DR

Présenté à Deauville ce week end, Le Majordome a déjà fait couler beaucoup d’encre. Obama l’a vu et a pleuré, le fils Reagan l'a vu et n'a pas aimé, on en parle comme d’un prétendant sérieux aux Oscars et, malgré son odeur de souffre et son sujet très fort, le film est un carton aux Etats-Unis...Mais Le Majordome marque surtout le retour de Lee Daniels aux affaires. Cinéaste surdoué à qui l’on doit le secouant Precious et le très trash Paperboy (où Nicole Kidman en pute sudiste mimait une fellation dans un parloir de prison), Daniels ne fait pas précisément dans la dentelle, ayant fait de la provoc et du scandale sa signature. Le Majordome appuie clairement là où ça fait mal, même si visuellement le réalisateur semble s'être assagi. L’ambition de Daniels est folle : saisir 30 ans de luttes pour les droits civiques à Washington ; capturer le conflit entre le radicalisme et le conservatisme sur la question noire à travers le portrait d’un personnage hautement symbolique, un majordome de la Maison Blanche. Et ça, contrairement à son héros, sans prendre de gant. Il faut voir la scène d'ouverture (un propriétaire terrien viole une de ses employées noires et tue son mari) pour comprendre que Le Majordome est une épopée politique et sociale engagée et enragée qui ne ménagera pas ses spectateurs. Le talent de Daniels est d’avoir pourtant su incarner les conflits de la question noire dans la relation entre un père et son fils. Le majordome, Cecil Gaines (Forest Whitaker dont on avait oublié la force et la puissance de jeu) est un valet, un serviteur, mais il travaille à La Maison Blanche (servant tous les présidents des années 50 à 80) et comme l’explique Martin Luther King dans le film, les serviteurs sont finalement les agents les plus subversifs de l’intégration des blacks dans la société par leur présence constante auprès des blancs et leur exemplarité. Face à lui, son fils navigue dans tous les courants radicaux luttant pour l’émancipation et l’égalité. S'ils s'aiment, ils ne peuvent que se déchirer, et c’est précisément l’intérêt de cette scène, l'une des plus violentes, viscérales, douloureuses et belles du film qui montre l’incompréhension entre un père et son fils.L'autre vrai sujet d'un film passionnant.   Le Majordome est présenté à Deauville et sortira sur les écrans français le 11 Septembre.