Cannes jour 4 : La montée des marches de Kinds of Kindness
Abaca

Entre deux rires gênés de Margaret Qualley, la conférence de presse de Kinds of Kindness était très parlante.

Comme toujours avec Yorgos Lanthimos, son nouveau film Kinds of Kindness a surpris le public lors de sa projection en compétition officielle, hier soir. Il dépeint dans cette réflexion sur la manipulation mentale un univers bizarre à souhait, demandant beaucoup de ses comédiens, qui doivent accepter de se plonger à 100% dans sa vision. Et ça marche : Emma Stone, Jesse Plemmons, Joe Alwyn, Hong Chau, Willem Dafoe, Margaret Qualley, Mamoudou Athie, Hunter Schafer… tous sont excellents dans cette œuvre découpée en trois segments.

Lors de la conférence de presse organisée en fin de matinée à Cannes, les journalistes ont logiquement voulu en savoir plus sur la façon de travailler de Yorgos, le fonctionnement de son esprit, son goût pour la manipulation des corps ou sa façon de mettre en scène ses idées bizarres comme personne.

Chacun a essayé de répondre de son mieux, jusqu'à ce que Margaret Qualley, gênée, ne s'en sorte par une pirouette qui résume bien la drôle d'ambiance de ce panel : "Vous aimez mon chapeau ?", demande-t-elle au public, hilare, pour éviter de trop réfléchir à une question.

Margaret Qualley au photocall de Kinds of Kindness
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Autre exemple, cette question posée à Willem Dafoe, qui sèche complètement :

"Le mot parfait pour décrire votre travail avec Yorgos ?" "Pfiou... !, laisse échapper le comédien, pourtant grand habitué des œuvres étranges, lui qui a travaillé avec Lars Von Trier, Robert Eggers... Un seul mot, ce serait réduire toute la personnalité de Yorgos, il est tellement de choses ! Désolé, hein !"

A un autre moment de la discussion, il dira tout de même, à propos du réalisateur qu'il retrouve peu de temps après Pauvres créatures :

"Ce qui me frappe chez lui, c'est qu'il cherche toujours à faire encore mieux, et cela nous apprend à nous à se dépasser, mais sans être jamais prétentieux."

Et Jesse Plemons, comment définirait-il leur collaboration ?

"Après avoir lu le scénario, c'était comme si cette histoire restait dans ma tête mais qu'elle n'avait aucune case où se ranger. C'est une sensation très bizarre."

Joe Alwyn a sans doute la formule la plus compréhensible à ce sujet :

"C'est ce que j'aime avec les films de Yorgos : on ressent d'abord les choses, avant que notre cerveau n'essaye de comprendre ce qui se passe."

Cannes jour 4 : Yorgos Lanthimos était entouré de tous ses comédiens principaux
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Emma Stone, muse amusée

Logiquement, la plupart des questions étaient dirigées vers le réalisateur et son actrice de La Favorite, Pauvres créatures et Kinds of Kindness. Depuis leur rencontre il y a huit ans, ils construisent ensemble une œuvre originale, sans se répéter de film en film.

"C'est lui ma muse !", rétorque-t-elle en rigolant quand la question est posée au cinéaste.

"C'est vrai, on a déjà mis ça au clair depuis très longtemps", précise alors Lanthimos en riant.

Plus sérieusement, la comédienne qui a été tant marquée par son rôle de Bella Baxter ("C'est le seul personnage de toute ma carrière que j'ai eu un mal fou à quitter", dit-elle), essaye d'expliquer pourquoi leur duo fonctionne si bien :

"Je suis attirée par ses films, ses personnages, la façon dont il va mettre en place tout cela. On a passé des moments incroyables sur La Favorite, et on a eu envie de se retrouver, tout simplement.

(...)

Je lui fais plus confiance qu'à n'importe quel réalisateur, et j'ai eu la chance de travailler avec des cinéastes géniaux, donc... Je ne sais pas comment expliquer ça, on a une connexion.

Quand on travaille avec Yorgos, on ne parle pas de choses intellectuelles, ça passe par le mouvement, la physicalité. Comme pour Bella Baxter, on a trouvé ce personnage en cherchant comment elle marchait, via sa manière de conquérir l'espace, etc. (…) C'est aussi notre job en tant qu'acteurs, d'explorer notre corps.

(...)

Je suis féministe... et ses histoires m'intéressent. Mais je ne choisis pas mes rôles uniquement sur ça, je les accepte par rapport aux personnages, à la nouveauté... Oui, je suis féministe, et oui, j'aime travailler avec Yorgos Lanthimos."

Emma Stone - Pauvres Créatures : "Bella est le personnage qui m’a rendue la plus heureuse"

Quand il est interpellé sur l'évolution de sa carrière, passant de films indépendants, en Grèce, au cinéma hollywoodien, Emma s'amuse une nouvelle fois :

"Bien sûr qu'on a vu ses films grecs. On a vu tous ses films... beaucoup trop de fois !"

Puis le cinéaste détaille :

"Après mes premiers films en Grèce, je suis parti à Londres, en fait, pas directement aux Etats-Unis. Vous savez, je faisais des films vraiment fauchés, avec des amis qui acceptaient de me suivre. En partant dans le monde anglophone, cela m'a offert plus de moyens, plus de tout. Je ne cherchais pas absolument à percer à Hollywood, mais cela m'offre l'occasion de faire davantage ce que je veux. Mon prochain film sera plus petit que Pauvres créatures, par exemple, donc ça dépend des projets. Mais c'est génial d'avoir la possibilité de faire tout cela."

"Tourner Kinds of Kindness après Pauvres créatures, ce fut une expérience très intéressante. Et purifiante", dit-il aussi, avant de tenter d'explique sa démarche artistique.

"Je travaille de façon très instinctive, j'essaye de toujours honorer cela. Je m'entoure de gens de confiance. Mais je ne sais pas si j'ai si confiance en moi que ça. Il faut en avoir un peu, bien sûr, mais on compte aussi beaucoup sur les personnes qu'on invite dans notre univers, et c'est sans doute pour ça que j'adore retrouver des collaborateurs d'un film à l'autre.

(...)

C'est tellement dur d'expliquer pourquoi vous faites les films que vous faites. Pourquoi vous prenez telle ou telle décision, alors que de votre point de vue, vous avez été inspiré par des gens, vous avez travaillé à plusieurs...

(...)

La physicalité, le langage du corps, c'est très important pour moi. On commence toujours par ça, pas par intellectualiser. Quand on a une histoire solide, de tels personnages, on a besoin de se lancer, d'y aller. Le corps, c'est crucial de mon point de vue. Et puis, je ne blesse personne réellement, l'idée c'est d'explorer. Explorer la vie. Tout ça passe par la bizarrerie, le malaise..."

Kinds of Kindness sortira le 26 juin en France.


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