Non, le dessin animé n’était pas parfait.
Attention, spoilers : comme son titre l'indique, cette analyse compare le dessin animé et la version live sortie cette semaine au cinéma.
Même s’il a bercé notre enfance, La Belle et la Bête n’est pas tout à fait un chef-d’oeuvre. Quelques trous scénaristiques interpellent les spectateurs depuis la sortie du dessin animé en 1991, si bien que Disney a profité de sa nouvelle version en live, portée par Emma Watson, pour réparer quelques erreurs. Ce qui, paradoxalement, pose d’autres problèmes : à vouloir trop expliquer le pourquoi du comment, La Belle et la Bête perd de son charme au passage.
La Belle et la Bête : Le film a déjà battu le dessin animé au box-office
10 ans de malédiction : c’est trop long
C’est sans aucun doute l’erreur de scénario qui a le plus dérouté les fans du dessin animé : en introduction de La Belle et la Bête, il est expliqué que le prince devra trouver l’amour avant son 21e anniversaire, jour où le dernier pétale de la rose tombera. Sinon, sa transformation –et celle de tous ses employés- sera perpétuelle. Quelques scènes plus tard, les objets accueillent Belle à dîner, et au beau milieu de la séquence chantée "Be Our Guest"/"C’est la fête", patatras. Lumière explique qu’ils sont coincés ainsi depuis une décennie. "10 ans de vraie galère, ratatinés par la poussière…". Une temporalité impossible : sur les dessins de l’introduction et le portrait du prince, le personnage n’avait pas 11 ans. Et tous ces personnages maudits n'ont pas été figés dans le temps suite au sort, puisqu'il est dit qu'il prendra fin à une date anniversaire...
Un changement bénéfique. Dans le film qui sort cette semaine au cinéma, les paroles de la chanson passent de "10 years we’ve been rusting" à "too long we’ve been rusting", ce qui règle le problème en un clin d'oeil. Notons qu’une autre idée, à la fois originale et terrifiante, a été ajoutée concernant la malédiction : si le prince ne parvient pas à trouver l’amour avant la date fatidique, son château s’écroulera sur lui-même et ses employés seront à jamais figés en objets (pas seulement transformés, mais incapables de bouger).
La Belle et la Bête : Alan Menken décrypte ses chansons cultes
Comment Belle a-t-elle pu porter la Bête sur son cheval ?
Quand Belle s’enfuit et est rattrapée par les loups, la Bête la sauve de leurs griffes en les attaquant, mais elle prend quelques coups au passage. Blessée, elle s’écroule sur le sol et la jeune fille hésite entre fuir et la ramener au château. Elle décide finalement de faire demi-tour pour la soigner, mais comment a-t-elle pu porter la Bête pour la déposer sur le dos de Philibert ?
Un changement logique. Bien que minime, cette erreur n’a pas échappé à Disney qui la répare très simplement. La Bête n’est pas tout à fait évanouie dans cette version, si bien que Belle peut lui demander de l’aider à grimper sur le cheval.
Si tout le village est analphabète, pourquoi y a-t-il une bibliothèque ?
Bonne question, même si c’est un peu de la triche : dans le dessin animé, il n’est jamais dit que tout le monde est analphabète. Belle le reproche spécifiquement à Gaston quand il lui demande de devenir sa femme. Les villageois chantent que l’héroïne est "très étrange" et l’une des raisons de sa différence est bien le fait qu’elle lit : "la tête ailleurs avec des rêves plein les yeux, on ne sait pas quoi penser d’elle. Elle a toujours l’air absent ou plongé dans ses romans." Donc, le fait qu’elle soit une grande lectrice ne signifie pas que les autres ne lisent pas du tout, mais il y a bien un gros décalage entre Belle et ses concitoyens sur cette question.
Un changement moderne. Dans la version de 2017, l’accès à la lecture est un vrai sujet au début du film. C’est assez court, mais symboliquement, c’est un ajout conséquent. Belle apprend notamment à lire à une fillette, et l’importance d’être une femme instruite est ouvertement évoquée. Ah et pour répondre à la question posée plus haut : la bibliothèque appartient à un prêtre, ce qui explique qu’elle reste ouverte, qu’il y ait beaucoup de clients ou non.
Emma Watson a-t-elle le coffre d’une princesse Disney ?
Des problèmes de mémoire et de météo
Comment se fait-il que d’une scène à l’autre, on passe du printemps à la neige ? Et pourquoi personne au village ne se souvient du château et de ses habitants ? Dans le dessin animé, on suppose que c’est lié à la malédiction, mais ce n’est jamais précisé clairement.
Un changement sympathique. Dans le film, en revanche, ces deux points sont très clairs. La question de la météo est traitée sous forme de blague, puis celle de la mémoire est expliquée en détail : lorsque les objets redeviennent humains, les habitants du village se souviennent immédiatement d'eux et certains retrouvent même des membres de leur famille. Précisons au sujet de la malédiction que la sorcière qui a jeté le sort vit auprès des villageois tout au long de l’histoire, ce qui lui permet de garder un œil sur eux.
Pourquoi tout le monde au village aime Gaston à part Belle ?
Gaston est musclé, d’accord, mais il est aussi arrogant, illettré, manipulateur et violent. Pourquoi est-il aussi apprécié au village ? Pourquoi LeFou le suit-il tout au long de ses méfaits, alors que son "modèle" ne cesse de le malmener ? Comment les jeunes filles peuvent-elles se pâmer devant un être aussi grossier ? Belle est la seule à ne pas l’idolâtrer. Parce qu’en tant que chasseur, il ramène à manger aux villageois ? C’est bien maigre comme explication.
Un changement justifié. Dans le film, Gaston n’est plus le roi de la chasse, mais un héros de guerre. Revenu traumatisé du front, il fait figure de vainqueur aux yeux des autres. Ça peut sembler être un détail, mais cette variation modifie en fait considérablement le personnage, ainsi que sa relation avec LeFou. On comprend mieux pourquoi celui-ci le vénère, lui remonte le moral, le pousse à aller de l’avant… La fascination qu’il développe pour Gaston est intéressante, et la frontière avec une admiration amoureuse très fine. La question de la sexualité de LeFou est plutôt bien amenée dans cette version, notamment grâce aux performances subtiles de Luke Evans et de Josh Gad. Pour en savoir plus sur ce sujet, voici un long article expliquant pourquoi il était au cœur de la promotion du film :
La Belle et la Bête : en quoi le film est-il gay exactement ?
Qu’est-il arrivé à la maman de Belle ?
Comme beaucoup de princesses Disney (Ariel, Jasmine, Pocahontas, Blanche-Neige, Cendrillon…), Belle est élevée par son père. On ne sait pas ce qui est arrivé à sa mère. Un portrait de femme est accroché dans la maison familiale, mais c’est le seul détail qui peut évoquer sa maman.
L’histoire de Belle a beaucoup changé au cours de la préparation du dessin animé, ce qui explique sans doute la disparition pure et simple de ce personnage. Dans une précédente version dont les storyboards figurent en bonus du blu-ray, on découvre que Belle avait une petite sœur et que Maurice, alors très riche, a perdu de son prestige quelque temps après la mort de sa femme, si bien que Marguerite, la sœur de ce dernier, s’est incrustée auprès de la famille, pour les "aider" à s’en sortir (en fait pour forcer Belle à épouser Gaston le plus rapidement possible).
Un changement très (trop ?) présent. Dans le film, cette première idée n’a pas été conservée. Le point de départ est presque le même : Belle vit seule chez son père, qui n’est plus inventeur mais fabriquant de jouets pour enfants. Sauf que la disparition de la maman est bien évoquée : vivant à Paris avec Maurice et sa fille, elle était gravement malade et est morte quand Belle était bébé. Mais elle aimait les roses, un détail qui ajoute à l’importance de cette fleur déjà très symbolique dans La Belle et la Bête. Sur le papier, l’idée est belle, mais ajouter un nouveau pan entier de l’histoire, chanson inédite comprise, participe à fortement rallonger l’intrigue. Le film de 2017 dure tout de même 2h10 contre 1h24 pour le dessin animé, et étirer ainsi l'histoire n'est finalement pas un point fort…
Et qu’est-il arrivé aux parents du prince ?
Si on ne se posait pas vraiment la question de savoir ce qui était arrivé à la maman de Belle, on se demandait encore moins qui étaient les parents de la Bête. Le prologue montre le prince régnant en maître sur son château, la malédiction s’abat sur lui et ses employés, et c’est très bien comme ça, non ?
Un changement inutile. Il n’empêche que la nouvelle version répond à la question. Lors d'un long prologue détaillant beaucoup plus le sort, on apprend que la mère du prince est morte quand il était enfant et son père était un roi cruel. Son mauvais comportement a déteint sur son fils. Pourquoi préciser cela ? Pour montrer que le prince n’est pas méchant de nature, qu’il est au fond la victime de l’histoire. L’air de rien, cette idée change profondément la morale de La Belle et la Bête de 1991 où Belle parvenait à voir à travers les apparences, à aller au-delà du sale caractère de la Bête (qui pouvait se mettre dans des colères noires et pousser des rugissements terrifiants), ce qui aidait le prince à devenir une meilleure personne. Là, la Bête est intrinsèquement moins cruelle que dans le dessin animé. Et son apparence physique fait elle aussi moins peur (on dirait un gros chat).
Pourquoi la Bête n’a pas de vrai nom ?
Si La Belle et la Bête fait le portrait d’une héroïne féministe, le rôle de la Bête est plus basique, au point que celui-ci n’a même pas de nom/prénom. Belle crie par exemple : "La Bête !" à la fin du dessin animé, quand elle craint qu’il soit assassiné par Gaston.
Pas de changement. Pour le coup, Disney ne tente pas avec cette version de redonner un nom au prince. Dan Stevens joue la Bête. Point.
La Belle et la Bête ne parvient pas à faire oublier son modèle animé
La Belle et la Bête est sorti mercredi en France. Bande-annonce :
Commentaires