Première
par Sylvestre Picard
Malgré la bonne foi de Kinberg, Trank n'est pas McTiernan et "Les 4 Fantastiques" de 2015 ne fera pas partie des films réussis envers et contre tout. La première partie du film est assez pénible à voir. (...) voilà les héros incarnés par Miles Teller (28 ans) et Jamie Bell (29 ans), censés joués des lycéens de 17 ans. Ça ne passe pas car les deux ont déjà accompli leur transformation en acteurs adultes (depuis 15 ans et "Billy Elliot" pour Bell et depuis "Whiplash" pour Teller). On n'y croit pas et même s'ils font de leur mieux ils se cognent très vite dans le cadre d'une histoire hyper maladroite et d'une direction inexistante. (...) Bourrée de clichés et de dialogues creux, cette première partie sent le reshoot à plein nez, surtout lorsque tant de scènes promises par la bande-annonce sont portées disparues dans la twilight zone d'une post-production difficile. Où est passé le développement du personnage de Ben Grimm ? Personne ne s'étonne qu'un jeune ingénieur de génie mal rasé à la Anonymous s'appelle Victor Von Doom ? Passons. (...)
La deuxième partie est plus réussie et exprime clairement une vision de cinéma - c'est vraisemblablement l'apport de Josh Trank (...) Plus sombre, plus tenue, plus glauque (le réveil de Red Richards qui découvre son corps élastique, la souffrance de la Chose dans son corps de pierre), plus violente... Pendant une vingtaine de minutes, le film est solide, tient bon, raconte quelque chose, va quelque part. Les personnages prennent de la gravité, de l'épaisseur. Et quand Doom -au character design très réussi et flippant tant qu'on y est- revient de la Zone, au cours d'une brève bouffée de violence où Trank cite explicitement Katsuhiro Otomo (un carnage télékinésique en travelling dans les couloirs d'une base), on se surprend même à penser que le film pourrait être finalement réussi. Et puis boum : la baston finale des héros contre Doom, d'une banalité affolante, vient tout gâcher. La conclusion consternante fera soupirer encore longtemps après. Et pas de caméo de Deadpool ou Wolverine pour tenter de sauver les meubles, pas même en scène post-générique. On est loin du sympathique bordel de "The Amazing Spider-Man : Le Destin d'un héros", film raté et boursouflé mais qui avait le mérite d'enchaîner les délires à la façon d'un enfant de sept ans recopiant ses comics préférés avec la frénésie de la jeunesse.
L'impression générale reste celle d'un beau gâchis. Gâchis d'une vision régénérante à la "Batman Begins" des FF, gâchis d'un très beau casting qui aurait pu, qui aurait dû, faire des choses fantastiques. (...) "Les 4 Fantastiques" n'a donc malheureusement pas survécu au conflit entre les deux visions du sujet, entre le divertissement teenage PG13 et un reboot dark et réaliste, le premier ayant colmaté les trous du second et la chirurgie n'a pas réussi. La first family de Marvel ne pouvait pas survivre au réalisme. Et la souffrance et l'hubris ont gagné. La souffrance et l'hubris d'ados boostés dans une ambiance ras-du-sol ? Trank avait de toutes façons déjà fait ce film, il s'appelait "Chronicle" et c'était vraiment pas mal.