En lisant le roman d'Emmanuelle Arsan, la réalisatrice de L'Evénement s'est demandé comment elle pourrait parler d'érotisme aujourd'hui.
A quelques jours de la sortie en salles de son adaptation moderne d'Emmanuelle, Audrey Diwan, la réalisatrice de L’Événement, nous raconte comment elle s’est emparée de l’héroïne créée par Emmanuelle Arsan pour l’inscrire dans notre époque et proposer une manière singulière de filmer l’érotisme.
Voici un extrait de son long entretien qui est au coeur de notre hors-série n°27, spécial Emmanuelle.
PREMIÈRE : Comment est né le désir de vous attaquer à Emmanuelle après le succès de L’Événement ? Vous avez ressenti la fameuse angoisse du film d’après ?
AUDREY DIWAN : Je voulais avant tout éviter toute situation de confort. Et j’ai de toute manière l’impression de choisir mes sujets à l’endroit où l’excitation rencontre la peur. Quant à Emmanuelle, ce sont mes producteurs qui me l’ont suggéré.
Quelle a été votre première réaction à cette proposition ?
Je n’avais jamais vu le film de Just Jaeckin en entier. Je me suis donc plongée dans le livre d’Emmanuelle Arsan de manière assez récréative sans être obsédée par l’idée d’y trouver une manière de l’adapter. Et puis aux deux tiers du roman, j’ai découvert cette centaine de pages peuplées de questions sur l’érotisme. Et c’est ce qui a constitué une forme de déclic.
De quelle manière ?
Ces pages m’ont poussée à me demander ce qu’est l’érotisme aujourd’hui. C’est comme si j’avais mis la main sur un matériau qui m’intriguait et a fini par devenir le désir du film. Comment travaille-t-on cet érotisme ? Peut-on faire naître aujourd’hui un récit érotique ? Avec L’Événement, j’avais passé trois ans à travailler sur l’idée de la douleur et je dois dire que j’étais assez contente de parler de plaisir.
Même si votre héroïne, elle, n’arrive précisément pas à éprouver de plaisir et en souffre…
Je ne peux pas m’empêcher de mettre un peu de douleur partout ! Et il n’y a pas de plaisir sans douleur, non ? (Rires.) Le livre, écrit à la première personne, est évidemment teinté de pas mal d’idées de l’époque qui paraissent violentes et hors-sol aujourd’hui. Mais assez vite, pour raconter le parcours initiatique de cette jeune femme,
j’ai souhaité faire table rase du passé. De reprendre la figure d’Emmanuelle et de demander aux spectateurs de l’oublier. Ce qui est, je vous l’accorde, assez périlleux. Mais je voulais me servir de ce nom, de ce corps comme un vaisseau et changer le voyage proposé. M’affranchir complètement de ce qui avait été fait. Avec une question centrale qui allait traverser tout le récit : comment raconter et transmettre le plaisir, créer un endroit de tension entre ce qu’on montre et ce qu’on cache dans une société comme la nôtre, marquée par l’afflux d’images pornographiques ? L’érotisme de transgression que convoquait le film de Just Jaeckin me semble aujourd’hui épuisé. Un film érotique ne peut désormais plus se concentrer sur les scènes sexuelles. À la différence, par exemple, d’un film de sport, rythmé par des rendez-vous imposés. L’érotisme doit infuser à travers les scènes, passer par le verbe et non par le seul levier des corps.
Sans chercher à jouer sur une certaine provocation, sur des interdits comme le SM soft de Cinquante Nuances de Grey, l’un des succès récents du genre ?
Je ne suis pas une réalisatrice de la provocation. Dans mes films, je ne cherche jamais à provoquer pour susciter une réaction. Il y a dans ce geste une forme d’instrumentalisation du spectateur que je n’aime pas. Je cherche précisément l’inverse : ne rien lui imposer.
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Je m'abonne à Première J'achète ce numéroVoici le synopsis et la bande-annonce d'Emmanuelle, à voir en avant-première ce mardi via le festival Première :
Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle, elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper.
Avec ce film, Audrey Diwan nous livre une libre adaptation du roman d’Emmanuelle Arsan et pose un regard féminin sur la quête intime de celle dont le prénom évoque encore aujourd’hui l’un des personnages les plus sulfureux du cinéma.
Emmanuelle sortira le mercredi 25 septembre au cinéma.
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