Mère et fille co- signent cette comédie située dans un village corse plus que cher à leur cœur avec le duo Thomas Ngijol- Samir Guesmi en têtes d’affiche. Rencontre
Quand naît l’idée de Fratè ?
Karole Rocher : A l’été 2019. Le village de Vezzani est celui de mes grands- parents. J’y ai grandi et j’y reviens depuis que j’habite sur le continent chaque été en famille. Le déclic pour ce film est donc venu d’une envie de filmer ce lieu et ses habitants dont je suis évidemment très proche. Il m’est tout de suite paru évident que ce film devait être fait en famille. Et j’ai donc commencé à y réfléchir avec Thomas (Ngijol, qui partage sa vie, NDLR). J’ai même tourné une journée entière sur place le 15 août 2019 afin d’avoir des images pour faire comprendre à des financiers ce que nous souhaitions faire avec ce projet
Votre fille Barbara faisait partie de ce projet à ce moment- là ?
KR : Oui et non. Oui parce que depuis longtemps on a l’habitude d’échanger sur le cinéma et que la conversation sur ce film est donc venue naturellement. Mais elle était alors trop jeune pour que je puisse spontanément penser à elle comme co- réalisatrice. C’est le temps qui a finalement joué en notre faveur… Car en 2019, on n’a pas trouvé le financement puis l’arrivée du COVID a fini par doucher nos espoirs
Et pourtant vous allez finir par aller au bout…
KR : Oui parce que plus encore que par notre déception à Thomas et moi, j’avais été frappée par celle des habitants du village. Cette réaction a levé le petit doute que j’avais au fond du moi. La peur finalement d’exposer malgré lui ce village, de mettre sous le feu des projecteurs quelque chose de trop intime et briser par ricochet ce lien si fort qui m’unissait à lui, à eux. Leur sentiment de déception m’a en quelque sorte autorisé à faire ce film et plus encore encouragé à aller au bout. Plus que jamais dans cette notion de famille puisque mon frère Patrick l’a co- écrit avec Thomas et que Bianca avait cette fois- ci l’âge mais aussi l’expérience comme première assistante de se jeter à l’eau pour la première. On s’est donc lancé. Sans grand moyen donc avec le pacte qu’on devait tout faire en un temps record !
Fratè met en scène Dumè qui se découvre à la mort de son père un demi- frère et va alors tout mettre en œuvre pour le dégoûter de la Corse et garder l’héritage pour lui seul. Il était évident dès le départ que vous traiteriez ce sujet sous l’angle de la comédie ?
Barbara Biancardini : Oui car notre but a toujours été de rendre un hommage joyeux à la Corse. De faire ressentir à travers ce film combien ce village de Vezzani représente un lieu de joie pour nous
KR : C’est vrai qu’on ne m’identifie pas spontanément à la comédie. Je ne m’y suis confrontée qu’avec Thomas en mettant en scène ses spectacles ou en co- écrivant et co- réalisant Black snake. L’idée d’un saut vers un territoire méconnu m’a donc forcément attirée mais la vraie raison est au fond tout autre. On a tellement souffert pendant le COVID que j’avais envie de légèreté, de m’amuser. Et comme le dit Barbara, de faire ressentir au plus grand nombre tout ce que je ressens depuis toujours quand j’arrive dans ce village.
Comment s’est réparti le travail entre vous deux ?
KR : De manière très naturelle et on n’aurait de toute façon pas pu faire autrement, du fait du manque de moyens.
BB : On se connaît tellement que souvent on n’avait même pas besoin de se parler pour faire les choses. D’autant plus ici où l’une comme l’autre connaissons ce village comme notre poche et que nous étions dès le départ sur la même longueur d’ondes quant au film que nous avions envie de faire
KR : Et puis nous sommes parfaitement complémentaires. Moi, j’amène mon vécu de comédienne, elle son expérience comme première assistante sur les plateaux. On ne se marchait pas sur les pieds
Quel effet cela fait Barbara de diriger sa mère puisque Karole, vous tenez un petit rôle dans le film ?
BB : Au- delà du fait qu’elle soit ma mère, je l’admire comme comédienne. Donc forcément je n’oublierai jamais cette première scène où j’ai eu à la diriger. Ce sont forcément les moments où j’ai le plus donné de moi
KR : Evidemment, je ne déconnecte pas mon cerveau à ce moment- là. Et pour la maman que je suis, être dirigée – et si bien – par sa fille, c’est un cadeau ! Mais c’est un regard dont j’avais besoin. Car spontanément comme comédienne on se néglige totalement dans ces moments- là. On a envie que ça aille vite, on ne veut faire perdre de temps à personne, on ne redemande jamais une prise pour soi alors que, forcément, on pourrait faire mieux. Et heureusement, Barbara veillait au grain
On parlait de famille mais outre Thomas et les habitants du village, on retrouve dans l’autre rôle principal de, Fratè, une « pièce rapportée » : Samir Guesmi. Pourquoi avoir eu envie de faire appel à lui ?
KR : Au- delà du magnifique acteur qu’il est, Samir est un ami de très longue date. Or il était impossible pour moi d’envisager ce tournage, autrement qu’entourée de personnes avec qui je n’étais pas déjà liée. Et ça va vous paraître totalement Bisounours mais à tous les postes techniques, de la photographie au montage, j’ai eu envie de gens doués certes mais aussi… gentils ! Je ne veux plus travailler – encore moins dans des projets que j’initie – dans une ambiance de tension. Et cet état d’esprit chaleureux a aussi rendu possible et fluide le travail avec les comédiens dont je voulais qu’il passe au maximum par l’improvisation. Sans cette amitié préexistante, rien n’aurait paru aussi naturel à l’écran.
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