Red Rocket
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Après Florida Project, Sean Baker suit l’errance d’une ancienne gloire du porno et signe le portrait d’un loser qui devient le symbole de l’Amérique ultra-libérale.

Quelques mois avant l’élection de Donald Trump. Mikey, une porn star laminée revient dans son bled du Texas. Il s’incruste chez son ex-femme et son ex belle-mère le temps de se refaire une santé. Il prétend être de passage et cherche du boulot, mais dans une Amérique ravagée par la crise, muni d’un CV aussi court que sa bite est longue, Mikey ne trouve rien. Il erre, à vélo, entre les raffineries et les stations service désertées. Il se met à vendre du shit pour gagner un peu d’argent et tombe sur Strawberry, une gamine de 17 ans, vendeuse dans une boutique de donuts. Mikey est sous le charme. Il la séduit et progressivement, voit en elle son ticket de retour à L.A…

Il y a plusieurs films dans Red Rocket. D’abord une belle étude de caractères. Mikey est un personnage ambivalent. Egoïste et arrogant, superbe et misérable, un type capable d’arnaquer ses proches sans une once de regret. La débrouille et le mensonge sont ses Dieux personnels. Sa tchatche (mitraillette) est son arme favorite. Le cynisme, sa meilleure cartouche. Et si Sean Baker ne lui trouve aucune excuse, il filme sa séduction de bastringue et sa flamboyance plouc avec une énergie redoutable. On s’attache progressivement à ce toy boy inconséquent grâce à une écriture sur le fil, irrévérencieuse et sensible, corrosive sans être gratuite. Mais c’est aussi grâce à la performance impressionnante de Simon Rex que ça marche. Sourire ultra white, regard de velours, corps d’Apollon, cette ancienne porn star (re)joue en partie sa propre histoire et trouve ici le rôle de sa vie. Filmées dans un scope tonitruant et des couleurs chatoyantes, ses déambulations ont quelque chose de picaresque.  

Pourtant Red Rocket est un peu plus qu'une aventure au pays de la lose. En toile de fond, à la télé, l’élection de 2016 est en train de se jouer. Et derrière le portrait du loser se cache donc un film politique. Une peinture de l’Amérique White trash, cette Amérique des marges défoncée, où la magouille et la lâcheté sont les clés de survie. Le Texas devient tout à coup le symbole de toutes les oppressions yankees (comme le dit la gamine « avant l’or noir, on a vécu sur l’ivoire noir »). Et avec ses rêves de grandeur et d’argent facile nourris par sa lâcheté et son immaturité, Mikey devient l’incarnation de l’Amérique Trumpienne.