Première
par Sylvestre Picard
Dans l'héritage de son grand-père, un adolescent trouve une série de photos en noir et blanc montrant des monstres de foire dotés de capacités surnaturelles. Il finit par trouver leur sanctuaire, une maison gothique figée dans un autre espace-temps (le blitz de 1941) tandis que des monstres cannibales sont sur leur trace. La série de bouquins Miss Peregrine signée Ransom Riggs donnant à fond dans le genre timburtonien, il est peu surprenant que ce soit Burton qui réalise l'adaptation cinéma, mutatis mutandis. En parlant de mutant, le résultat ressemble bel et bien à un X-Men version Tim le fou. Pouvoirs bizarres, visions tordues (les monstres qui dévorent une assiette d'yeux fraîchement arrachés), contrastes visuels aussi lumineux qu'évidents (des jumeaux monstres jouent sur une pelouse d'un vert éclatant), récit de l'adolescence vue comme l'acceptation de la monstruosité (du monde comme de soi), musique frissonnante à la Elfman ; bref, tout Burton est là-dedans. Proche de l'univers de son recueil de dessins et poésies La Triste fin du petit enfant huître, le réalisateur est ici à son meilleur, dans une forme qu'on ne lui a pas connue depuis un bail, même s'il se relâche sur la fin avec cette baston ultime dont la forme -hommage à Ray Harryhausen- est desservie par la musique techno. Très bien servi par une Eva Green impériale (sa nouvelle muse) en femme-corbeau fumeuse de pipe maniant l'arbalète, et par l'excellent Asa Butterfield (ex-Hugo Cabret) parfaitement saisi au moment volatil et gauche des années teenage, Miss Peregrine et les enfants particuliers ressemble ainsi à une espèce d'album best of d'une rock star qui vit confortablement sur sa notoriété. Mais même si le style est devenu procédé, il n'est pas interdit d'en apprécier les riffs.
Sylvestre Picard