Il a toujours eu la tête dans les étoiles. Le créateur de For All Mankind, qui vient de boucler sa saison 2 sur Apple TV+, a dévoué tout son art à la science-fiction. Il se raconte à Première.
C'est un rêveur irrécupérable. Un auteur qui a passé sa vie à regarder le ciel, pour essayer de voir un peu plus loin. Ronald D. Moore est sans conteste l'un des plus grands scénaristes de science-fiction du petit écran, ces dernières décennies. Outlander, c'est lui. Battlestar Galactica, c'est encore lui. For All Mankind, c'est toujours lui. Alors que la puissante série dystopique d'Apple TV+ vient de boucler sa saison 2, on a pu discuter avec le créateur californien de 56 ans. Entre sa vision du futur et sa tête dans les étoiles, Ronald D. Moore se raconte.
Star Wars Underworld : Ronald D. Moore évoque son travail sur la série avortée de George LucasEntre les lignes de la saison 2 de For All Mankind, on lit comme un message d'avertissement sur la militarisation de l'espace, qui commence à devenir réalité dans notre univers, avec la création de la "Space Force" américaine, par exemple...
Oui complètement. Il y a des questions majeures qui se posent, quand il y a de plus en plus de gens qui vont là-haut... Cela engendre des défis, des interrogations cruciales, notamment en matière de sécurisation. Parce qu'il faut sécuriser son site sur la Lune quand on s'y installe. Alors faut-il envoyer des armes dans l'espace pour cela ? C'est le genre de choses qu'il faut gérer, et auxquelles l'humanité n'a pas été encore confrontée dans notre réalité. Mais on y viendra. Et ce ne sera pas facile. Il n'y a pas de réponse simple ou évidente à tout cela. Surtout quand vous avez plusieurs pays qui revendiquent un territoire sur la surface de la Lune, comme cela se passe dans notre saison 2... Alors For All Mankind, par certains côtés, fait office d'avertissement, presque (rires). On veut que le public réfléchisse à tous ces facteurs, sans mâcher le travail, sans dire aux gens quoi penser.
Vous avez peur, justement, de la réaction de l'Humanité, quand ces problèmes se poseront ?
Non pas du tout ! Je suis quelqu'un de très optimiste. Je suis persuadé qu'on réussira à répondre à ces challenges, qu'on est capable de s'améliorer. Je crois que l'Humanité sera capable de briller face à ces défis au bout du compte, même si en chemin elle fait face à des tragédies, à des horreurs...
Vous pensez qu'il y a un prix à payer, inhérent à une guerre pour les étoiles ?
Sans aucun doute, il y aurait eu un prix à payer, si les choses s'étaient passées en vrai comme dans la série. Rien n'est gratuit dans la vie et la nature humaine reste la nature humaine. Je suis convaincu que l'Histoire de la guerre froide des années 1980 aurait pu virer à l'apocalypse, si une guerre de l'espace s'était rajoutée par dessus. Cela aurait été incroyablement dangereux, et finalement, on n'a pas été très loin de cela... Notre série est donc une manière intéressante de voir comment la course aux étoiles et la conquête spatiale auraient pu s'immiscer dans la guerre froide. Et d'une certaine manière, elle aurait pu être une solution aussi ! Parce qu'on voit d'un autre côté comment cela inspire les deux camps.
Vous êtes aussi très minutieux dans ce que vous montrez à l'écran. L'idée au fond, c'est que tout ce que vous racontez demeure plausible ?
On fait attention à rester cohérent sur un plan technologique. Après tout, avec For All Mankind, on bosse pour Apple, on ne peut pas faire n'importe quoi (rires) ! Mais c'est vrai qu'il faut que ça reste crédible. Quand on a pensé la navette "Pathfinder", par exemple, on a beaucoup discuté de la manière dont elle pourrait marcher avec un moteur nucléaire. Comme le "Sea Dragon", ce sont de véritables technologies que la NASA avaient conceptualisées, mais n'a jamais concrétisées. Forcément, plus on avance dans l'histoire, plus on s'éloigne d'une forme de réalité. Mais en même temps, on tient à ce que tout cela reste scientifiquement réaliste, basé sur des notions de physique...
Vous avez travaillé sur plusieurs séries Star Trek au début de votre carrière. Comment est-ce que cela influence votre travail aujourd'hui ?
J'ai été un très grand fan de Star Trek petit. Plus tard, j'ai adoré bosser sur La Nouvelle Génération et Deep Space Nine. Ce sont ces expériences qui ont lancé ma carrière, qui m'ont appris à écrire et produire pour la télévision. Forcément, cela a eu une énorme influence sur mon travail. Je porte cela en moi chaque jour sur les plateaux. Ne serait-ce que dans la manière dont j'adapte les textes, comment on gère une équipe d'auteurs, comment on joue avec les budgets, comment on dirige une production efficace... J'ai appris de mes showrunners à l'époque que les personnages sont l'essence de tout. Tout doit tourner autour de vos personnages. L'histoire est là pour les servir et pas l'inverse. C'est cette philosophie qui me guide depuis des décennies dans mon travail.
Entre Star Trek, Battlestar Galactica et maintenant For All Mankind, vous êtes devenu une référence des séries liées à l'espace. D'où vient votre fascination pour les étoiles ?
Cela provient de mon enfance en fait... Parce que je me souviens avoir vu Neil Armstrong marcher sur la Lune ! J'avais 5 ans en 1969 et mes parents nous ont rassemblés dans le salon, avec mes frères. Et on a regardé ça ensemble. Je ne comprenais pas bien ce qui se passait... J'étais fasciné. Il y avait ces gens qui marchaient sur la Lune, celle que je pouvais voir depuis mon jardin, mais je n'arrivais pas à les voir... Ma mère m'a expliqué et dans la foulée j'ai commencé à regarder toutes les missions Apollo. A chaque fois qu'il y avait un lancement, j'étais devant le poste. Ça me subjuguait. Du coup, ça m'a conduit à la science-fiction, j'ai commencé Star Trek, et puis à peu près tout ce qui comportait un vaisseau spatial. C'était devenu une obsession. Je fais partie de ces gens qui ont été profondément inspirés par le programme Apollo. Voir quelqu'un marcher sur la Lune a littéralement changé ma vie !
On a le sentiment que l'histoire alternative que vous racontez avec For All Mankind est, d'une certaine manière, ce qui doit nécessairement se passer pour ouvrir la voie à l'utopie qu'est Star Trek. Qu'il faudrait l'histoire de For All Mankind pour arriver un jour à l'esprit de la Fédération...
Oui, je suis tout à fait d'accord avec ça. Ca fait partie des choses dont on s'est parlé dès le départ en concevant For All Mankind : pourquoi est-ce qu'on raconte une version alternative de la conquête spatiale, hormis l'envie de montrer des fusées cool à la télé ou une colonie sur la Lune ? On avait vraiment cette envie de montrer ce qui aurait pu se passer, si on avait persévéré avec le programme spatial, si l'Humanité était allée au bout des choses, en concentrant nos efforts sur la science et la technologie. On a eu envie de montrer que cela aurait amélioré l'humanité et fait bouger les lignes vers une société plus vertueuse. Et c'est évidemment la route qui mène à la Fédération, à cette vision utopique qu'est Star Trek ! Une partie de notre mission, c'est de montrer quelle est la route à suivre pour aller vers un futur à la Star Trek. For All Mankind est une série qui montre comment cela aurait pu être, mais aussi en même temps que c'est toujours possible. Parce que le cosmos et les étoiles inspirent toujours les gens !
Vous ne pensez pas que c'est trop tard ? Qu'on s'est réellement éloigné un peu trop de tout ce que vous idéalisez dans For All Mankind ?
Non pas du tout ! L'opportunité existe encore. On a la technologie, elle a franchement progressé depuis le programme Apollo et on peut faire des choses fantastiques. On en sait beaucoup plus aujourd'hui sur le cosmos qu'il y a 50 ans. Il n'est jamais trop tard.
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