Moi aussi, de Judith Godrèche
Maneki Films

Le geste symbolique de la réalisatrice lors de sa montée des marches cannoise s'inscrit dans une démarche militante, et artistique.

En montant les marches du festival de Cannes le mardi 14 mai 2024, Judith Godrèche et une partie de son équipe de Moi aussi, court métrage projeté en ouverture d'Un Certain Regard, puis dans la foulée au Cinéma de la Plage, a orchestré un geste fort : tous ont masqué leur bouche de leurs mains, pour dénoncer la parole trop longtemps entravée sur les violences sexuelles.

Cannes 2024 : le geste fort de Judith Godrèche avec Moi aussi [photos]

L'actrice a eu l'idée de ce court métrage de 17 minutes après son discours engagé des César, dans lequel elle appelait toute la profession à ouvrir une discussion sur ces sujets, dans le milieu du cinéma, mais pas seulement. Quelques jours plus tard, elle portait ses revendications jusqu'au Sénat.

Judith Godrèche a eu le courage de dénoncer publiquement les abus dont elle a été victime en tant que jeune actrice, citant nommément des réalisateurs reconnus, Benoît Jacquot et Jacques Doillon, comme des agresseurs, qui auraient abusé d'elle dès ses 15 ans. Sa prise de parole a été salvatrice pour des milliers d'autres victimes, qui l'ont contactée pour la remercier, lui écrire leurs propres histoires... Et ce sont leurs messages qui lui ont donné l'idée de Moi aussi.

Moi aussi, de Judith Godrèche
Maneki Films

Ce court métrage s'inscrit pleinement dans sa démarche militante, pour autant il n'a rien d'un manifeste choc. Judith Godrèche mise plutôt sur un geste artistique, la douceur d'une danse, la beauté d'un mouvement commun tout en symboles pour parler de #MeToo. Haut et fort, mais autrement.

Pas de scène choc ici. On suit une jeune femme, sa fille Tess Barthélemy (déjà dans son excellente série pour Arte, Icon of French Cinema), déambulant au cœur d'une foule de victimes réunies par Judith à Paris, le temps d'une journée de tournage. Leurs gestes, d'abord hésitants, lourds du poids du secret ou de la honte, vont se faire plus ouverts, s'harmoniser pour former peu à peu un seul et même mouvement. Quand voix de la comédienne de 19 ans commence à raconter les expériences douloureuses, subies parfois très jeunes, quand la parole se libère littéralement, enfin, ces êtres blessés peuvent se prendre dans les bras, se faire confiance, s'unir pour sortir ensemble de ce silence qui a si longtemps étouffé leur traumatisme.

 "Après tout, moi aussi, je suis une foule. Une foule face à vous. Une foule qui vous regarde dans les yeux.", avait dit Godrèche sur la scène des César. Ici sa foule marche d'un même pas, avant que la réalisatrice ne rappelle, émue, des chiffres tristement édifiants :

"160 000 enfants sont violés chaquue année.
1 femme sur 5 déclare avoir subi des violences sexuelles.
1 homme sur 14 déclare avoir subi des violences sexuelles.
81% avant l'âge de 18 ans."

Le message est clair, puissant, porté par une foule d'anonymes qui ont trouvé en Judith Godrèche le porte-voix idéal pour faire passer le message au cœur du mouvement #MeToo : il est grand temps de mettre fin aux violences sexuelles. 

Moi aussi sera proposé gratuitement sur le site de France.TV à partir du 25 mai 2024.


Judith Godrèche a proposé des mesures contre les violences sexuelles au cinéma devant le Sénat