Mike Flanagan s'auto-référence avec La Chute de la maison Usher : cette nouvelle série est liée à The Haunting..., Doctor Sleep, Sermons de minuit...
En vous connectant ces derniers jours sur Netflix, vous êtes peut-être tombé sur une bande-annonce en vue de Halloween assez surprenante, qui tease tous les projets de Mike Flanagan sur la plateforme. Pas un trailer de sa dernière série, La Chute de la maison Usher, à proprement parler, ni de son succès The Haunting of Hill House, de son spin-off Bly Manor, de son show pour ados The Midnight Club ou de ses films Pas un bruit ou Jessie. Non, un mélange de tout cela, surnommé le "Flanaverse".
Ce trailer illustre bien à quel point le scénariste et réalisateur amateur d'histoires horrifiques évoquant en fait des drames humains s'est fait un nom sur la plateforme. Si ses premiers films, Absentia (2011) et Occulus (2013) étaient des productions de FallBack Plan/Blue Dot et Blumhouse, à partir de Hush, ses projets ont été diffusés sur la plateforme au N rouge. Avec quelques exceptions, Ouija : Les Origines étant distribué par Universal et Doctor Sleep par la Warner Bros. Flanagan est aussi régulièrement co-producteur de son travail, via sa société Intrepid Pictures.
La Chute de la maison Usher apparaît comme une sorte de best-of de tout ce qu'a fait Flanagan jusqu'ici, notamment chez Netflix, avec qui il signe ici sa dernière collaboration. De son casting à ses concepts narratifs en passant par son équipe technique et ses réflexion sur sa propre humanité, voici comment le réalisateur signe une véritable "série Flanagan".
S'entourer d'une équipe fidèle
Depuis ses débuts, il a toujours fonctionné ainsi, filmant des comédiens qui lui étaient chers, comme son ancienne compagne Courtney Bell dans Absentia et The Mirror. Depuis Hush, c'est Kate Siegel, avec qui il est en couple à la ville, qui brille dans des rôles différents à chaque projet ou presque : révélée au grand public par ce rôle de femme sourde et muette faisant tout pour échapper à un assaillant violent tentant de pénétrer dans sa maison, elle a bluffé les spectateurs de Hill House en incarnant la très sensible Théo, puis les a une nouvelle fois émus avec Bly Manor ou Sermonts de Minuit.
Dans Usher, elle tient un rôle "impeccablement détestable", souligne Première dans sa critique, comme le reste des enfants de cette famille maudite. Tous sont incarnés par des acteurs faisant déjà partie du "Flanaverse" : Henry Thomas, Samantha Sloyan, T'Nia Miller, Rahul Kohli et Sauriyan Sapkota peuvent tous le remercier pour les rôles mémorables qu'il leur a offert dans ses séries et/ou films précédents.
Dans la même idée, le patriarche est incarné avec brio par Bruce Greenwood, son acteur phare de Jessie, qui était aussi dans Doctor Sleep est qui s'est même amusé à jouer l'un des fantômes cachés de Hill House ! Son talent saute d'autant plus aux yeux qu'il a accepté de reprendre ce personnage dans le cadre de reshoots, suite au licenciement d'un autre acteur, Frank Langella, pour son comportement inapproprié sur le plateau.
Carla Gugino, qui interprétait l'héroïne de sa première adaptation de Stephen King, puis la mère de famille malheureuse de The Haunting... est une nouvelle fois géniale ici, incarnant une dizaine de personnages en un grâce à la mystérieuse Verna. Un rôle qui peut être perçu comme une déclinaison plus approfondie du personnage de Heather Langenkamp dans Midnight Club.
Plusieurs jeunes acteurs de cette série sont eux aussi de retour, comme Ruth Codd, qui passe d'ado handi mal dans sa peau à nouvelle femme accro aux médocs du patriarche de la famille Usher ; ou Zach Gilford, qui l'incarne plus jeune dans des flashbacks (et qui était encore plus central dans Sermons de minuit). Les scènes où il est avec sa sœur, alors incarnée par Willa Fitzgerald costumée comme la Daisy de Gatsby le Magnifique, est un clin d'oeil évident à ce même look que Katie Parker (aka Anabel Lee dans Usher) arborait dans Hill House.
Mike Flanagan parvient à chaque fois à recaster des comédiens qu'il a déjà fait briller dans des rôles mémorables, pour leur offrir de nouveaux personnages à jouer qui soient assez différents des précédents. Et qui peuvent donc surprendre le public sans tomber dans la redite. Il s'entoure aussi pour chaque projet inédit de petits nouveaux, comme ici Mary McDowell (Independence Day) en Madeline Usher ou Mark Hamill (doit-on encore présenter l'interprète de Luke Skywalker dans Star Wars ?) en mystérieux homme de main.
En coulisses, c'est aussi une équipe fidèle qui entoure le créateur de La Chute de la maison Usher : les épisodes sont co-écrits par Michael Fimognari, déjà sur Hill House et la suite de Shining -et aussi chef opérateur du show-, Rebecca Klingel (sur les deux saisons de The Haunting...) ou par son propre frère Jamie Flanagan. La musique est composée par d'autres frangins, les Newton, qui ont eux aussi déjà collaboré avec Mike sur les Haunting, Sermons de minuit ou Midnight Mass, et qui sont aussi sur une série concurrente en cette saison de Halloween : Chair de Poule pour Disney+.
Mike s'est en revanche fait épauler par un nouveau monteur, et des chefs décorateur, maquillage et costume qu'il ne connaissait pas pour cette série.
Explorer en profondeur des thèmes récurrents
The Haunting of Hill House est sans doute le meilleur exemple du "style" Flanagan, qui prend soin de raconter des histoires profondément humaines et dramatiques sous couvert d'horreur. Evitant les jump-scares gratuits (ou alors pour s'en moquer, comme dans Midnight Club), il a pour protagonistes des êtres en souffrance parce qu'ils sont atteint d'une grave maladie, accro à des drogues ou alcooliques. L'aspect fantastique n'est chez lui qu'une manière de réussir à surmonter des obstacles, les fantômes du passé hantant les êtres du présent par leurs souffrances, leurs secrets trop longtemps gardés...
En s'inspirant du travail d'Edgar Allan Poe, en jouant avec toutes les idées morbides de l'auteur, Flanagan peut aussi aborder ses propres obsessions dans Usher. La manière dont l'épisode de Leo (Rahul Kohli) fait écho à celui de Luke Crain (Oliver Jackson Cohen) dans Hill House est notamment intéressante : alors que celui-ci était montré comme l'un des personnages les plus tragiques de cette histoire de famille, le sort du nouvel addict est bien plus drôle et filmé de façon ludique, ne cessant de "jouer" avec les thèmes de la nouvelle Le Chat Noir. La finalité reste funèste, mais elle n'est pas du tout traitée de la même façon.
Flanagan a fait part publiquement de son sevrage de l'alcool, et il n'hésite pas à parler ouvertement de ce sujet dans ses fictions. C'est en partie le thème de l'alcoolisme et de sa guérison qui l'a attiré dans la suite de Shining imaginée par Stephen King, et là il ne cesse de mettre un verre de whisky dans la main de son narrateur, objet qui le symbolisera finalement à la toute fin de l'histoire. Le bar du fils aîné rappelle aussi énormément celui de Doctor Sleep. Des détails ? Oui, mais qui sont loin d'être anodin !
Mike Flanagan raconte la fabrication de Doctor SleepRespecter le contrat de Netflix sans craindre les clins d'oeil appuyés
En plus de recycler les thématiques chères à Poe, Mike Flanagan remplit parfaitement avec Usher la charte de Netflix. Comme sur les productions de Ryan Murphy (Hollywood, Ratched, Dahmer, The Watcher...) pour la firme, la série offre un maximum de diversité, incluant des personnages de toutes origines, orientations sexuelles ou âges, et ayant des opinions différentes sur les religions ou le monde qui les entoure. Il se montre souvent critique sur la société actuelle, d'ailleurs, s'avérant ici aussi en colère qu'un Rian Johnson sur ses enquêtes A couteaux tirés. Cette façon de dénoncer la soif d'argent et de succès à tout prix, au détriment du bien être de sa propre famille, était déjà présente dans ses précédentes œuvres, mais davantage en filigrane. Là, il s'attaque frontalement au sujet, un peu à la manière d'une autre série à succès, Succession. Usher est une série en colère, qui tape là où ça fait mal.
L'aspect horrifique est également bien présent, avec des mises à mort très "graphiques", tour à tour fun ou tragiques. En orchestrant une mort violente par épisode, cette série s'adresse aux amateurs de cinéma gore qui sauront s'amuser avec ce concept. Elle est ainsi bien moins triste que Hill House, Bly Manor ou Sermons de minuit, qui contenaient toutes des scènes déchirantes. Elle parvient tout de même à émouvoir avec le sort d'un personnage clé. Qu'on ne spoilera pas ici, mais qui offre un apport salvateur à la série, l'empêchant de sombrer dans le cynisme absolu.
Dans ce contexte de partenariat avec la plateforme, Flanagan n'hésite pas à s'autociter en montrant la jeune Leonore (Kyliegh Curran) cherchant un programme à voir sur Netflix, et tombant sur Gerald's Game, aka Jessie, en VF, l'un de ses films les plus acclamés par la critique ! Ce n'est pas tout à fait du "Netflix and chill", puisqu'elle est en compagnie de sa mère, alitée et en grande souffrance, son corps étant entièrement brûlé, mais cela reste une énorme publicité pour l'hébergeur phare du "Flanaverse".
Dire adieu à Netflix
Si La Chute de la maison Usher est à 100% une production du groupe, elle marque paradoxalement la dernière collaboration entre Mike Flanagan et le site de streaming au N rouge. Quand la saison 2 de Midnight Club a été annulée, il a fait part de son envie de passer à autre chose, et a rapidement signé avec la concurrence : il va adapter une autre œuvre de Stephen King, La Tour Sombre, pour Prime Video. Il part d'ailleurs avec son compère Michael Fimognari.
Cette ultime série horrifique, conçue en totale adéquation avec ce qu'attend Netflix de lui, ainsi que le public qui a été conquis par Hill House ou Jessie, montre qu'il a souhaité tourner la page en douceur, et finir en beauté avec une histoire mélangeant autant des éléments tirés de la littérature de Poe que ses propres obsessions. Une manière de refermer le "Flanaverse" chez Netflix et de poursuivre son développement ailleurs, en ayant tiré le meilleur de cette expérience.
The Haunting of Hill House : faites-vous une belle frayeur dans la maison hantée de Netflix ! (critique)
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