"As far back as I can remember, I always wanted to be a gangster"
On lui devait l’une des répliques les plus célèbres de l’histoire du cinéma : « As far back as I can remember, I always wanted to be a gangster ». C’était dans Les Affranchis, bien sûr, en 1990, chef d’œuvre de Martin Scorsese dans lequel Ray Liotta, mort aujourd’hui à l’âge de 67 ans, tenait l’affiche aux côtés de Robert De Niro et Joe Pesci. Son plus grand titre de gloire, un film auquel on le ramenait sans cesse, sans d’ailleurs que ça le gêne outre mesure. Quand on l’avait rencontré il y a dix ans, à Cannes, il nous disait : « Ce film ne vieillit pas. Et on fait tous ce métier pour ça : jouer, ne serait-ce qu’une fois dans sa carrière, dans un film supérieur aux autres. Un film qui restera. »
Ray Liotta, né en 1954 à Newark, New Jersey, avait tapé dans l’œil de Martin Scorsese grâce à sa performance survoltée dans Dangereuse sous tous rapports (1988) de Jonathan Demme (son premier film, après pas mal de télé), où il était le petit ami teigneux et violent de Melanie Griffith. L’Amérique se familiarise avec lui grâce au carton de Jusqu’au bout du rêve (1989), avec Kevin Costner. Liotta est en cette fin des années 80 un acteur en pleine ascension, il rate le rendez-vous avec Tim Burton qui l’aurait bien imaginé en Batman, et choisit de jouer les durs pour Scorsese. Le film devient très vite mythique, l’un des plus copiés des années 90 et suivantes, mais pourtant Liotta ne bénéficiera que moyennement de ce culte, se retrouvant assez vite « typecasté », surtout choisi pour jouer des rôles de mafieux ou de flics ripoux. Une litanie qui dessine quand même un sacré CV, où les titres claquent comme des coups dans la gueule : Narc, Blow, Cogan, Copland, Revolver… « J’ai interprété des gars gentils aussi, dans des petits films très tendres comme Nicky et Gino ou Corrina, Corrina, précisait-il. Mais il semblerait que les spectateurs ne veuillent retenir que mes rôles violents. Je les comprends, en même temps, le cinéma est une catharsis, on adore tous la violence dans les films. Un type qui se fait casser la gueule, c’est intéressant à regarder. Le fonctionnement de la Mafia ? Intéressant à regarder. »
30 minutes dans les coulisses des Affranchis avec Martin Scorsese, Ray Liotta et Joe PesciAu fil du temps, alors qu’il enchaînait les tournages en vrai professionnel, passant sans sourciller du Hannibal de Ridley Scott (où il se faisait dévorer la cervelle par Hannibal Lecter) à Opération Muppets, ses traits s’étaient durcis, son regard semblait de plus en plus translucide, sa voix était devenue de plus en plus rocailleuse – une vraie signature. Il meurt, beaucoup trop jeune, alors qu’on venait de le voir dans plusieurs bons films d’affilée : Marriage Story de Noah Baumbach, No Sudden Move de Steven Soderbergh, et surtout The Many Saints of Newark de David Chase, film-prequel des Soprano où il jouait une espèce de spectre mafieux, amateur de jazz et croyant en la réincarnation, et dont on dira qu’il est une belle épitaphe à sa carrière, Les Soprano n’ayant sans doute jamais pu exister sans Les Affranchis. On se console comme on peut.
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