l’idée d’explorer le combat d’un jeune couple qui élève un enfant alors même qu’ils ont encore envie de s’éclater et qu’ils ne veulent pas devenir de vieux cons. Je n’avais jamais vu ça au cinéma. En fait, il ne reste qu’une chose du pitch initial : Zac et la guerre contre les « frat boys ».Zac : Sympa, ils m’ont gardé !Le film va complètement à l’encontre de la comédie sentimentale « réaliste » qu’on associe au style Apatow...Seth : Oui, mais avec Judd, on a toujours voulu s’essayer à différents styles. Il serait d’ailleurs le premier à vous le dire. Simplement, quand vous avez du succès dans un domaine, on vous laisse difficilement tenter d’autres choses ailleurs. Ce qu’on préfère avec Evan, c’est nous ridiculiser. Nous sommes nos meilleurs sujets de comédie.Vous formez un bon duo, mais j’imagine que ce n’était pas gagné d’avance. Seth, aviez-vous des doutes au début ?Seth : Franchement, non. Comme beaucoup de gens, j’aurais pu me laisser gagner par l’image de l’idole Disney au corps d’albâtre, mais je connaissais Zac et je savais qu’il était bon acteur. On s’était déjà rencontrés à une soirée de remise de prix et on s’était dragués.Zac : Je le dévorais du regard depuis l’autre bout de la pièce, le truc super embarrassant. Je ne pouvais pas m’amener et lui dire : « Mec, je donnerais ma vie pour bosser avec toi. » Pourtant c’est ce que j’ai fait. En moins lourdingue... Je l’ai imploré. Quand on grandit aujourd’hui aux États-Unis, Seth est quelqu’un à qui on s’identifie forcément. C’était vraiment mon idole.Seth : Le courant passait déjà bien, mais c’est à la première lecture du script que ça a tilté. Tous les scénaristes présents ce jour-là nous ont dit que l’alchimie entre nous changeait tout. Du coup, au lieu de faire de nos personnages des ennemis, ils ont imaginé qu’ils devaient commencer par s’apprécier et par découvrir qu’ils auraient pu être potes si la situation avait été différente. Ça a changé la direction prise par le film.Zac : Au début, j’étais juste un bad guy...Seth : On était vraiment dans l’état d’esprit des scénaristes de comédies geeks. Notre instinct naturel était de « charger » à mort les membres de la fraternité, mais Zac nous a alors dit : « Non, non, il faut nuancer les personnages des frat boys, les prendre un peu plus au sérieux. Les mecs qui ont appartenu à ce genre de communauté doivent pouvoir aimer ce film. » Il avait absolument raison.Zac, tu es constamment torse nu dans le film, mais de façon très innocente. C’est assez hilarant...Zac : En prenant de l’âge, je ressens comme un besoin, voire une responsabilité, de me moquer de mes origines de teen idol. Croyez-moi, je sais à quoi ça ressemble un mec qui gonfle ses pectoraux dans une belle lumière – c’est sale –, mais c’est étonnant de voir comme ça peut devenir sympathique quand ça vient de Teddy, mon personnage. Il est jeune, candide, il n’a aucune idée de l’impression qu’il produit sur les autres...Seth : C’est vrai. Tout est dans le regard qu’on porte là-dessus.Je comprends que la comédie naît du contraste saisissant entre vos deux corps nus, mais...Zac : En fait, j’ai signé parce que je savais que j’allais toucher les tétés de Seth !Seth : Vous voulez parler de mon gros bide ? Pourquoi je suis si souvent à poil dans le film ? Oui.Seth : (Rire.) Désolé, ces choses-là sont désormais contractuelles. Plus sérieusement, le fait est que je n’en ai rien à foutre. Je me tape de mon apparence, ce qui est un avantage dans ce métier et aussi dans la vie, j’en ai bien conscience. En plus, j’ai l’impression de rendre service. Il n’y a pas assez de barbus grassouillets dans le paysage médiatique ou de gens qui ne ressemblent à rien, comme moi. C’est pareil que Zac, mais à l’envers : puisqu’on m’en donne les moyens, je veux montrer au monde que les barbus dodus qui ne ressemblent à rien peuvent aussi se mettre à poil dans les films.Vous aimez quand même un peu ça ?Seth : Peut-être qu’inconsciemment, je tire un certain plaisir du fait d’exhiber mes bourrelets sur grand écran. Mais par-dessus tout, je m’en cogne.Zac, en termes de challenge, quelle différence y a-t-il entre jouer la comédie avec Seth Rogen et tourner dans Paperboy (de Lee Daniels), par exemple ?ZaC : (Il réfléchit.) Les deux sont terrifiants car on met les pieds chez les meilleurs, avec le souci de s’intégrer à une dream team dont on ne veut surtout pas être le maillon faible. J’ai encore tout à prouver et je me pinçais régulièrement sur le tournage de Paperboy quand je donnais la réplique à Nicole Kidman et à Matthew McConaughey. Pareil avec Seth. Bosser en compagnie de ces gens vous enseigne l’humilité.Seth, vous avez vu Paperboy ?Seth : On m’en a beaucoup parlé. Nicole Kidman urinant sur Zac Efron ? C’est dans mon top 3 des trucs que je veux voir le plus au monde. Dès que j’aurai fini ma journée, je le mate ! (À Zac.) Il paraît que tu perds beaucoup en virilité dans cette scène.Zac : Attends de voir le reste !C’est toujours un peu minable d’utiliser des bébés au cinéma parce qu’ils sont « trognons », mais faut bien avouer que celui qui est dans Nos pires voisins est dément.Seth : Je n’ai jamais vu de telles réactions provoquées par des nouveau-nés.Zac : Ce sont deux jumeaux qui se partagent le rôle. Ils sont hypnotiques, incroyables.Seth : Et je m’y connais car j’ai tourné avec plein de mômes trous du cul. Des chiards qui n’arrêtaient pas de pleurer et vous ruinaient une scène au beau milieu d’un monologue. La honte de la profession...Zac : Je dois dire que j’étais moi-même un môme trou du cul ! (Rire.)Seth, à la fin de l’avant-première de Nos pires voisins, à Austin, un type a dit que vous étiez son modèle de comédie et qu’il vous devait tout. Vous êtes un héros aux yeux de la nouvelle génération...Zac : J’aimerais bien répondre et en remettre une couche si ça ne vous dérange pas. On ne s’en rend peut-être pas bien compte en n’ayant pas grandi aux États-Unis mais, pour les gens de mon âge, Seth Rogen est l’acteur qui est le plus proche de nous. On se reconnaît dans ce qu’il fait et il y a dans ses films une touche de réalisme à laquelle on est sensibles, qu’on peut tous mettre en lien avec ce qu’on vit au quotidien. Et puis il a rassemblé toute une tribu autour de lui ! Le premier soir du tournage, il traînait avec l’équipe technique et je lui ai demandé : « Tu ne rentres pas chez toi ? » Il m’a répondu : « Non. Tous mes potes sont là, pourquoi je rentrerais ? » Voilà comment je veux faire des films. Jusqu’à présent, je la jouais solo dans ce métier. C’était moi contre tous les autres. Là, j’ai eu la sensation de faire partie d’une famille.Seth : Il est pas adorable, Zac ?Propos recueillis par Benjamin RozovasBande-annonce de Nos Pires Voisins, qui sortira mercredi :