S’il est avant tout un homme de théâtre cumulant les casquettes de comédien, danseur, auteur à ses heures et surtout, metteur en scène de renom, figure phare de la scène théâtrale contemporaine italienne, Pippo Delbono s’aventure ses dernières années en d’autres contrées artistiques, que ce soit derrière la caméra, réalisant films et documentaires "expérimentaux" (Guerra, Grido, et tout récemment Amore Carne et Sangue) ou devant, en tant qu’interprète, promenant son physique atypique et sa sensibilité à fleur de peau chez Luca Guadagnino (Amore), Peter Greenaway (Goltzius et la Compagnie du Pélican), Bernardo Bertolucci (Moi & toi), Valeria Bruni Tedeschi (Un Château en Italie), Yolande Moreau (Henri)… On est donc peu étonné de le voir s’essayer à un nouveau genre, l’installation-performance, investissant pour la première fois un lieu d’exposition comme la Maison Rouge, entièrement consacré à l’art contemporain.Il y invente un parcours immersif, une déambulation dans les entrailles de ses obsessions, un voyage au cœur des thèmes de prédilection qui jalonnent ses spectacles, des inspirations qui nourrissent sa création. A travers des vidéos, des sons, des objets choisis (fauteuil, bâches, photos, téléviseur…), l’artiste évoque sa rencontre et sa collaboration avec Bobo, sourd muet microcéphale devenu l’un des piliers de sa compagnie, l’hôpital psychiatrique et l’enfermement, ses insomnies, la fin de vie de sa propre mère. Ainsi, le spectateur-visiteur est invité à effectuer une traversée, un parcours intérieur tissé d’espaces hétéroclites (un réfectoire, une chambre noire, un vestibule, un dédale blanc) précédé d’une guide mutique et mystérieuse, enveloppé de musique et accompagné par la voix chaude et rassurante de Pippo Delbono. C’est un chemin, c’est une errance, c’est un labyrinthe où l’on se perd autant que l’on se retrouve.Pippo Delbono s’approprie les outils et le vocabulaire de l’art contemporain pour mieux se rapprocher de son public, nous envelopper dans un monde de sensations pures où la porosité et la perméabilité sont de mises, à l’image de son théâtre, d’une beauté plastique époustouflante, gorgé d’émotions tumultueuses, libre et révolté. Un théâtre visuel et organique, hanté par les fantômes de Pina Bausch et Pasolini. Un théâtre à vif, en corps à corps avec le public. Gageons (et espérons) que l'exposition Ma Mère et les autres aura la puissance de ses séismes scéniques, la force brute de ses spectacles, la faculté de nous emporter dans les profondeurs mouvementées de son imagination et de nous relier à notre intimité propre, à la réalité brutale et fabuleuse de la condition humaine, à la vie même.Par Marie PlantinL’Exposition de Pippo Delbono, Ma Mère et les autres, se tiendra du 5 au 21 septembre à la Maison Rouge - Fondation Antoine de Galbert.