Ce qu’il faut voir cette semaine.
L’ÉVENEMENT
LE LION ★☆☆☆☆
De Ludovic Colbeau-Justin
L’essentiel
Dany Boon cornaque ici Philippe Katerine sur les routes de la comédie popu. Peine perdu.
C’est l’histoire d’un lion qu’on disait fou. Dany Boon sans crinière, coincé entre les quatre murs d’un hôpital psychiatrique, hurle à qui veut l’entendre qu’il est un super agent secret. Nom de code « Lion ». Son psy (Philippe Katerine) ne croit bien-sûr pas à ces histoires de félin. Le spectateur, si. Il a vu la séquence d’ouverture dans un restaurant chic de Dubaï où ledit lion en costard a neutralisé avec grâce et légèreté des assaillants déchainés tout en préservant sa belle. Cut.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A ADORÉ
LA BEAUTÉ DES CHOSES ★★★★☆
De Bo Widerberg
Saluons l’équipe de la société française Malavida films d’avoir sorti de l’oubli l’œuvre du suédois Bo Widerberg (1930-1997). Depuis six ans, les cinéphiles ont pu, en effet, se (re-)plonger dans un cinéma dont la modernité tient dans son affranchissement à un territoire donné. Widerberg, ancien critique de cinéma, a très tôt pris ses distances avec l’ogre Bergman, vantant un cinéma libre, sensible et décomplexé (parmi les chocs, citons l’élégiaque Elvira Madigan, le road-movie américain Joe Hill ou le polar torturé Un flic sur le toit). La beauté des choses, son dernier long-métrage (Widerberg est mort à 66 ans d’un cancer), reçut l’Ours d’argent à Berlin en 1996. C’est un film personnel où le cinéaste revenait sur les lieux de son adolescence. A Malmö durant la Seconde Guerre Mondiale, Stig un collégien va nouer une relation aussi passionnelle que sexuelle avec la jolie Viola, son professeur. Cet apprentissage des sens va s’accompagner d’une découverte de nouveaux horizons et notamment, via le mari de sa maîtresse, de celui des grands compositeurs allemands (sublime séquence du mélomane fatigué, déplorant les larmes aux yeux à l’écoute d’un quatuor de Beethoven parasité par la voix violente d’Hitler: « C’est pourtant la même langue ! »). Le jeune héros est interprété par le propre fils du cinéaste. Ce dernier avait attendu que celui-ci ait l’âge du rôle pour enfin tourner ce drame intimiste et sensible. La beauté des choses formellement classique est d’une vive intelligence où chaque détail compte. Du très beau Bo donc.
Thomas Baurez
PREMIÈRE A AIMÉ
WAVES ★★★☆☆
De Trey Edward Shults
Krisha, premier long métrage de Trey Edward Shults, présenté à Cannes en 2015, racontait un dîner de Thanksgiving perturbé par l’arrivée d’une tante borderline. It comes at night, son deuxième film, était une fable horrifique sur la cohabitation compliquée de deux familles dans un monde postapocalyptique. Aujourd’hui, Waves fait le portrait d’un ado afro-américain dont la vie d’apparence parfaite va virer à la tragédie. Un fil rouge, dans tout ça ? Un thème, d’abord, la cellule familiale, tour à tour montrée comme un cocon protecteur et une prison étouffante. Un style, ensuite, tout en situations paroxystiques, sensations fortes, montées d’adrénaline.
Frédéric Foubert
UN SOIR EN TOSCANE ★★★☆☆
De Jacek Borcuch
Quelles sont les limites de la liberté individuelle ? C’est le sujet de ce film, centré sur une poétesse juive polonaise nobélisée. Une femme libre tant dans sa vie personnelle – elle a un jeune amant égyptien, au vu et au su de son mari aimant – que dans ses mots. Sauf que l’époque a changé. La crise des réfugiés crée des tensions dans le village toscan où elle vit et un attentat à Rome renforce le sentiment de défiance envers les étrangers. Au cœur de cette Cocotte-Minute, elle prononce un discours polémique qui va la mettre au ban de son village et fracasser son fragile équilibre familial. À travers ce personnage, Jacek Borcuch signe un portrait incisif de notre époque où tout esprit refusant l’idée d’un monde gouverné par la peur de l’autre est vu comme piétinant les victimes d’attentats. L’interprétation nuancée de Krystyna Janda sert à merveille ce propos passionnant.
Thierry Cheze
UN JOUR SI BLANC★★★☆☆
De Hlynur Palmason
On a découvert l’univers singulier de Hlynur Palmason avec Winter Brothers, plongée claustro dans la tête d’un mineur dérangé où éclairs de violence et burlesque se disputaient la primeur. Nous voici à nouveau aux côtés d’un personnage paumé, un commissaire veuf inconsolable. Quand il s’aperçoit que sa femme avait possiblement un amant, son deuil est supplanté par un irrépressible désir de vengeance. Moins sauvage que Winter Brothers, Un jour si blancest encore le récit d’un dysfonctionnement intime provoqué non plus par des psychotropes mais par un bouleversement émotionnel brutal. Ingimundur pleure-t-il sa femme, une trahison posthume ou sur son sort ? Palmason le filme dans de grands espaces à l’horizon embrumé, comme une métaphore de son infini et écrasant monologue intérieur.
Christophe Narbonne
PREMIÈRE A MOYENNEMENT AIMÉ
CUBAN NETWORK★★☆☆☆
D’Olivier Assayas
Il y a deux Olivier Assayas : celui des grands drames familiaux et intimes (Les Destinées sentimentales, L’Heure d’été) et celui des thrillers poisseux et brutaux (Demonlover, Boarding Gate). Les deux ne sont pas forcément antagonistes, la cruauté feutrée des uns faisant écho à la violence viscérale des autres. Cuban Networks’inscrit pour sa part dans la lignée de Carlos, le film-somme d’Assayas qui conjugue son goût du romanesque, de la politique-fiction et de la violence révolutionnaire.
Christophe Narbonne
LA VOIE DE LA JUSTICE ★★☆☆☆
De Destin Daniel Cretton
C’est une histoire américaine. Celle de Bryan Stevenson, un brillant avocat qui a choisi d’aider les détenus incarcérés à tort en raison, souvent, de discriminations. Le film se concentre sur son cas le plus célèbre, Walter McMillian, un Noir condamné à mort sur la seule foi d’un témoignage douteux. L’action se situe en Alabama, l’un des États où sévit un racisme grégaire... Destin Daniel Cretton (States of Grace), le réalisateur fétiche de Brie Larson (à qui il confie le rôle de l’assistante de Stevenson), filme ce biopic avec un sérieux papal et donne à Bryan Stevenson des allures de messie du barreau. Michael B. Jordan l’incarne l’oeil sévère et la mâchoire serrée. Un héros, un vrai, guidé par un idéal. C’est une histoire américaine, sans surprises ni réel suspense, mais carrée.
Christophe Narbonne
L’ESPRIT DE FAMILLE ★★☆☆☆
D’Éric Besnard
Alexandre est un romancier happé par l’écriture, qui prend rarement le temps de parler avec ses proches. Après la mort de son père, il se retrouve face à un fantôme très bavard qui tente de lui donner quelques leçons de vie. Le procédé n’est, certes, pas nouveau. Papa est un fantôme de Sidney Poitier en 1990 – pour n’en citer qu’un parmi de nombreux autres – développait déjà cet argument. Mais L’Esprit de famille évite le mélo et le pompier en parvenant à garder un délicat équilibre entre mélancolie et sarcasme. Il faut dire que son paternel est parfait ! François Berléand réussit à être cynique et tendre et compose avec Guillaume de Tonquédec un duo assez touchant. Éric Besnard soigne aussi ses personnages secondaires, dont le gros coup de coeur du film, Jérémy Lopez (trop peu utilisé par le cinéma) en frère cadet accro au travail.
Sophie Benamon
REVENIR ★★☆☆☆
De Jessica Palud
On a découvert Jessica Palud en 2013 avec son premier long métrage, Les Yeux fermés, aussi riche en maladresses qu’en promesses. Son deuxième film met en scène un trentenaire revenant dans la ferme qu’il a fuie douze ans plus tôt alors que sa mère dépérit et que son frère est décédé. Là, il doit faire face à un père taiseux plein de ressentiments envers lui alors qu’il fait la connaissance de la jeune veuve de son frère (et son fils de 6 ans) dont il va se rapprocher. Comme dans Les Yeux fermés, les comédiens (Niels Schneider et Adèle Exarchopoulos) constituent la vraie bonne raison d’aller voir Revenir. Mais comme dans Les Yeux fermés aussi, c’est du côté du scénario que le bât blesse. Personnages stéréotypés, rebondissements sans surprise... Revenir n’apporte pas grand-chose de neuf, ni au film de famille ni dans le regard porté sur le monde paysan.
Thierry Cheze
MISSION YÉTI ★★☆☆☆
De Nancy Florence Savard & Pierre Gréco
À travers le périple de Nelly, une détective privée débutante, et Simon, un jeune scientifique, partis à la recherche du yéti, le spectateur est embarqué dans une aventure rocambolesque sur le toit du monde dans les années 50. Après La Légende de Sarila, déjà réalisé par Nancy Florence Savard (qui cosigne Mission Yéti avec Pierre Gréco), l’animation québécoise prouve qu’elle ne manque pas d’ambition. Hélas, le défi n’est que partiellement relevé. C’est surtout aux petits (jusqu’à 10-11 ans) que s’adresse cette histoire qui pâtit d’une impression de déjà-vu et dont les péripéties paraissent un peu tirées par les cheveux. Les personnages secondaires ne sont pas assez développés. Malgré tout, Mission Yéti reste un honnête divertissement pour la famille mené par un personnage féminin très rafraîchissant.
Sophie Benamon
HISTOIRE D’UN REGARD – À LA RECHERCHE DE GILLES CARON ★★☆☆☆
De Mariana Otero
Après la fiction (Camille, Sympathie pour le diable), c’est au tour du documentaire de s’emparer du sujet du photojournalisme, très prisé par le cinéma ces derniers temps. Mariana Otero s’intéresse à l’une des stars de la profession, qui a couvert aussi bien les guerres civiles au Biafra et en Irlande que les premières parisiennes ou le tournage de Slogan avec Gainsbourg et Birkin avant de disparaître brutalement à 30 ans, en 1970 au Cambodge. Ayant trouvé dans une de ses photos un écho à sa propre vie, la cinéaste entreprend de nous raconter l’histoire singulière de Gilles Caron avec ce documentaire auquel il manque, hélas, le souffle de ses deux réussites majeures, Histoire d’un secret et Entre nos mains. Car on se disait dans ces deux cas que nulle autre qu’elle n’aurait pu les réaliser. Ce qui n’est pas le cas ici où elle peine à transcender la pure biographie.
Thierry Cheze
BOTERO ★★☆☆☆
De Don Millar
Le Colombien Fernando Botero, amoureux des formes voluptueuses, est l’artiste le plus exposé au monde, nous apprend ce documentaire en préambule. À 86 ans aujourd’hui, il trône au sommet du monde de l’art. Ce portrait hagiographique retrace méthodiquement les grandes étapes de sa carrière (un voyage de jeunesse initiatique à Florence, les années de vache maigre dans le New York d’après-guerre, la reconnaissance internationale...) et le montre aujourd’hui, manifestement apaisé et heureux, entouré de ses enfants, aimants et complices. Le documentaire renvoie l’image d’un homme persévérant, intègre, qui aura toute sa vie poursuivi une idée fixe, sans se soucier des modes et des critiques. Le tout constitue une introduction pédagogique et chaleureuse à son art, à défaut d’être très inventive sur la forme.
Frédéric Foubert
PREMIÈRE N’A PAS AIMÉ
JOJO RABBIT ★☆☆☆☆
De Taika Waititi
Au fond, on est tous pareils : on aime bien se moquer des nazis. Lorsque Jojo Rabbit fait des blagues de nazis, aucun problème, on marche à fond. Toute l’ouverture de Jojo Rabbitfait justement de très bonnes blagues de nazis. Nous sommes dans un camp d’entraînement de la jeunesse allemande en 1945, mené par Sam Rockwell (évidemment brillant en vétéran du front russe), Alfie Allen (hilarant en sous-fifre veule) et Rebel Wilson (démente en mère pondeuse du Reich).
Sylvestre Picard
LES TRADUCTEURS ★☆☆☆☆
De Régis Roinsard
Une équipe de traducteurs venue des quatre coins du monde est enfermée dans un bunker, sans contact avec l’extérieur, pour traduire l’ultime volet d’une série de polars à la Milléniumsignée d’un auteur reclus. Mais un maître-chanteur menace de révéler au public le contenu du roman. Qui est le coupable ? On comprend sans peine pourquoi Régis Roinsard (Populaire) s’est emparé d’un tel sujet, excitant et malin. Le problème est l’exécution. Passé son point de départ amusant, Les Traducteurs souffre d’un scénario complètement invraisemblable, où l’on passe sans cesse d’un twist à un autre, où chaque scène semble vouloir surclasser la précédente sur l’échelle du grand n’importe quoi. Lambert Wilson incarne un éditeur gourmet, vénal et vicieux en costume trois-pièces comme on pouvait s’y attendre : en roue libre et à contresens sur l’autoroute du délire.
Sylvestre Picard
LA BATAILLE GÉANTE DE BOULES DE NEIGE 2 – L’INCROYABLE COURSE DE LUGE ★☆☆☆☆
De Benoît Godbout & François Brisson
Trois ans après le carton (avouons-le, assez peu explicable) de La Bataille géante de boules de neige, ses jeunes héros sont de retour pour s’affronter dans une redoutable course de luge, où tous les coups ou presque sont permis. Mais quand on compare le film avec ce que l’on peut voir régulièrement en animation, difficile de s’enthousiasmer devant la paresse scénaristique, le manque d’inventivité visuelle et la platitude générale du spectacle proposé. Sans compter les chansons qui l’accompagnent, plus beuglées que chantées, qui finissent par vous coller un mal de crâne sévère. À réserver aux tout-petits, mais sans assurance aucune qu’ils ne s’ennuient pas autant que leurs aînés.
Thierry Cheze
Et aussi
Amy et le cristal magique de Nina Wels
Jeunes et courts ! de Laure Bourdon Zarader
Les mélancolies de Sade de Guy Marignane
Reprises
Slacker de Richard Linklater
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