Duel - Les 4 Fantastiques : 2015 vs 2005
Le reboot face aux anciens
Cette semaine est sortie la nouvelle version des 4 Fantastiques, et on pourrait résumer l'impression générale par une citation de Dewey de la série Malcolm : « je n'en attendais rien, mais je suis quand même déçu ».Seulement, cela ne doit pas nous faire oublier qu'il s'agit d'un reboot. La franchise revient de loin, et de l'avis général elle avait effectivement besoin d'un sérieux coup de lifting : ce nouveau film sort près de 10 ans après une première tentative calamiteuse d'adaptation, qui avait d'ailleurs engendré une suite encore plus désolante.C'est donc l'heure du match : le faux cool contre le ringard, le reboot contre l'original, Charybde contre Scylla. Il ne pourra en rester qu'un. Ah, et attention, il y a forcément <strong>quelques spoilers.</strong>NB : Nous parlons bien uniquement des « anciens » d'il y a 10 ans, version 2005, et non du film de 1994, que l'on vous invite vivement <strong>à découvrir dans cet article</strong>, car son histoire vaut le détour.<strong>Voir notre critique du film ici.</strong><strong>Par Yérim Sar</strong>
Rythme
Les nouveaux FF sont incroyablement parasités par le côté laborieux que leur impose l'angle « origin story » choisi, ou plus vraisemblablement subi vu la production chaotique du long-métrage. A peine le méchant débarqué, il faut enchaîner la bataille finale et boucler le film.Les anciens avaient beau rester désespérément classiques et sans imagination (découverte des pouvoirs/sauvetage de civils/disputes dans le groupe/baston avec Fatalis), le rythme était beaucoup plus soutenu.A la fin de ce nouveau film, l'équipe a simplement droit à son QG, et à peine à son nom de superhéros. Quant au couple Reed et Susan, il n'existe toujours pas, c'est à peine si le pauvre garçon parvient à sortir de la friendzone lors d'une brève scène de rigolade, sans doute parce que l'élue de son c?ur l'a vu dans Divergente entre temps.<strong>1 point pour les anciens</strong>
Le Voyage
L'expédition spatiale du premier film n'avait strictement rien d'original mais niveau intrigue, ça se tenait à peu près même si le côté SF en roue libre est inhérent à l'histoire des héros. En gros c'était des scientifiques mandatés par le gouvernement pour partir étudier un nuage cosmique, et Fatalis les finançait.Ici, les jeunes prodiges parviennent à construire une machine à téléportation et prennent très mal le fait de ne pas être choisis pour être les 1ers à l'utiliser. Du coup, il prennent la sage décision de se bourrer la gueule et décident ensuite d'y aller quand même.Ce qui signifie que le voyage et donc l'origine des super pouvoirs de tout le monde est ici causé par un trip de jeunes étudiants complètement ivres. Là on se dit que c'est gagné pour la nouvelle équipe, mais malheureusement à la seconde où la téléportation fonctionne, c'est le drame : ils redeviennent tous sobres comme par magie et se comportent comme des explorateurs très sérieux.<strong>1 point pour les anciens</strong>
Profil des héros
La team 2005 fonctionne non pas avec des personnages mais avec des gimmicks. Chacun est un cliché total, en deux films on sait juste que Ben est un bourrin primaire avec un grand c?ur, Reed un intello coincé, Susan une angoissée et Johnny un crétin noceur.La team 2015 est heureusement plus nuancée puisqu'elle prend un temps fou à présenter ses héros. A part Ben, parce que lui, c'est le moche, on n'a pas spécialement besoin d'en savoir plus sur son background, en tout cas c'est que le script indique. Mais Reed, Johnny et Sue sont plus travaillés, que ce soit dans leur histoire personnelle pour certains ou dans leur rapport à leurs pouvoirs pour d'autres.<strong>1 point pour les nouveaux</strong>
Le méchant
Fatalis version 2005 était un archétype assez consternant, aux motifs tristement banals et dont les plans se limitaient à une vengeance façon savant fou mégalo.Le nouveau est un jeune scientifique qui ne nourrit pas de rêve de domination, il est plus misanthrope qu'autre chose. D'ailleurs, il n'est absolument pas un bad guy jusqu'à ce qu'il reste bloqué (un an, quand même) dans la Zone Négative : c'est ça qui lui fait perdre la tête.L'idée est sympa, son look semble vaguement inspiré de la version des comics Ultimate, et le choix de Toby Kebbell est logique dans la mesure où il n'a pas besoin qu'on voit son visage naturel pour exprimer la méchanceté : Koba dans La Planète des singes, c'était lui.Sauf que le pauvre n'a absolument pas l'occasion de montrer son talent, toujours à cause du côté expéditif de la chose : pas assez de répliques, donc pas assez de folie, d'autant que sa transformation l'empêche d'être expressif. Du coup, le look 2015 de Fatalis s'avère être une fausse bonne idée et on se retrouve avec un simili-robot vêtu d'un sac poubelle radioactif, la bouche entravée par un appareil dentaire de la 4e dimension.De l'autre côté, son prédécesseur, c'était juste le chirurgien de Nip Tuck avec un casque métallique bas de gamme sur la face.<strong>0-0, égalité</strong>
L'exploitation des pouvoirs
On part de loin, à ce niveau, la première adaptation était très gênante par moments. Entre Susan qui bascule de visible à invisible au gré de ses humeurs (c'est à dire qu'au lieu de rougir, elle disparaît, etc), La Chose qui a du mal à s'habiller, La Torche qui fait strictement n'importe quoi et Monsieur Fantastique qui profite de son élasticité pour danser en boîte, c'était très dur.Les FF 2015 bénéficient d'une meilleure mise en scène : La Chose évoque clairement Hulk dans sa façon de combattre, la Femme Invisible n'abuse pas de ses pouvoirs comme d'un gimmick, idem pour la Torche, et le plus délicat à filmer, Reed, réussit à ne pas être ridicule dans les scènes d'action. Sans parler de l'utilisation maligne de l'élasticité de son visage pour modifier ses traits et éviter d'être reconnu.<strong>1 point pour les nouveaux</strong>
Action
Toujours le même désavantage pour les juniors. La construction est trop déséquilibrée pour leur permettre d'installer suffisamment de séquences spectaculaires. Au maximum on a Reed qui met en déroute des militaires chargés de le capturer et le combat final. Rien d'autre.Les seniors avaient de leur côté plusieurs castagnes contre Fatalis, des civils à sauver, des accidents, un incendie, un missile, un mini-duel de la Torche contre La Chose, et on en passe.<strong>1 point pour les anciens</strong>
Casting
C'est toujours très injuste de comparer des acteurs à qui on n'a pas du tout demandé la même chose. Mais de manière générale les anciens semblaient tous totalement en roue libre : même si certains étaient bien talentueux, ils restaient limités par un scénario assez grotesque et pas mal de pitreries. On n'imagine pas à quel point Chris Evans, actuel Captain America, doit bénir le jour où la saga a été abandonnée, idem pour Michael Chiklis qu'on a retenu pour The Shield (pas celui-là, l'autre) ou même Jessica Alba qui s'est refaite une virginité dans Sin City (ce n'est pas un contre-sens). Par contre, le fait que Monsieur Fantastique se retrouve quelques années plus tard à jouer le « <strong>pisseur sur gage</strong> » dans une séquence de 2 minutes pour Comment tuer son boss, c'est un signe qui ne trompe pas.<strong>1 point pour les nouveaux</strong>
Look
Là ce n'est pas de leur faute, mais il est très dur pour la première équipe de s'imposer face aux jeunes. A l'époque c'était la version traditionnelle des comics qui avait été prise pour modèle, et ce qui fonctionne sur papier donnait un effet très kitsch à l'écran.A l'inverse, leurs successeurs optent pour plus de sobriété, leur design et embryons de costumes lorgnent sur les versions les plus récentes des comics. Si on parle de leur rendu une fois transformés, 10 ans de perfectionnement de CGI sont passés par là : il n'y a pas photo.Un bémol pour le nouveau Ben Grimm qui est certes monstrueux par nature mais aussi vraiment moche à l'image par moments, pas sûr que ce soit le but recherché... Mais il reste moins cheap que son ancêtre.<strong>1 point pour les nouveaux</strong>
Dialogues
Cette nouvelle mouture se veut, comme beaucoup d'autres films de superhéros post-Dark Knight, assez sombre. Du coup, les vannes sont réduites au minimum, et pourtant, quand Johnny charrie Fatalis en l'appelant tour à tour Adolf et Borat, c'est à peu près les meilleurs moments du film. Logique : l'absence de légèreté n'est ici remplacée par rien, à l'image d'un dialogue ultime en plein combat final censé porter les enjeux des personnages et qui donne un tristounet « -tu t'es toujours cru plus intelligent que moi -c'est parce que je suis plus intelligent que toi ».Les premiers étaient un festival de blagues foireuses signées Johnny Storm qui vannait et/ou draguait tout ce qui bougeait, rappelant que son acteur Chris Evans était avant tout l'interprète du crétin de Sex Academy (ce n'est pas un reproche). Il y avait aussi des gags issus de quiproquos en tout genre, et même une tentative de réplique coquine de Madame Fantastique (« tu fais grimper ma température »... bon, on fait ce qu'on peut hein). Bref, c'était mauvais mais il y avait plus de vie.<strong>1 point pour les anciens</strong>
Violence
Dans la version old school, on restait dans du classique : quand il y a des morts, ça reste très propre, aucun gros plan, pas spécialement de sang, bref du tout public gentil et confortable pour toute la famille.Il faut bien que le côté sérieux des petits nouveaux leur serve à quelque chose : eux ont droit à des meurtres carrément sanglants, puisque Fatalis tue les gens en leur explosant la tête à distance, redécorant tranquillement les murs avec leur cervelle. Au-delà de ça, le monde de ces personnages est résolument violent et actuel ; dès qu'on découvre les pouvoirs du groupe, ils sont traités comme des armes potentielles par l'armée, et rien d'autre.<strong>1 point pour les nouveaux</strong>
Vainqueur
On arrive donc à un score total de 4 pour les anciens et 5 pour les nouveaux. Ce n'est pas vraiment ce qu'on appelle une victoire triomphale, et si on prend en compte les dix ans qui séparent le premier film de celui-ci, on est même loin du minimum syndical.Cependant, les acteurs semblent de bonne volonté et on souhaite sincèrement à tout ce beau monde de redresser la barre au prochain opus ; sans des conflits de production, ça semble possible. En grande partie parce que si quelque part dans la galaxie Hollywood, quelqu'un envisage sérieusement un crossover cinéma avec les X-Men, on ne peut décemment pas se contenter d'un écart de niveau aussi flagrant.
Cette semaine est sortie la nouvelle version des 4 Fantastiques, et on pourrait résumer l'impression générale par une citation de Dewey de la série Malcolm : « je n'en attendais rien, mais je suis quand même déçu ».Seulement, cela ne doit pas nous faire oublier qu'il s'agit d'un reboot. La franchise revient de loin, et de l'avis général elle avait effectivement besoin d'un sérieux coup de lifting : ce nouveau film sort près de 10 ans après une première tentative calamiteuse d'adaptation, qui avait d'ailleurs engendré une suite encore plus désolante.C'est donc l'heure du match : le faux cool contre le ringard, le reboot contre l'original, Charybde contre Scylla. Il ne pourra en rester qu'un. Ah, et attention, il y a forcément quelques spoilers.NB : Nous parlons bien uniquement des « anciens » d'il y a 10 ans, version 2005, et non du film de 1994, que l'on vous invite vivement à découvrir dans cet article, car son histoire vaut le détour.Voir notre critique du film ici.Par Yérim Sar
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