Emmanuel Gras était sur les ronds-points et dans les manifs des Gilets Jaunes. Il en tire un film puissant sur une révolte trop caricaturée par les médias.
Le peuple qui donne son titre à ce documentaire, ce sont les Gilets Jaunes issus d’un pays qui se tenait sage. Les médias, on le sait, ont tôt fait de les caricaturer pour les tenir à distance de l’autre peuple, aussi « grand » que l’autre était censé être « petit ». Juste avant une pandémie qui allait tout refaçonner, il ne fallait pas que le virus de la révolte ne mute. A quoi sert un cinéaste, s’il ne va pas voir sur place ce qui se passe ? Dans certains pays certains artistes payent cher ce genre de déplacement (Mohammad Rasoulof ou Jafar Panahi en Iran) En France, François Ruffin dans un geste qui prolongeait sa pensée avait fait le voyage avec arme (une caméra) et bagage (sa figure de révolté) à partir de la fin de 2018 pour rencontrer des Gilets Jaunes aux quatre coins de France avec J’veux du soleil. Le plus discret, Emmanuel Gras (Bovines) était lui-aussi sur les ronds-points et au milieu de la « mitraille » place de l’Etoile et les environs. Il a vu et entendu des hommes et des femmes révoltés, qui ont mis en jeu - et entre parenthèses - une vie déjà pas facile, pour protester ensemble contre cet ultra-libéralisme décomplexé qui conditionne nos existences. Son film remet en perspective la beauté d’un combat et ses dérives malheureuses qui n’ont pas vocation à tout recouvrir. A bonne distance et pourtant le nez dans son sujet, Gras rappelle que si le combat à déserté le petit écran, la fonction du grand est de montrer sa pertinence et sa vaillance. Un peuple donne envie de (re-)lire le merveilleux petit livre jaune de Barbara Stiegler, Du Cap aux grèves.
De Emmanuel Gras. Durée : 1h45. Sortie le 23 février 2022
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