Cannes jour 3
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Tous les jours, le point à chaud en direct du 77e festival de Cannes.

Le film du jour : Megalopolis de Francis Ford Coppola

Lors de la projection presse, les huées ont commencé dès l’apparition de l’écran noir du générique de fin. Mais les huées se sont tout de suite interrompues lorsque la dédicace de Francis à sa femme Eleanor (décédée en avril dernier). Histoire de ne pas être accusés de se mettre à conspuer la défunte épouse du réalisateur, quand même. Mais il y a bien eu des huées (et pas mal d’applaudissements), et ça faisait longtemps qu’un film en compétition ne s’était pas fait huer à Cannes, non ? Il faut dire que c’est compliqué, Megalopolis. Il y a aussi eu un happening inattendu : lors d’une scène où le personnage d’Adam Driver donne une conférence de presse, un comédien (en chair et en os) est venu sur scène pour lui donner la réplique. ça a fait un tabac auprès du public. C’est un film démesuré, naïf, ringard, flashy, épique, bourré de citations de Shakespeare et Marc Aurèle, quelque part entre Starmania et Hunger Games, un testament artistique d’intrigues déglingo-politico-romanesques situé dans la ville de New Roma… C’est ça, Megalopolis. C’est toute l’hubris à carbure Coppola depuis toujours, concentrée dans un seul film, où il a investi toute sa fortune, à 85 ans, pour un ultime tour de piste. Notre avis ? Un film difficile, surtout à expliquer à chaud en sortant de projo -mais promis, on n’a pas participé aux huées.

Notre critique de Megalopolis

Megalopolis
Le Pacte

La perf du jour : Franz Rogowski dans Bird 

Barry Keoghan et la jeune Nykiya Adams nous ont conquis dans Bird, le nouveau Andrea Arnold, qui fait son grand retour en compétition à Cannes 8 ans après American Honey. Mais la prestation qu’on retient est forcément celle de Franz Rogowski. L’acteur allemand aux faux airs de Joaquin Phoenix, qu’on avait notamment adoré en nazi dans Freaks Out, plane littéralement sur le film dans le rôle qui lui donne son titre. Sauf que cette fois c'est lui le freak. Il joue un type à l'esprit enfantin qui se ballade en jupe à la recherche de son identité et va se lier avec l'héroïne du film, une gamine de 12 ans vivant avec son père dans un squat. Un personnage hyper casse-gueule, comme sorti d'un conte, que lui seul pouvait incarner. Il arrive comme un cheveux sur la soupe dans le film, mais donne une étonnante et rafraîchissante dimension poétique au cinéma hyper naturaliste et social de la réalisatrice britannique. Sans trop vous spoiler, vous penserez forcément au Règne animal de Thomas Cailley en découvrant sa performance au cinéma…

Franz Rogowski à la montée des marches de Bird - Cannes 2024
ABACA

La musique du jour : "Salut à toi" dans A son image

Antonia, l’héroïne photographe du nouveau Thierry de Peretti, shoote son amant - et militant FLNC - vêtu seulement d’un jean, clope au bec et l’oreille au combiné du téléphone. Un plan-séquence rythmé par les bruits du déclencheur de l’appareil photo - et surtout par le tube du légendaire groupe punk français Bérurier Noir de 1985, diffusé en intégralité. 4 minutes et 30 secondes d’une longue litanie de saluts adressés à tous les peuples, surtout les rebelles et les antis de la planète, des Irlandais aux Afghans en passant bien sûr par les Corses (mais aussi, Béru oblige, à Fantômas, Yul Brynner ou encore Rantanplan). L’occasion de vérifier que Thierry (qui adapte ici un roman de Jérôme Ferrari retraçant les zones d’ombre de trente ans de lutte armée en Corse) est un filmeur toujours aussi balaise (on aurait aussi pu vous parler d’une scène de concert nationaliste avec des polyphonies corses, tout aussi démente). Mais aussi une drôle de résonance avec la bordure galactique extérieure : entendre ça à Cannes alors que dehors, dans le “vrai” monde, la Nouvelle-Calédonie flambe, ça fait un drôle d’effet. "Salut à toi, peuple kanak, salut aussi l’tchécoslovaque…"


 

Le pamphlet du jour : Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo (Cannes Classics)

1971, la guerre. 2024, la guerre. Que faire quand on est cinéaste ? Des films ! Encore et toujours. Cannes Classics exhibait hier en 4K le pamphlet des pamphlets antimilitaristes sur grand écran, Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo, Prix Spécial du Jury ici même il y a 53 ans, avant sa ressortie au cinéma le 2 octobre. Que reste-t-il de ce morceau de cinéma halluciné, unique prototype du paria Trumbo ? Tout. La puissance est intacte. Johnny Got His Gun raconte le calvaire d’un jeune américain, engagé volontaire dans les tranchées de 14-18, qui revient du front en lambeaux. Johnny (Timothy Bottoms) respire mais n’a plus de bras, de jambes, de sens... Juste une conscience qui se matérialise en voix-off et dans des tableaux oniriques volontiers baroques. Dans l’un d’entre eux, Donald Sutherland dans la peau du Christ himself, fabrique les croix qui garniront les cimetières. Caché à l’abri des curieux dans un hôpital, le jeune soldat, lui, reste un morceau de chair humaine dans un monde qui a justement oublié ce qu’était l’humanité.

1971, date de la sortie du film, le ”Vietnam” rappelle que la guerre est une belle connerie qui s’écrit invariablement au présent. "Où sont les jeunes ?", demande le père de Johnny incarné par le grand Jason Robards dans l’un des nombreux rêves du condamné. "A la dérive !", lui répond, désespéré, son enfant. La "dérive", l’écrivain et scénariste Dalton Trumbo la connaissait bien. Inscrit sur la Liste noire pour avoir refusé de dénoncer ses potes durant la Chasse aux sorcières, il connut la clandestinité et la dèche avant de retrouver un semblant de grâce dans les sixties. S’il pensait à Buñuel pour porter à l’écran son roman, Trumbo se chargea finalement lui-même de l’adapter.  A l’instar de La nuit du chasseur, Johnny Got His Gun fait partie de ces films uniques, à la fois premier et dernier geste de cinéastes qui ont visé si juste qu’un seul de leur monument a fait œuvre.

Johnny Got his Gun
Gaumont / Malavida

La Nepo du jour : Romy Croquet 

On a retrouvé la fille de Sofia Coppola ! En mars 2023, Romy Croquet, un des deux enfants que la réalisatrice a eu avec le chanteur de Phoenix Thomas Mars, faisait sensation dans un TikTok aussi improbable que viral où elle expliquait avoir été punie par ses parents pour avoir tenté de louer un hélicoptère avec la carte de crédit de son père. La jeune fille, née en 2006, racontait aussi qu’ils lui interdisaient d’être sur les réseaux sociaux pour l'empêcher de devenir une vulgaire nepo baby. Une vidéo hilarante et pleine d’autodérision où elle s’essayait à la recette des pâtes à la vodka, sans savoir distinguer un tête d’ail d’un oignon. 

Un an plus tard, Romy a fait une réapparition très remarquée au Festival de Cannes grâce à son… grand-père, Francis Ford Coppola, qui l’a invitée à monter les marches pour la présentation de Megalopolis, où se trouvaient aussi Talia Shire et Jason Schwartzman. Echapper à son destin népotique quand on appartient au clan Coppola est peine perdue, et on peut s’attendre à ce qu’elle fasse irruption un jour où l'autre dans un film de la famille. 

Romy Croquet
ABACA

Aujourd'hui à Cannes

Yórgos Lánthimos, grand gagnant du festival de Venise avec Pauvres Créatures l'année dernière, revient se frotter à Cannes avec Kinds of Kindness, film à sketches où l'on retrouvera Emma Stone (évidemment), Willem Dafoe, Jesse Plemons et Margaret Qualley. Ce n'est peut-être pas avec ce film-là qu'il gagnera sa première Palme d'or, mais on devrait a minima bien rigoler.

Autre revenant sur la Croisette, Paul Schrader, qui viendra présenter Oh, Canada en compétition (avec Richard Gere, Jacob Elordi et Uma Thurman, ça promet un beau tapis rouge), après être passé par la Quinzaine en 2016 avec Dog Eat Dog. L'histoire d'un célèbre documentariste canadien, condamné par la maladie, qui accorde une ultime interview à l’un de ses anciens élèves, pour dire enfin toute la vérité sur ce qu’a été sa vie. Bonne ambiance !

A minuit, il faudra se précipiter pour découvrir The Surfer de Lorcan Finnegan, où Nicolas Cage va mettre la raclée à des surfeurs relous. Qui n'a pas envie de voir ça, franchement ? Aussi au menu du jour : Christmas Eve in Miller's Point (à la Quinzaine, avec Michael Cera, malheureusement absent de Cannes), Desert of Namibia (Quinzaine des cinéastes) Locust et La Mer au loin (la Semaine de la critique) et Mi Bestia (Acid).

Cannes 2024 : le guide complet des 22 films en compétition pour la Palme d'Or