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C’est quoi ce film ? En début d’année, on apprenait que Gaspar Noé venait de tourner, en deux minuscules semaines, un film mystère, nom de code : Psyché, en compagnie d’une armada de street-dancers emmené par l’Amazone moderne Sofia Boutella. Mais de quoi s’agissait-il exactement ? Un documentaire sur une rave-party ayant mal tourné ? Un film d’horreur ? Une comédie musicale sous MDMA ? Habitué à un rythme de production quasi-kubrickien (4 longs-métrages en 20 ans), Noé se prenait soudain pour Fassbinder (qui, lui, usinait 4 films par an). Pensé et produit sous le radar, l’ovni, rebaptisé Climax, a fini par débarquer au dernier Festival de Cannes dans l’habituel tourbillon de soufre, de danger et d’excitation quasi sexuelle qui saisit la Croisette quand Noé vient y proposer son dernier trip, décuplé cette fois-ci par la nature énigmatique du projet.
État de manque
Mais alors, c’est quoi, Climax ? On passe justement toute la projection à se poser la question. Le film s’ouvre sur une scène de danse hallucinante, un plan-séquence à se décrocher la mâchoire, dont on sait en le voyant qu’il sera désormais cité dans tous les anthologies ou mash-up du genre. Mais cette scène jouissive est un trompe-l’œil, un leurre, le spectateur se mettant alors à attendre, de façon quasi pavlovienne, un autre numéro aussi puissant et dingo. Sauf que celui-ci n’arrivera jamais… On n’est pas dans Sexy Dance. Noé, pervers, vient d’instiller en nous une sensation de manque, et, à partir d’un argument prétexte (la sangria du buffet où se désaltèrent les danseurs a été coupée à l’acide), peut alors nous entraîner dans le vortex, au cœur des ténèbres, montrant l’implosion d’un groupe humain mis face à ses pires pulsions, tandis qu’autour de lui le monde s’écroule, comme dans un film de zombies de Romero. Climax part en vrilles psychédéliques de plus en plus horribles, de plus en plus intenses, la chronologie s’inverse, le générique surgit en plein milieu, des slogans tentent de mettre un peu de sens dans tout ça, la musique cogne, la panique grimpe, et on finit la tête à l’envers (littéralement). C’est quoi ce film ? Peut-être bien l’allégorie d’une société en train de sombrer dans le chaos, le commentaire social le plus acéré balancé par Noé depuis Seul contre tous. C’est surtout le best-of orgasmique du styliste le plus doué de l’Hexagone. Un film dément et fier de l’être.