Coronavirus, polémiques et traditions expliquent en partie ses scores.
En pleine épidémie de Covid-19, les studios Disney ont décidé de sortir Mulan, une grosse production de 200 millions de dollars, directement sur sa plateforme de streaming, quasiment partout dans le monde... sauf en Chine, où le film de Niki Caro est sorti au cinéma. Proposée depuis le vendredi 11 septembre, cette adaptation en live du dessin animé de 1998 n'a cependant pas atteint les scores escomptés : les experts tablaient sur un démarrage entre 30 à 40 millions de dollars, mais durant le week-end, Mulan n'en a amassé "que" 23. C'est très en dessous d'une autre version live récente d'un dessin animé culte de Disney, Le Roi Lion, qui démarrait à 54 millions de dollars l'été dernier. Si l'on compare à un autre blockbuster sorti durant l'épidémie, c'est également en dessous de Tenet, qui a enregistré 30 millions de dollars de recettes le week-end du 5 septembre.
En France, Mulan sera dispo le 4 décembre sur Disney + sans supplémentDes scandales à répétition
Ce démarrage en dessous des attentes du studio n'est cependant pas une surprise : si Disney a tout fait pour attirer le public chinois avec ce projet (en s'inspirant d'une légende locale, en castant des comédiens populaires du pays et en le tournant sur place), la sortie de Mulan a été précédée de plusieurs scandales, qui ont entraîné de multiples appels au boycott. Dès l'année dernière, le film faisait l'objet d'un "bad buzz" suite aux propos de son actrice principale, Liu Yifey, qui a défendu publiquement la répression violent de la polic face aux manifestants pour la démocratie, à Hong Kong. Depuis, le fait qu'elle incarne un symbole de liberté tel que Mulan passe mal, et elle ne cesse d'être critiquée sur les réseaux sociaux... Il y a quelques jours, une autre affaire s'est ajoutée à celle-ci quand des spectateurs américains ont découvert, au sein du générique du blockbuster, des remerciements envers des entités gouvernementales de Xinjiang, la province chinoise où a été tournée une partie du film. La région fait l'objet de plus en plus de critiques de la part des organismes de défense des droits de l'homme depuis la découvertes de camps de "rééducation" de la communauté Ouïghour, et le fait que la firme ait tourné Mulan là-bas en ayant connaissance de ce scandale humanitaire a relancé les appels au boycott...
Des concessions pour box-office en expansion
Depuis quelques années, le box-office chinois prend de plus en plus d'ampleur : les recettes y ont été multipliées par 35 (!) en quinze ans, au point de se rapprocher du box-office annuel américain : en 2019, le box-office chinois atteignait 9,7 milliards de dollars, et celui des US, 11,1. Dans ce contexte, les studios tentent de courtiser davantage le public chinois, en faisant en sorte que leurs productions s'adressent directement à eux : cela peut passer par le casting (Mulan entre dans cette démarche, avec Jet Li, Gong Li ou Donnie Yen dans des rôles importants), par l'intrigue racontée (le film La Grande muraille, avec Matt Damon, était directement lié à l'histoire de la Chine), via des co-productions ou encore par des ajouts/changements pour plaire davantage au public. En 2013, Iron Man 3 était ainsi sorti dans une version différente que dans le reste du monde, des scènes ayant été tournées spécialement pour la Chine avec Fan Bingbing. Il existe aussi des cas de censure pure et simple, comme pour Cloud Atlas, des Wachowski et Tom Tykwer, qui a été amputé de 40 minutes pour pouvoir y être montré !
Reste que tous ces compromis ne portent pas forcément leurs fruits, le comité de censure chinois veillant au grain pour que les productions diffusées sur le territoire correspondent à plusieurs valeurs du pays : le film d'horreur de Guillermo del Toro, Crimson Peak, avait ainsi failli ne pas sortir parce qu'il traitait de fantômes, une thématique qui ne plait pas au China Film Bureau, qui refuse de proposer "des réalisations qui font la promotion de cultes ou de superstition". De plus, les productions locales sont largement mises en avant, proposées dans un maximum de salles et en 3D ou Imax pour offrir du grand spectacle au public, elles sont souvent très patriotiques, à l'image de The Eight Hundred, qui est en train de faire un carton là-bas, surpassant largement les recettes de Tenet et de Mulan.
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Précisons enfin que Mulan a une histoire particulière en Chine, puisque sa version animée avait déjà mal marché, rappelle le Wall Street Journal. En 1998, la sortie de Kundun, film de Martin Scorsese sur le Dalaï-Lama, et plus généralement sur le Tibet, avait fortement déplu aux autorités chinoises, qui avaient alors décidé de limiter sa distribution en salles. Au fil du temps, le dessin animé a peu à peu été vu en versions pirates, mais là aussi, l'accueil était bien plus mitigé là-bas qu'en Occident : "certains cinéphiles chinois critiquaient le fait que le film véhicule des valeurs occidentales comme l’accomplissement personnel plutôt que des priorités chinoises comme l’engagement familial", explique notamment leur article.
En France, Mulan sera disponible sur Disney + début décembre. La branche française du studio ayant décidé de le diffuser gratuitement, il va falloir patienter un peu avant de le voir...
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