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Pour se mettre dans la peau de son personnage, Aniello Arena a dû surmonter un sacré paradoxe. Dans Reality, il incarne un poissonnier exubérant qui développe une obsession pour l'émission de télé réalité Il Grande Fratello (le Loft italien) et fait tout pour s'y faire enfermer. Dans la vie, c'est en prison que vit Arena depuis vingt ans, condamné pour meurtres à la perpétuité.Grâce à la troupe de théâtre créée par Armando Punzo dans sa prison de la Volterra, Aniello Arena joue la comédie depuis plus de dix ans et participe même à des tournées grâce à un système de permissions assez souple. Mais lorsque Matteo Garrone est venu le chercher pour son film, c'est la première fois qu'il mettait les pieds sur un plateau de cinéma. C'est en venant filmer les répétitions d'un spectacle de la troupe de la prison que le cinéaste a découvert son acteur, à qui il a proposé le rôle principal de Gomorra (finalement tenu par Toni Servillo). Parce que le sujet du film a été jugé trop proche de l'histoire d'Arena par le magistrat qui le suivait, l'acteur/détenu n'a pas obtenu la permission de sortie nécessaire au tournage. Aniello Arena a en effet été condamné à la prison à perpétuité pour avoir participé au triple meurtre d'une bande de mafieux rivale lorsqu'il était homme de main de la Mafia napolitaine en 1991.Matteo Garrone est donc revenu lui proposer son nouveau projet, Reality, et cette fois c'est passé. A part quelques ajustements, notamment faire avec la présence policière sur le plateau, le tournage s'est déroulé normalement, l'acteur venant chaque jour faire son boulot et rentrant le soir dans sa cellule. Une quasi routine en Italie, où le statut de détenu n'est pas incompatible avec le métier d'acteur, au contraire : dans quinze jours sort une autre production transalpine, César doit mourir, dont l'ensemble du casting est composé de prisonniers.S'il peut donner des interviews tous azimuts pour la promotion, la star Reality n'a en revanche pas pu monter les marches de Cannes où Reality a raflé le Grand prix - son statut ne lui permet quand même pas de quitter le territoire italien. Mais grâce à son conduite exemplaire, Aniello Arena pourrait bientôt bénéficier d'un régime de semi-liberté, et prétendre à une liberté conditionnelle d'ici un an. Entre l'excellence de sa performance dans le film de Matteo Garrone et son histoire hors du commun, cet homme de 44 ans a sans doute une belle carrière devant lui - même si elle dépend encore plus de la justice que des producteurs de cinéma. Review : Reality, le triomphe de l'art dans un monde de (télé)réalité