Nelly & Nadine de Magnus Gertten
L'Atelier Distribution

Un documentaire d'une puissance et d'une sensibilité autour d'un amour de 40 ans entre deux femmes, né dans le camp de concentration où elles avaient été déportées

Pour le contexte historique

Après Harbour of hope en 2011 et Every face has a name en 2015, Nelly & Nadine est le troisième documentaire que le suédois Magnus Gertten consacre à un événement méconnu de la seconde guerre mondiale : l’opération dite des « bus blancs ». Du nom de l’expédition menée par la Croix Rouge suédoise en avril 1945 pour transporter pas moins de 17 000 anciens prisonniers des camps de concentration vers la Suède (l’un des rares pays d’Europe neutres de l’époque avec la Suisse), fruit d’une longue négociation avec de hauts dignitaires nazis, dont Heinrich Himmler. Une mission qui a largement dépassé son cadre préalable puisqu’en plus des seuls détenus norvégiens et danois prévus pour le rapatriement, les fameux bus vont aussi exfiltrer des Français et des Polonais. Ce qui explique que les médias locaux ont eu pour consigne de ne pas en parler avant que l’opération soit terminée afin qu’une fois arrivés à bon port à Malmö, les hommes et les femmes concernés puissent évoluer à leur guise dans le pays

Pour l’œil aiguisé du réalisateur

C’est en se plongeant dans les documents de l’époque que Magnus Gertten va trouver le déclic qui donnera naissance à Nelly & Nadine.  « Une journée fut particulièrement documentée par les médias suédois, celle du 28 avril 1945, où les meilleurs caméramans de l’époque avaient fait le déplacement et ont donné naissance à des images obsédantes, souvent en gros plan. Des personnes qui venaient d’échapper à l’horreur des camps. Et je me suis tout de suite demandé s’il serait possible d’identifier ces survivants, près de 70 ans plus tard », explique le cinéaste. Une femme attire plus spécifiquement son attention. « Une femme d’apparence chinoise qui se tenait près d’une clôture en bois, vêtue d’un uniforme de camp rayé. Elle détonnait au milieu des autres par son visage très sérieux qui contrastaient avec ceux, majoritaires, qui se réjouissaient ouvertement de leur libération. Lors du montage des deux premiers documentaires, je revenais sans cesse à l’image de cette femme fascinante. Je n’arrêtais pas de me demander ce à quoi elle pensait ». Gertten commence par identifier son nom : Nadine Hwang et publie un appel pour la retrouver sur les réseaux sociaux. Une Vénézuélienne installée à Paris le remarque et lui écrit pour lui dire que la fameuse Nadine avait été sa babysitter à Caracas, à la fin des années 1960. Avant que dans la foulée d’une projection d’Every Face has a Name à Paris fin 2016, un couple, Christian et Sylvie, vienne à sa rencontre et entreprenne de lui raconter l’histoire de la relation entre Nadine Hwang et la chanteuse belge Nelly Mousset qui n'est autre que la grand- mère de Sylvie. Cette dernière lui ouvre aussi en grand toutes les archives de Nelly, dont un journal intime tenu lors de sa détention. C’est là que naît concrètement Nelly & Nadine avec cette idée d’une histoire dans l’Histoire. Celle d’une passion amoureuse née dans une baraque du camp de concentration de Ravensbrück et a donné à ces deux femmes la force d’endurer les horreurs des camps nazis.

Pour la pudeur du récit

Cette histoire d’amour entre sa grand- mère et Nadine, Sylvie n’en connaissait pas l’ampleur. Et va donc la découvrir au fil de la confection de ce documentaire- enquête que Magnus Gertten développe avec une infinie pudeur pour ne rien brusquer. Et ce parti pris lui permet de développer un film sans le moindre esprit de sensationnalisme ou de voyeurisme. Nelly & Nadine offre tout à la fois un témoignage historique passionnant et le portrait d’une rare sensibilité d’un amour, né au cœur de l’horreur absolue, et qui aura duré près de 40 ans.

 

Nelly et Nadine. De Magnus Gertten. Durée 1h33