Cet amoureux des mots, disparu hier, a souvent réuni ses deux amours, la chanson et le cinéma. La preuve en cinq titres pour le duo Piccoli- Schneider, Polnareff, Gabin, Johnny Hallyday et Reggiani
La Chanson d’Hélène (1970)
Un an après avoir écrit Le Clan des Siciliens pour Dalida sur la célèbre musique d’Ennio Morricone, Jean- Loup Dabadie signe les inoubliables paroles de La Chanson d’Hélène, du nom de l’héroïne de Choses de la vie de Claude Sautet, dont il a co- écrit le scénario et l’ensemble des dialogues. Michel Piccoli et Romy Schneider donnent sublimement de la voix sur le thème de Philippe Sarde. Une chanson déchirante qu’on n’entend pas dans le film mais qui a traversé les années tout autant que lui.
Ca n’arrive qu’aux autres (1971)
Cela fait alors trois ans que Jean- Loup Dabadie écrit régulièrement des chansons pour Michel Polnareff avec quelques standards à la clé comme Tous les bateaux, tous les oiseaux ou Dans la maison vide. Et en cette année 71, alors que le chanteur arbore un nouveau look qui deviendra culte (grandes lunettes à verres foncés aux larges montures blanches et longs cheveux blonds et ondulés), il compose deux bandes originales pour le cinéma : La Folie des grandeurs de Gérard Oury et Ca n’arrive qu’aux autres de Nadine Trintignant. Un film inspiré par une tragédie intime vécue par la réalisatrice : la mort brutale à 9 mois de sa fille Pauline. C’est sur ce plateau que naît l’idylle entre ses deux interprètes principaux, Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni. Et pour les paroles de la chanson qui accompagne le générique de ce film et en restitue avec une immense subtilité toute la puissance émotionnelle, Polnareff fait donc de nouveau appel à Dabadie. Emily Loiseau la reprendra en 2007 dans un album tribute au chanteur.
Maintenant je sais (1974)
Ce titre est un événement. Car il marque le retour à la chanson de Jean Gabin, 38 ans après Quand on s’promène au bord de l’eau, créée pour La Belle équipe de Julien Duvivier. Et l’idée est à mettre au crédit de l’éditeur musical Denis Bourgeois, le premier directeur musical de Serge Gainsbourg et France Gall, dans la foulée du triomphe d’Anthony Quinn avec I love you, you love me, monologue parlé sur une musique composée par Harold Spina. Dans le même registre, Bourgeois décide d’adapter But now, I know d’Harry Philip Green et d’en confier l’adaptation française à Jean- Loup Dabadie. Gabin est plutôt réticent à l’idée d’une chanson racontant sa vie. Mais le nom de Dabadie va changer la donne. Gabin accepte volontiers de recevoir celui dont il admire le travail pour Sautet et les autres. Et après avoir bu avec lui une bouteille de muscadet, il accepte de lire son texte puis, conquis par les mots « dabadiens », d’interpréter ce titre qui sonne comme un testament. Le jour de l’enregistrement, il lui faudra une seule prise avec une voix marquée par l’annonce peu avant de la mort de son ami Francis Blanche. Son monologue parlé cartonnera dans les hit parades avec en Face B Maître corbeau et Juliette Renard, toujours co- écrit par Dabadie. Et Claude Lelouch utilisera 13 ans plus tard Maintenant je sais dans Attention bandits ! avec Jean Yanne et Patrick Bruel, où il est question de la mort du comédien et dont la fille Florence Moncorgé sera la scripte.
J’ai épousé une ombre (1983)
L’histoire veut qu’ils se soient mis en couple en 1982 juste après avoir joué en duo un sketch pour une émission de Gilbert et Maritie Carpentier à la télé. Et quelques mois plus tard, entre deux concerts mythiques au Palais des Sports, Johnny Hallyday rend régulièrement visite à Nathalie Baye sur le tournage de J’ai épousé une ombre de Robin Davis. L’occasion est alors trop belle de lui faire chanter le titre éponyme de la B.O. sur la musique de Philippe Sarde et avec les mots de Jean- Loup Dabadie. Ce sera la seule collaboration de ce dernier avec Johnny Hallyday.
Le Temps qui reste (2002)
Il a composé pour lui quelques-unes de ses plus inoubliables chansons, dont Le Petit Garçon et L’Italien. Et en cette année 2002, pour l’album Autour de Reggiani – où de nombreux artistes, de Renaud à Jane Birkin en passant par Bernard Lavilliers, reprennent ses plus grand succès – Jean- Loup Dabadie écrit un inédit pour Serge Reggiani. Un texte sur mesure, cousin du Maintenant je sais de Gabin, sur une musique de Alain Goraguer, l’arrangeur- orchestrateur historique de Jean Ferrat. Un hymne aux jours heureux du futur après un passé bien rempli. Reggiani s’éteindra en 2004. Et quatre ans plus tard, Jean Becker fera du Temps qui reste le générique de fin de son film Deux jours à tuer avec Albert Dupontel. Et le cinéaste et Dabadie collaboreront à trois autres reprises sur les scénarios de La Tête en friche, Bon rétablissement ! et Le Collier rouge. Les ultimes collaborations pour le grand écran de celui qui nous a quittés hier.
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