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Il fallait oser. Le réalisateur Zhang Yimou abandonne les fresques épiques (Hero, Le Secret des poignards volants) pour mettre en scène une véritable tragédie classique. Autour d’intrigues de palais et d’amours contrariées, le cinéaste déploie sans retenu son sens esthétique et sa très grande maîtrise des couleurs. Bien sûr, décors et costumes sont magnifiques, mais le rythme lancinant de l’ensemble à la limite du soporifique fait amèrement regretter le caractère épique de ses précédentes réalisations. Ajoutez à cela quelques bizarreries de montage et des effets spéciaux au rabais et vous obtiendrez un film qui ne passionnera très certainement pas les foules.
Toutes les critiques de La Cité Interdite
Les critiques de Première
Les critiques de la Presse
- Téléramapar Pierre Murat
Quelques longueurs encombrent, sur la fin, cette symphonie furieuse, d’où émerge Gong Li, superbe en Phèdre, tout entière à ses proies attachée…
- Télé 7 jourspar Julien Barcilon
Zhang Yimou, esthète virtuose à qui l’on doit dans le même registre Hero et Le secret des poignards volants, cisèle un spectacle d’une splendeur visuelle inouïe. Le faste de la mise en scène n’a d’égale que la noirceur du propos. Soit un écrin impérial pour une dénonciation (intemporelle) du pouvoir absolu.
- Le JDDpar Stéphanie Belpêche
Le metteur en scène raconte comment le pouvoir corrompt, mène à la destruction de la famille puis à la folie. Ici, les joutes verbales valent mieux que n'importe quelle cascade .
- Fluctuat
Pour son troisième film en costume (plus vraiment un wu xia pian), Zhang Yimou a encore poussé plus loin la recomposition de l'esthétique totalitaire, façon [people rec="0"]Leni Riefenstahl[/people]. Ampleur incroyable des moyens techniques, décors invraisemblables, costumes délirants, tout est impeccable. De l'histoire d'une impératrice qui fait vaciller l'ordre et la représentation d'un régime immuable.
- Exprimez-vous sur le forum La cité interditeDans son petit pamphlet publié chez Allia, Contre François Jullien (sino-philosophe superstar), Jean François Billeter démontrait rapidement mais justement comment la représentation de la civilisation chinoise donnée par ses lettrés, ses textes historiques, est erronée. Intimement liée au «despotisme impérial», Billeter décrit comment cette civilisation a triché avec le pouvoir afin de créer une réalité historique, sorte de grand projet politique et idéologique qui, de siècle en siècle, a fondé une certaine image de l'empire. Cette grande instrumentalisation de la culture ayant pour but de faire naître l'idée que l'ordre impérial serait conforme aux lois de l'univers. La nouvelle fresque historique de Zhang Yimou, La cité interdite (ou Curse of the Golden Flower, plus juste), succédant à Hero et au Secret des poignards volants, n'est justement pas si éloignée du projet de Billeter, non sans une part d'ambiguïté due à son esthétique.La cité interdite s'affiche d'emblée comme un grand récit épique, une immense tragédie comme la Chine en a produit des centaines. Soit une intrigue politique, à la cour de l'empereur, avec complot, trahison, vengeance, empoisonnement, relations incestueuses et passionnées ou ivresse du pouvoir. Tout y passe, et Zhang Yimou assure un spectacle d'orfèvre. Décors et costumes toujours plus fastueux, mise en scène encore plus virtuose, chorégraphies incroyables, scènes de batailles impossibles, La cité interdite est un spectacle total. Des visions dignes de Léni Riefenstahl affichant en scope des rangées de soldats numériques ultra-rectilignes (Comme l'avait fait [people rec="0"]George Lucas[/people] dans la saga Star Wars), comme si l'harmonie se devait de tenir à chaque plan tandis que le récit ne cesse de le corrompre.Si La cité interdite rejoint par hasard le livre de Billeter, c'est par le fait que son vrai sujet est celui d'une subversion impossible. Soit l'histoire d'une impératrice (Gong Li), qui va sacrifier ses fils en les précipitant dans sa soif de vengeance contre l'empereur (Chow Yun-Fat, au retour laborieux) qui cherche à l'éliminer sournoisement en l'empoisonnant à petits feux. Le point de départ de La cité interdite est donc un mensonge, d'abord caché puis connu de tous, et sur lequel va se fonder une réalité historique. Pour maintenir son pouvoir, faire tenir un décor sans faille où le réel est fabriqué, l'empereur tue tout autour de lui afin d'étouffer la vérité. Ce qui peut ainsi produire un renversement politique, une remise en question du pouvoir (dont la représentation passe aussi par l'image de la cité), se révèle impossible. Même de l'intérieur, le totalitarisme ne peut être vaincu lorsque sa puissance est telle et le peuple autant assujetti.Mais le vrai problème de La cité interdite, c'est l'image. En mettant en péril l'équilibre impérial, son pouvoir, l'impératrice fait vaciller l'empire, et toute son esthétique. La grande scène / bataille finale du film le montre bien, lorsque la défaite a sonné, on nettoie vite, on enlève rapidement les corps, et on remet tout en place, avec renfort de milliers d'hommes, comme pour dire que jamais rien n'a eu lieu. L'équilibre et l'harmonie du despotisme impérial passent ainsi par un décor, grand théâtre d'une réalité fondée sur une pure illusion idéologique, associé à un seul homme et la force de ses armées. Rien de vraiment neuf ici, tant le récit est classique et la forme éprouvée, sauf que Zhang Yimou, en mettant à l'épreuve son esthétique contre celle d'un renversement politique né des passions, a ouvert une faille. Il a réussi à montrer, non sans ambiguïté, comment une esthétique issue du despotisme transforme le monde, comment elle se révèle la plus forte même contre ce qui la touche en plein coeur. Tout le film est ainsi parcouru d'une tension, d'une lutte entre le drame et l'image qui finalement se révèle la plus forte, sauf pour ce dernier plan, une tâche, qui a elle seule, dit tout.La cité interdite
Réalisé par Zhang Yimou
Avec Gong Li, Chow Yun-Fat
Sortie en salles le 14 mars 2007[Illustrations : © SND]
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- Chronique du Secret des poignards volants (2003)
- Chronique de Hero (2003)Paris Matchpar Christine HaasVéritable plaisir visuel, ce spectacle proche de l’opéra est aussi époustouflant qu’impersonnel.