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JCVD est une déception, non pas pour l'acteur, formidable et touchant dans ce déballage lucide sur lui-même, mais pour tout le reste, son allure de polar bâclé à l'esthétique clinquante et pénible.- Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire le portrait de Jean-Claude Van DammeL'annonce de JCVD avait tout pour intriguer et l'on y allait avec un réel mélange de curiosité et d'attente. La sympathie qu'on éprouve pour jean-claude van damme n'a en effet pas attendu la venue de Mabrouk El Mechri. Malgré les nanars, malgré une carrière en chute libre, malgré les commentaires invraisemblables du personnage qui ont fait les beaux jours des médias, quelques films avaient suffi à nous convaincre de son potentiel, de son talent tout simplement. Mais il était temps semble-t-il pour l'acteur de trouver le film qui finirait par trancher dans sa filmographie, le film qui le sauverait pour ainsi dire du déclin, un film pour la postérité. JCVD aurait pu être ce film, l'idée du vrai-faux portrait à dimension hautement réflexive avait de quoi en effet rendre à Van Damme toute la force de son charisme, bien réel, en passant par l'entremise de la confession. Un drôle d'exercice donc a priori pour un projet en forme d'hommage et de mise à nu. Mais l'improbable mélange entre la fiction et le portrait sans fausse pudeur d'un acteur que le réalisateur regarde avec affection et lucidité trouve rapidement ses limites, malgré quelques moments qui surnagent.L'envers du décor Le principe repose sur une sorte d'envers du décor que le film pose d'emblée par un long plan séquence où Van Damme, en plein tournage d'un énième film d'action, se trouve au final face à un réalisateur asiatique avec qui le dialogue est impossible, comme si le malentendu sur sa personne était déjà acté. De ce passage, du film au film, JCVD va ensuite s'appliquer à une longue décomposition de l'acteur au fil d'un récit où les atermoiements de sa vie privée vont se conjuguer avec une prise d'otage dans une banque dans laquelle il est tombé par accident. Le décor est celui d'une poste banale de Bruxelles, les braqueurs trois bras cassés profitant d'avoir la star sous la main pour lui faire porter le chapeau de ce hold-up minable. Ainsi le film se fragmente entre les scènes dans la banque et les flics dehors tentant de s'organiser (avec l'inévitable cohorte de badauds venus applaudir l'acteur), et des flash-back relatant les complications du comédien dévasté par un procès pour la garde de sa fille, ses problèmes d'argent, ou son agent minable qui ne mise plus un rond sur lui en lui fournissant des scripts de série Z. Le tout s'articulant par une volonté affichée de segmenter le film autour de l'idée de la multiplicité des points de vue (chacun à son image de Van Damme), de la perception des braqueurs aux flics en passant par le fan de base où le premier quidam venu.L'homme et son image Il faut reconnaître à JCVD quelques moments émouvant lorsque l'acteur se livre à un grand déballage, notamment dans un passage assez invraisemblable où face caméra, il se lance dans une longue tirade digne d'un mélo à sortir les mouchoirs. Sans vouloir faire éprouver de la pitié, El Mechri arrive à tirer de son acteur une sincérité touchante, celle d'un homme lucide face à sa vie, sa carrière, son image, tandis que dehors, autour de lui, les conséquences du battage médiatique continuent de travestir son identité. Mais pour le reste, une fois enlevée cette performance qui aurait pu tenir du one man show ou d'un morceau de bravoure chez Fogiel (en étant méchant), le film s'enlise dans cette histoire de braquage mal tenue. On sent la volonté de tirer JCVD vers une sorte de version concept d'Un après-midi de chien de [people rec="0"]Sidney Lumet[/people], mais le film manque cruellement d'allure, de style. Le parti pris artistique de cette image à la photo délavée, qui tend presque à une esthétique digne de "alexandre sokourov" rec="0" ou "andrei tarkovski" rec="0", laisse franchement sceptique par son mauvais goût. On pourrait justifier sa logique par un principe de décomposition crépusculaire où le corps de l'acteur serait un vestige de sa propre gloire, mais la laideur l'emporte largement sur la théorie.Déconstruction du mythe et polar raté Braquage toujours, comment accorder le moindre crédit à Zinedine Soualem avec une coupe de cheveux pas possible, hautement ridicule et d'autant moins contrebalancée par son personnage monolithique ? Chaque passage dans la banque, ou autour, devient vite laborieux, lourd, pesant, mitraillé d'artifices de mise en scène voyants qui finiront par ne plus savoir quoi faire de cette entreprise de déconstruction mythologique. L'envers du décor, le Van Damme au quotidien embarqué dans les pathétiques mésaventures existentielles d'un homme dont on ne doute toujours pas de la valeur, finit par être un prétexte payé à peu de frais pour donner un peu de place, de parole, à un acteur fatigué, au bout du rouleau, mais à l'humanisme naïf et du coup plutôt sympathique, attendrissant par son honnêteté intellectuelle. Dommage que cette étrange entreprise de distanciation dépressive en forme de confessionnal bizarre soit trop parasitée par les contraintes d'un polar bâclé. Devant ce spectacle très mitigé, trop inégal, on regrette qu'El Mechri, ou plutôt un autre, [people rec="0"]Ringo Lam[/people] par exemple qui l'avait si bien filmé dans Replicant, n'ait pas choisi une forme plus simple, sans ces saturations plastiques grossièrement sophistiquées, sans ce parti pris réflexif en définitive pas si brillant. Donner à Van Damme simplement un rôle, un beau rôle, qu'il s'inspire de sa vie ou non. [people rec="0"]Tsui Hark[/people] avait montré son génie comique, Ringo Lam ses talents d'acteur au-delà des prouesses physiques, alors pourquoi ne pas avoir repris le flambeau ?JCVDDe Mabrouk El MechriAvec Jean-Claude Van Damme, Karim Belkhadra, Zinedine SoualemSortie en salles le 4 juin 2008Illus. © Gaumont Distribution - Exprimez-vous sur le forum cinéma- Lire les fils acteur, comédie sur le blog cinéma