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Scorsese, Fincher, Van Sant, Les cinéastes font-ils vraiment du bien aux séries ?

Pourquoi Mann ?

De tous les réalisateurs de prestige ayant récemment dirigé un pilote de série, Mann est le seul à pourvoir se réclamer d?une véritable relation longue durée avec la télé. C?est là qu?il a commencé sa carrière, dans les 70?s, en tant que scribe anonyme de séries comme Vegas ou Starsky et Hutch. Là qu?il a bâti sa légende de styliste fluo, dans les 80?s, avec le hit Deux flics à Miami. Là qu?il revient régulièrement, entre deux longs métrages, pour tester des trucs qu?il réimporte ensuite vers le grand écran (voir Robbery Homicide Division, bide de 2002 dans lequel il expérimentait tout un arsenal numérique qu?il réutilisera dans Collateral et Miami Vice ? le film).<strong>Nombre d?épisodes réalisés : 1 (sur 9)</strong>Degré d?implication :Total, absolu. Sans doute un peu trop. Annulée par HBO pour de sombres histoires de canassons maltraités et/ou morts durant le tournage, Luck sentait en réalité le soufre dès l?origine. Pour l?occasion, Mann s?était associé avec David Milch, scénariste légendaire de NYPD Blue et Deadwood, mais les ego ont rapidement clashé. Nick Nolte (qui jouait un rôle secondaire dans la série) a depuis raconté dans le LA Times que Milch aurait un jour tenté de « tuer Mann à coups de batte de base-ball » parce que celui-ci ne? montait pas les épisodes assez vite ! Gasp. Luck restera donc pour l?éternité un superbe ovni mort-né. Et Mann travaille actuellement à un nouveau pilote pour HBO. En solo.

Todd Haynes La série : Mildred Pierce

<strong>Mildred Pierce</strong> (2011), mini-série de prestige adaptée du roman de James M. Cain et conçue comme un véhicule pour sa star <strong>Kate Winslet</strong>.

Pourquoi Avary ?

Cinéaste prodigieux (Killing Zoe, Les Lois de l?Attraction) et alter ego contrarié de Tarantino, Avary a vécu une décennie 2000 difficile, entre séjours en prison et tentatives d?adaptations de bouquins de Bret Easton Ellis qui ne voient jamais le jour (Glamorama, Lunar Park). Un passage par la case télé était une bonne occasion de se refaire une santé. Pour Canal, l?arrivée d?Avary confirmait le désir de la chaîne d?internationaliser son cheptel d?auteurs, après avoir confié à Tom Fontana la destinée de Borgia.<strong>Nombre d?épisodes réalisés : 0 (sur 13)</strong>Degré d?implication :Les premiers épisodes font un peu peur. Mais ceux qui ont tenu jusqu?au n°5 vous assureront que c?était le temps nécessaire pour qu?Avary s?approprie la commande et transforme XIII en un joyeux foutoir bis et décomplexé. C?est aussi ça, la télé.

Pourquoi Haynes ?

Prototype du cinéaste indé ayant de plus en plus de mal à financer ses expérimentations arty, l?auteur de I?m not there a trouvé refuge sur HBO, une chaîne qui fait de plus en plus régulièrement figure de mécène pour grands auteurs à court d?argent. En présentant Mildred Pierce à la Mostra de Venise 2011, Haynes a également contribué à brouiller les frontières festivalières entre cinéma et télévision, à l?instar d?Olivier Assayas (qui a montré son Carlos à Cannes) et de Kiyoshi Kurosawa (la mini Shokuzai, montrée à Toronto l?an dernier).<strong>Nombre d?épisodes réalisés : 5 (sur 5)</strong>Degré d?implication :Mildred Pierce est du Todd Haynes à 100%, un mélo conceptuel qui s?empare de formes hollywoodiennes classiques (le roman de Cain avait été porté à l?écran par Curtiz dans les années 40) pour tester leur résistance à la modernité. Quelque chose comme une version de 5 heures de Loin du Paradis.

Roger Avary La série : XIII.2

<strong>XIII.2</strong>, la deuxième saison de l?adaptation par Canal de la BD culte de Van Hamme. 

Martin Scorsese La série : Boardwalk Empire

<strong>Boardwalk Empire</strong> (2010 - ?), un très onéreux barnum mafieux lancé par HBO il y a trois ans pour maintenir sa suprématie dans le paysage de plus en plus concurrentiel des chaînes câblées.

Gus Van Sant La série : Boss

<strong>Boss</strong> (2011-2012), variation shakespearienne sur la vie politique américaine, avec l?icône US <strong>Kelsey Grammer</strong> dans la peau d?un Roi Lear de Chicago.

Pourquoi Van Sant ?

Comme pour Fincher et Scorsese, Boss marque la rencontre entre la volonté d?une chaîne (Starz, en l?occurrence) d?accoler un nom prestigieux à l?un de ses programmes, et la curiosité d?un auteur touche-à-tout, qui n?a jamais été effarouché par les ?uvres de commande. En bossant sur le show, <strong>Van Sant</strong> dit avoir mieux compris les spécificités du récit sériel, « un mélange de trivialité et d?ambition romanesque », comme il le décrivait récemment aux Inrocks. Rappelons que ce n?est pas la première fois que l?homme de Portland furète du côté de la télé ? à l?origine, son Elephant palmé d?or était un téléfilm HBO.  <strong>Nombre d?épisodes réalisés : 1 (sur 18)</strong> Degré d?implication :Oui, le pilote de Boss ressemble à du <strong>Van Sant</strong> : un mélange de canevas shakespearien (comme dans My Own Private Idaho) et de réflexion sur la citoyenneté en Amérique (comme dans Harvey Milk), parsemé de gros plans obsessionnels sur les visages de ses protagonistes (comme dans Will Hunting). Mais ce n?est pas faire injure à Gus d?estimer que la réussite du show doit avant tout à sa star <strong>Kelsey Grammer</strong>. La fièvre destructrice de Boss semble toute entière modelée sur la crispation des mâchoires trop carrées de l?ancien acteur de Frasier, son cou de taureau enragé, la fureur paranoïaque de son regard. Le « patron », c?est lui.

David Fincher La série : House of Cards

La série : <strong>House of Cards</strong> (2013 - ?), une plongée glaciale dans les coulisses du Capitole de Washington, racontant l?alliance entre un politicien revanchard (<strong>Kevin Spacey</strong>) et une journaliste ambitieuse (<strong>Kate Mara</strong>).

Pourquoi Kounen ?

Canal + a toujours modelé sa politique de fiction sur celle d?HBO. La reine des chaînes câblées fait appel à Scorsese, Mann, Todd Haynes ? Canal signera à son tour avec de grands réalisateurs frenchy : Assayas hier (Carlos), Kounen aujourd?hui. L?idée étant de donner à ceux-ci une totale carte blanche pour mieux définir en leur compagnie les frontières de la « télé d?auteur ». Un territoire aux limites encore floues et en constante expansion ces jours-ci.<strong>Nombre d?épisodes réalisés : 2 (sur 2)</strong>Degré d?implication :Difficile de reprocher au Vol des Cigognes de ressembler à du Kounen : la prise de risques était assumée, elle faisait partie de la commande dès l?origine. Alors, OK, on ne comprend rien à cette intrigue policière se disloquant à mi-parcours, mais on peut aussi décider de s?en foutre et d?applaudir les embardées stylistiques furibardes d?un Kounen en très grande forme, qui emballe ici quelques-unes des scènes les plus dingos de sa filmo. Les fans de Blueberry ont adoré. Les autres?F. Foubert

Jan Kounen La série : Le Vol des cigognes

<strong>Le Vol des cigognes </strong>(2013), téléfilm en deux parties adapté d?un bouquin de Grangé, à base de trafics de diamants, de quête initiatique globalisée et d?états de conscience modifiés

Michael Mann La série : Luck

<strong>Luck </strong>(2012), déambulation arty (et drivée par <strong>Dustin Hoffman</strong>) dans les coulisses d?un hippodrome californien.

Scorsese, Fincher, Van Sant, Les cinéastes font-ils vraiment du bien aux séries ?

Des cinéastes qui réalisent des séries télé ce n?est pas exactement une nouveauté. On pourrait remonter  à Alfred Hitchcock présente en passant par le Twin peaks de David Lynch. Mais plus récemment les chaines ?notablement américaines ? ont tenté de donner une touche culturelle plus glam et arty  encore à leur produit en faisant réaliser le pilote voire parfois quelques épisodes par des réalisateurs cultes. Scorsese, Mann  et tout récemment Fincher s?y sont collés.  Dans certains cas, la série profite à plein d?un lancement à la réalisation ambitieuse qui va irriguer les épisodes suivants. Dans d?autres cas, le pilote est tellement au-dessus de la mêlée que la comparaison est cruelle pour la suite de la série. Alors , inviter des cinéastes est-il une si bonne idée ? On a passé en revue les exemples les plus significatifs et les plus récents.  

Pourquoi Scorsese ?

Comment lancer une série sur la Mafia aujourd?hui ? Comment survivre aux Soprano, chef-d??uvre terminal qui affirmait qu?il n?y avait plus rien à dire sur le sujet ? En rameutant Scorsese au générique, voilà comment. Un coup de poker faramineux pour HBO et, pour l?intéressé, la possibilité de se pencher sur les promesses de narration fleuve offertes par les séries télé. La question de la fresque, de la grande forme, a en effet toujours été une préoccupation majeure des cinéastes du Nouvel Hollywood en général, et de l?auteur de Gangs of New York et Casino en particulier.  <strong>Nombre d?épisodes réalisés : 1 (sur 36)</strong> Degré d?implication :Après un pilote où il faisait du Scorsese un peu mécaniquement (travellings majestueux, plans-séquences virevoltants?), Marty est reparti tourner des films, des pubs pour le parfum et des docs sur ses idoles rock, tout en assurant en interview rester « très impliqué » dans la production du show (sans qu?on ait aucun moyen de le vérifier). Le véritable maître d??uvre de Boardwalk est son showrunner <strong>Terence Winter</strong>, un auteur très doué mais parfois légèrement dépassé par les événements (trop de fric et de personnages à l?écran, engorgement thématique permanent, etc.). On ignore si Scorsese réalisera un jour un autre épisode, et Winter semble autant dans le flou que nous : « Ce serait génial que Marty mette en scène le final. Mais son emploi du temps est un vrai casse-tête? »

Pourquoi Fincher ?

Afin de lancer en fanfare sa première production maison d?envergure (un véritable « game-changer » industriel destiné à faire trembler sur leurs bases les chaînes de télé traditionnelles), la plateforme de VOD Netflix avait besoin d?un nom, une signature aussi prestigieuse que celles qui forme l?ordinaire des soirées télé d?HBO (Scorsese, Michael Mann, etc.) Mais, au-delà du superbe coup marketing, House of Cards confirme surtout la mue de l?ex-enfant terrible de Fight Club en génie à louer, un super artisan capable de transformer n?importe quelle commande en ?uvre éminemment personnelle. Qu?il adapte un succès de librairie que tout le monde connaît déjà par c?ur (Millenium) ou remake une série british de 1990 (comme ici), cet homme vampirise tout ce qu?il filme.<strong>Nombre d?épisodes réalisés : 2 (sur 13)</strong> Degré d?implicationObsessionnels, hypnotiques, les deux premiers épisodes de House of Cards fonctionnent comme du pur Fincher, quelque part entre Zodiac et Social Network. Un pilote en deux temps qui se regarde comme un film à part entière, et constitue sans nul doute les deux plus belles heures de télé que vous verrez cette année. Puis vient la série? Addictive, ultra stylisée, du très haut de gamme dans le registre du drama câblé pour adultes. Mais soulevant néanmoins ce problème majeur : comment regarder une série avec la conscience aiguë qu?aucun épisode ne sera jamais aussi bon que le premier ?

Des cinéastes qui réalisent des séries télé ce n’est pas exactement une nouveauté. On pourrait remonter  à Alfred Hitchcock présente en passant par le Twin peaks de David Lynch. Mais plus récemment les chaines –notablement américaines – ont tenté de donner une touche culturelle plus glam et arty  encore à leur produit en faisant réaliser le pilote voire parfois quelques épisodes par des réalisateurs cultes.Scorsese, Mann  et tout récemment Fincher s’y sont collés.  Dans certains cas, la série profite à plein d’un lancement à la réalisation ambitieuse qui va irriguer les épisodes suivants. Dans d’autres cas, le pilote est tellement au-dessus de la mêlée que la comparaison est cruelle pour la suite de la série. Alors , inviter des cinéastes est-il une si bonne idée ? On a passé en revue les exemples les plus significatifs et les plus récents.