Ce qu’il faut voir en salles
L’ÉVÉNEMENT
BULLET TRAIN ★★☆☆☆
De David Leitch
L’essentiel
Brad Pitt est la seule vraie bonne raison d’aller découvrir ce polar usant par sa succession sans fin d’esbrouffes visuelles
« Garbo rit ! » C’était le slogan avec lequel la MGM avait lancé Ninotchka. Pour Bullet Train, Sony aurait pu mettre : « Brad Pitt s’amuse ! ». Parce que c’est sans doute la seule raison d’aller voir ce polar un peu usant. Dès le début le pacte est clair : ca va flinguer à tout va. Sept tueurs à gage ont pour mission de mettre la main sur une mallette qui se trouve à bord d’un train lancé à grande vitesse. Le spectateur ne quittera pas le train, eux non plus. Car pour récupérer la mystérieuse valise, tous les coups sont permis. Dans un délire fluo, grand-guignol, tout le monde s’agite comme dans les classiques de Matthew Vaughn période britannique. A coup d’esbrouffes visuelles et de Tarantinades (un ou deux dialogues rigolos), le film s’engage donc à pleine bourre sur la voie du spice-polar. Le savoir faire technique est évident, l’originalité un peu moins. Ca empile les références et les cadavres avec une rythmique millimétrée, ça déroule le rouleau compresseur du shoot-em-up parodique en le saturant d'effets visuels. Ca multiplie les chorégraphies de combats impressionnantes. Mais ça n’empêche pas cet océan clipesque, de s’assécher dans un délire lourdingue et un peu niais. Reste donc Brad Pitt. Qui s’amuse. Et qui est toujours amusant à regarder dans ces circonstances-là. Mais est-ce bien suffisant pour aller s’enfermer en salles ? En période de canicule sans doute…
Pierre Lunn
Lire la critique en intégralitéPREMIÈRE A AIME
EN DECALAGE ★★★☆☆
De Juano Giménez Peña
C’est au départ à peine perceptible. Mais, plus les jours passent, plus l’ingénieure du son, héroïne de ce long métrage espagnol, découvre un décalage entre les bruits autour d’elle et le moment où elle les perçoit. Un point de départ aussi déstabilisant qu’original qui donne naissance à un portrait de femme enfermée dans son mal- être, aussi réussi dans sa forme (la manière dont Juan Giménez Peña traduit cet handicap en termes de sons et de situations inventives – notamment une scène d’un romanesque échevelé mettant en scène l’homme qui l’aime) que dans le récit déployé autour des causes de cette panne des sensations auditives. Et dans le rôle central de ce puzzle mental, Marta Nieto (Madre) livre une composition fascinante, par la multitude des sentiments contradictoires que son seul visage se révèle capable d’exprimer, sans jamais forcer le trait. Entre délicatesse et puissance, une immense actrice.
Thierry Cheze
Lire la critique en intégralitéLES PROMESSES D’HASAN ★★★☆☆
De Semih Kaplano Iu
D’abord cet arbre majestueux au milieu d’un champ vide. C’est le centre de gravité de cette histoire d’un paysan - Hasan – obligé de défendre ses terres menacées par l’installation d’un pylône. Dans le même temps, sa femme et lui, ont été tiré au sort pour entreprendre le pèlerinage à la Mecque. L’occasion de solder certains comptes avec soi-même. Il arrive ainsi à Hasan de rêver et de faire remonter à la surface certaines rancœurs. L’arbre, lui, est toujours là, comme un garde-fou. Et quand il en vient à être déraciner, c’est l’équilibre de ce monde qui vacille. Le film de Semih Kaplanoglu - auteur du beau triptyque Miel - Le Lait et L’œuf entre 2007 et 2010 – porte en lui une tension sous-jacente et permanente. Le poids dramatique du film repose sur les solides épaules de son formidable acteur principal Umut Karadag. Sa grâce et ses mystères font littéralement vibrer le cadre.
Thomas Baurez
Retrouvez ces films près de chez vous grâce à Première GoPREMIÈRE A MOYENNEMENT AIME
AMANTS SUPER- HEROÏQUES ★★☆☆☆
De Paolo Gevonese
Réalisateur de Perfetti Sconosciuti que Fred Cavayé a remaké avec Le Jeu, Paolo Gevonese se déploie cette fois- ci sur le terrain de la comédie romantique en disséquant l’histoire d’un couple – lui, prof de physique pour qui la vie n’est que la résultante d’une formule mathématique ; elle, dessinatrice de BD aussi impulsive qu’anticonformiste – de sa rencontre fortuite un soir de pluie aux hauts et bas qui vont rythmer leur relation, entre ruptures et réconciliations qu’on peut croire à chaque fois définitives. L’exercice n’a évidemment rien d’inédit mais le charme opère. Grâce à la complicité joueuse qui unit son duo de comédiens, Alessandro Borghi (le Luigi Tenco du Dalida de Lisa Azuelos) et Jasmine Trinca (dont on découvrait la semaine dernière son premier film de réalisatrice, Marcel !), comédienne romanesque en diable mais aussi à une construction en flashbacks et flashforwards qui bordélise le récit à bon escient et le sort des clous en suscitant l’attention soutenue du spectateur que nous sommes pour suivre ce feu d’artifice de péripéties. Amants super- héroïques questionne la relation entre hasard et destin et plus largement ce qui au fond fait couple. Le désir ou non d’enfant ? Des caractères proches ou au contraire totalement dissemblables donc complémentaires ? L’entrée en matière est piquante, la dernière ligne droite déchirante. Dommage qu’entre les deux, Gevonese tire à la ligne, créant un ventre mou où les situations ont tendance à se répéter et faire du surplace. Sa durée – bien trop longue – de 2 heures finit par jouer contre le film
Thierry Cheze
PREMIÈRE N’A PAS AIME
L’ANNEE DU REQUIN ★☆☆☆☆
De Ludovic et Zoran Boukherma
Après le loup-garou des Pyrénées (Teddy), les frères Boukherma poursuivent leur démarche régionaliste se réappropriant des figures identifiées du cinéma de genre nord-américain, ici le film de requin façon Dents de la mer au cœur des Landes. Cette délocalisation passe par l’absurde avec le P’tit Quinquin de Bruno Dumont dans le viseur et l’intrigue voit une « gendarmette » d’une petite station balnéaire (Marina Foïs) profiter de l’attaque d’un squale pour repousser son départ à la retraite et se lancer à corps perdu dans la gueule du monstre. Mais hélas les cinéastes ne savent jamais très bien où mettre les pieds, entre parodie, respect du genre et drame psychologique dans des séquences condamnées à se répéter à l’envi pour finir par donner au film une impression de carcasse vide. Le requin ne semble donc promis qu’à une mort atroce, victime collatérale de ce film-joujou inconséquent. Un pitch, on le sait, n’a d’intérêt que s’il est converti en scénario.
Thomas Baurez
Lire la critique en intégralitéDES FEUX DANS LA NUIT ★☆☆☆☆
De Dominique Lienhard
Pour son deuxième long métrage (seize ans après le premier, Müetter qui réunissait Stanislas Merhar et Sophie Quinton), Dominique Lienhard adapte Naufrages, une nouvelle du japonais Akira Yoshimura, pour la transposer dans une petite île européenne du 16ème siècle. On y suit les aventures d’un jeune garçon de 15 ans propulsé dans des responsabilités d’adulte au départ de son père parti travailler, loin des siens, pour subvenir au besoin de sa famille. Eclairé avec soin par Pascal Marin créant à l’écran une atmosphère proche du Michael Kohlhaas d’Arnaud des Pallières, solidement interprété (Igor Van Dessel, Ana Girardot et Louna Espinosa – qu’on retrouvera bientôt en tête d’affiche du Rumba de Franck Dubosc – en tête), Des feux dans la nuit souffre cependant d’un rythme trop relâché, d’un manque de souffle et d’aspérité qui finissent par susciter un sentiment d’ennui grandissant et l’éloignent de ses ambitions.
Thierry Cheze
Et aussi
Ménestrel de Olivier Goujon
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