Les Bad Guys 2
Dreamworks

Décryptage de Pierre Perifel. Accompagné du producteur Damon Ross, le réalisateur français nous détaille les enjeux des Bad Guys 2, prévu à l'été 2025 au cinéma.

Deux ans après le joli succès des Bad Guys, un film d'animation particulièrement dynamique qui avait trouvé son public en obtenant de bonnes critiques et 250 millions de dollars de recettes sur la planète, Dreamworks démarre le teasing de sa suite. Les Bad Guys 2 sortira le 30 juillet 2025 au cinéma, et voici sa première bande-annonce.

Elle est suivie d'un décryptage de son créateur, Pierre Perifel, qui était déjà aux commandes du premier et avait avant cela travaillé sur l'animation de Kung-Fu Panda ou des Cinq Légendes, et du producteur Damon Ross, lui aussi fidèle au studio : il a notamment travaillé sur Turbo, Les Croods et Baby Boss.

C'est parti ? Action !


 

Première : Après avoir vu ce trailer rempli d'action, d'humour et de nouvelles héroïnes, la première question qui me brûle les lèvres est : pourquoi le film ne s'intitule pas cette fois Les Bad Girls ?

Pierre Perifel : (Rires) C'est vrai qu'on aurait pu appeler cette suite Les Bad Girls ! On a ces nouveaux personnages féminin géniaux, et méchants à leur manière. Les filles sont très importantes dans cette nouvelle histoire, donc oui, ça aurait pu le faire. Mais bon, ce sont nos Bad Guys les héros, notre histoire tourne toujours autour d'eux, donc on les a gardés dans le titre, tout simplement.

Vous nous présentez leurs nouvelles adversaires ?

PP : Bien sûr. Donc nos Bad Guys ont appris à devenir des Good Guys et ça leur réussit bien, je dois dire. Sauf qu'ils vont se faire enlever par une équipe de filles, un trio à la Drôles de dames, et elles vont les obliger à redevenir méchants. Il y a Miss Kitty (Mistrigri en VF), un chat, c'est la boss des Bad Girls. Il y a Pigtail (littéralement "Queue de cochon", mais qui signifie aussi "couette, natte" ou "câble électronique"), un porc, et on a Doom ("destin, malheur"), qui est un corbeau. Ce sont trois filles géniales, qui se connaissent depuis longtemps. Elles ont l'habitude de bosser ensemble, et elles peuvent se permettre d'apparaître plus cool que les Bad Guys d'emblée.

Au casting vocal, il y a Danielle Brooks (Orange is the New Black), Maria Bakalova (Borat 2, The Apprentice) et Natasha Lyonne (Poupée Russe, Poker Face). On n'a pas encore choisi les voix françaises pour les doubler, mais en anglais on a vraiment des super comédiennes, c'est un ajout de taille dans notre histoire globale.

Damon Ross : Tu peux quand même dire que tu es personnellement impliqué dans le doublage français des films.

PP : Oui, c'est vrai. En tant que Français, j'ai eu envie de m'impliquer dans le doublage de cette version, et même dans la réécriture de certaines répliques. Une bonne VF, c'est tellement important, surtout pour un film familial comme ça, où les enfants de vont pas venir le découvrir avec des sous-titres. J'ai toujours été sensible aux doublages réussis. Donc oui, ça me tient à cœur de superviser aussi cet aspect, mais je ne peux rien annoncer pour le moment, c'est encore trop tôt.

Pierre Perifel Bad Guys
Abaca

Pierre Perifel et son casting vocal du premier film : Pierre Niney, Jean-Pascal Zadi, Natasha Andrews, Igor Gotesman, Doully et Alice Belaïdi.

 

Faire une suite titrée sur les héros et présentant de nouvelles héroïnes, ça rappelle un peu Mad Max : Fury Road...

PP : C'est vrai qu'on venait pour retrouver Max et qu'au final c'était l'histoire de Furiosa. Il y a un peu de ça. J'accepte le parallèle, évidemment !

DR : En plus, on fait un clin d'oeil direct au film de George Miller dans ce trailer. C'est forcément l'une des grosses influences quand on réfléchit au cinéma d'action.

Dernière question sur le titre, promis : et pourquoi pas Les Good Guys, cette fois ?

DR : On continue de jouer avec cette idée, effectivement. Dans le premier, notre héros conseillait à sa team de se faire passer pour des gentils pour mieux rester méchants, avant de découvrir qu'ils étaient au fond de vrais gentils, et là, c'est un peu l'inverse. Sous la menace, ils prétendent être redevenus méchants, mais ils cherchent à faire le bien. C'est le cœur de notre concept, donc oui, on continue à explorer cette question.

PP : Mais on tient à notre titre d'origine ! (rires)

Parlons un peu d'action : cette bande-annonce fait immédiatement écho à celle du premier film, et à sa scène de course poursuite d'ouverture, qui était particulièrement dynamique.

PP : C'est un peu comme notre marque de fabrique. Cette ouverture à 200 à l'heure, ce type de course haletante, c'est ce qui nous a donné envie de s'attaquer à ce genre du cinéma d'action. Personnellement, ça fait partie des trucs que je préfère les cascades super-cool en voiture. En plus, là, c'est un peu présenté comme l'origin story de la nouvelle bagnole, on va voir comment ils ont obtenu cette voiture en particulier, et comment c'est devenu un élément clé de leur groupe. D'une certaine manière, la caisse fait aussi partie des Bad Guys. On démarrait le premier sur des chapeaux de roues, et là, c'est un peu pareil, mais en plus approfondi puisque ça va aussi révéler quelque chose sur l'équipe.

En parlant d'action, il y a souvent à Hollywood cette idée de "la suite doit être plus énorme, plus rapide, plus impressionnante." Vous aviez envie de jouer avec ça?

PP : Absolument. On aime décortiquer ce genre, jouer avec ses codes, et l'opportunité de poursuivre l'histoire des Bad Guys nous donnait la chance de pouvoir continuer sur ce terrain. Mais un peu différemment en même temps. Le premier était un film de casse, à la Ocean's Eleven, alors que là, on est plus dans l'espionnage.

A la James Bond ?

DR : Plus à la Mission : Impossible, en fait. On s'est beaucoup inspiré de leur manière de mettre en place les scènes d'action. De film en film, tout est plus gros, et pour que ça marche, il faut penser tout cela en amont, bien organiser la construction générale de notre long métrage.

PP : Oui, et ce côté "bigger, faster, stronger" est possible maintenant que le public connaît déjà nos Bad Guys. On peut plonger encore plus vite dans l'action et proposer de la nouveauté aussi. Des endroits différents, par exemple, mais qui ne sont pas choisis au hasard, qui doivent aider à la préparation des scènes d'action. C'est vraiment un truc piqué des films d'espionnage, ça.

Pour comparer, voici la bande-annonce du premier volet des Bad Guys :


 

Il y a aussi ce cliché de "la dernière mission". Les Bad Guys 2 sortira l'été prochain, peu après l'ultime mission d'un espion très connu, d'ailleurs : Ethan Hunt.

DR : J'adoooore les Mission : Impossible.

PP : La manière dont Tom Cruise dépasse toujours ses limites, c'est quand même dingue ! Je ne peux pas nier l'influence énorme de cette saga sur Les Bad Guys. C'était déjà un peu là dans le premier, et dans la suite, ça a vraiment été un modèle pour nous.

DR : Ah oui complètement. C'est plus qu'une simple influence.

PP : Nous aussi, on a nos grosses cascades ! (rires) Je rigole, bien sûr, mais on a quand même emprunté des éléments à tous les niveaux : on s'en est évidemment inspiré pour nos scènes d'action, vu que c'est une référence du genre, mais il y a aussi cette idée des masques, que rien n'est jamais aussi simple que ce qu'on voit à l'écran. Tout notre jeu des Bad Guys/Good Guys relève un peu de Mission : Impossible au fond.

DR : Pour moi, le premier film de Brian De Palma a véritablement redéfini la manière de mettre en place des scènes spectaculaires. Cette vision cinématographique, très élaborée, j'y reviens toujours. On l'a d'ailleurs revu ensemble en préparant Les Bad Guys 2.

PP : Absolument. Il n'y a rien de plus fun que d'imaginer la mise en place des scènes d'action, en fait. C'est ce qui me plaisait avec le genre du film de casse dans le premier, et c'est aussi très vrai avec ce type de saga d'espionnage. Et pour revenir au côté "c'est leur ultime mission", c'est devenu un tel classique du cinéma d'action, on était presque "obligés" de jouer avec.

DR : Tu crois que ce sera vraiment la dernière mission d'Ethan, d'ailleurs ? (rires)

Les Bad Guys 2
Dreamworks

L'autre aspect qui frappe dans cette bande-annonce, c'est votre gestion de l'humour. Comment trouvez-vous le bon équilibre entre les blagues enfantines et les vannes pour adultes ? Pour que ce soit un peu méta mais pas trop ?

DR : Peut-être en écrivant d'abord pour nous ? En imaginant des films qui nous font rire. Nos auteurs sont franchement marrants, déjà, il faut bien le dire (Etan Cohen et Aaron Blabey, déjà sur le premier opus, ndlr). Ils ont rapidement su trouver le bon ton pour les Bad Guys. Je sais pas comment ils font, mais tout a l'air plus intelligent dans leurs scripts. Peut-être parce qu'ils bossent à fond les personnages ? La comédie découle de leurs caractères, ils arrivent à leur faire dire les blagues de façon naturelle, très fluide. Ils ne cherchent pas à balancer une bonne vanne et basta, vous voyez ?

PP : Je dirais aussi qu'on a sans doute trouvé ce ton en évitant de faire de la parodie. On aime avant tout le genre de films qu'on refait à notre sauce, on ne s'en moque pas. On joue avec des clichés, on met des petits clins d'oeils pour les cinéphiles qui reconnaîtront telle ou telle référence, mais ça relève plus de l'hommage. Dans cette suite en particulier, les dialogues sont très malins, je trouve, mais si ça passe au-dessus des enfants trop jeunes, c'est pas grave parce qu'ils auront une bonne blague visuelle quelques instants plus tard.

DR : Et puis, c'est plus facile sur un numéro 2, quand on connaît déjà bien les personnages. On peut se lâcher.

PP : Oui, d'ailleurs on a eu de la chance de pouvoir caster des acteurs aussi bons, et d'avoir l'occasion de les réunir au moins une fois tous ensemble pour improviser des échanges. Quand on a Sam Rockwell, au meilleur de son jeu, qui s'amuse à se glisser dans son personnage et à lui inventer des blagues, face aux réactions de Zazie Beetz ou Marc Maron... C'est le rêve.

DR : Oui parfois, sur les films d'animation, on ne peut pas réunir tout le monde pour les enregistrements vocaux, mais là ça a marché, et dès le début de la production, donc c'était génial de donner à ces rois de la comédie l'opportunité d'improviser entre eux et de garder le meilleur. Ils ont tourné quoi ? Cinq scènes clés tous ensemble ? On leur avait fait lire le script avant et ce jour-là, on leur a dit : 'Vous connaissez l'histoire et vos persos, allez-y. Amusez-vous, échangez.' Le fait d'avoir cet espace pour tester des choses, c'est de l'or pour les acteurs.

Notez à propos de l'humour des Bad Guys que la bande-annonce française est un peu raccourcie par rapport à l'américaine, qui a un gag final supplémentaire :

Les Bad Guys a reçu un bel accueil, mais il y a une critique qui a tout de même été relayée autour de ses ressemblances avec Zootopie (2016), des studios Disney. Comment avez vous géré cette comparaison ?

PP : Elle n'avait rien de vexant, en fait. Déjà parce que Zootopie est un super film, et aussi parce que c'était un peu inévitable, j'ai l'impression. Quand vous racontez une histoire avec des animaux qui parlent, qui sont animés de manière anthropomorphique, comme ça... ça se ressemble forcément un peu. Nous, on a eu la chance d'arriver assez longtemps après eux, on n'était pas en concurrence directe (alors que ça a pu être le cas entre de grosses productions de Disney et Dreamworks par le passé, par exemple entre Le Monde de Nemo et Gangs de requins, en 2003/2004, ndlr). Et on a fait attention à ne pas trop marcher sur leurs plates-bandes...

DR (le coupe) : En s'éloignant un peu des bouquins, principalement. The Bad Guys s'inspire de livres (d'Aaron Blabey, le co-scénariste des films, ndlr), d'un univers déjà riche, mais qui mettait en scène seulement des animaux. Nous, on a fait le choix, assez tôt dans la production, de mélanger nos animaux anthropomorphiques et des humains, qu'ils se croisent dans la même ville. Cette coexistence, l'air de rien, ça a permis de limiter les comparaisons entre les deux.

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Dreamworks/Universal

En 2022, il est sorti au pic d'un certain renouveau du cinéma d'animation hollywoodien, entre le Spider-Verse de Sony et Le Chat Potté 2, également chez Dreamworks/Universal. Comment vous avez vécu ça de l'intérieur ?

PP : On a ressenti un désir fort de la part des artistes d'utiliser les effets numériques autrement. Il y a eu ce souhait de s'éloigner d'une animation plus classique et réaliste, pour mélanger toutes sortes de références et de styles artistiques. Spider-Man : New Generation nous a en quelque sorte ouvert la porte à tous, et on a pu continuer d'explorer de nouvelles choses. Et de manières différentes : on n'avait pas les mêmes problématiques que les équipes du Chat Potté 2 sur Les Bad Guys, par exemple. Mais on en parlait souvent, au sein du studio, et ça a coïncidé avec un changement de direction au cours duquel on a senti que nos producteurs étaient plus ouverts face à ce bouleversement. Ils ont accompagné cette envie globale de nouveautés, que ce soit dans les styles d'animation ou la mise en scène. D'ailleurs, cette évolution continue en ce moment chez Dreamworks : Le Robot sauvage, ça relève aussi de cette même envie d'utiliser les CGI autrement. Ou Arcane chez Netflix. Il y a tellement de nouveautés intéressantes en ce moment dans l'animation, c'est super emballant de voir ces portes visuelles et créatives s'ouvrir. En tant que réalisateur, évidemment, mais aussi juste en tant que spectateur, c'est une nouvelle ère très excitante.

DR : Je confirme. De mon point de vue de producteur, je partageais cette envie de faire les choses différemment. Je ne sais pas si on se rend bien compte de l'influence énorme que le Spider-Verse a eu sur le cinéma d'animation actuel ? Sur Les Bad Guys 2, on avait déjà les bases, donc je ne peux pas vous dire qu'on a tout chamboulé entre le premier opus et cette suite, mais on a quand même voulu continuer à faire évoluer les choses. Visuellement parlant, et en terme de mise en scène aussi.

PP : Oui, le public sentira sûrement que c'est un peu différent, qu'on a pris soin à tous les niveaux de ne pas se répéter, de ne pas stagner.

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