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Si le terme n’était pas aussi galvaudé, il serait tentant de qualifier Gun Crazy (Le Démon des armes) de mythique, dans le sens où tout le monde en parle comme d’un prodigieux tour de force, alors que personne ne l’a vu depuis un bail. Il était temps de le rééditer, et Wild Side l’a fait, en confiant à l’écrivain Eddie Muller, spécialiste du film noir, le soin de rédiger un livre qui revient en détail sur la réalisation de ce film exceptionnel. On y apprend que sa réussite est presque miraculeuse. Au départ, il y a une nouvelle de MacKinlay Kantor, qui raconte la cavale d’un couple de braqueurs psychotiques. Flairant la bonne affaire, les frères King en ont acheté les droits pour le compte de leur compagnie Monogram.Il leur faudra dix ans pour aboutir à un film, entre les embrouilles avec l’auteur, qui a lui-même adapté son livre, et le jeu de cache-cache avec le code Hays, qui surveillait de très près tous les débordements possibles de cette histoire de criminels motivés par la passion érotique. Finalement, c’est le blacklisté Dalton Trumbo qui a livré sous pseudo un script brillant, tandis que le réalisateur Joseph Lewis, parti de chez Columbia en claquant la porte, a profité de l’indépendance que lui offraient les King pour expérimenter un style extrêmement dynamique et inventif, célèbre pour ses spectaculaires plans-séquences. Enfin, deux acteurs quasi inconnus, la flamboyante Irlandaise Peggy Cummins et l’avenant John Dall, vu dans La Corde, d’Alfred Hitchcock, ont incarné le couple maudit mieux que ne l’auraient fait des stars. La modernité du film, sorti en 1949, en a fait un prototype qui allait inspirer autant la Nouvelle Vague que les films emblématiques du genre, comme Bonnie and Clyde ou La Balade sauvage.Gérard DelormeLe Démon des armes de Joseph H. Lewis avec Peggy Cummins, John Dall, Berry KroegerVoici en extrait un des fameux plans-séquences :