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Recenser les différences entre l'adaptation par les Wachowski de V pour Vendetta et la BD originelle revient à mettre le doigt sur la fondamentale rouerie des créateurs de Matrix : virtuoses de l'ambiguïté, ils sont capables de donner l'illusion du sens là où il n'y en a plus aucun, de faire passer une tautologie pour un discours subversif. (...) Le défaut du film n'est pas tant d'avoir trahi la BD que de proposer une vision abstraite d'un futur possible.
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- Fluctuat
Il n'y aurait pas une mais plusieurs manières de voir V pour Vendetta. Entre l'échec cinématographique ou l'ère nouvelle d'un cinéma politique super plat, nous préférons ne pas choisir et entretenir un double point de vue. Après, à vous de voir.
- Lire aussi notre entretien avec David Lloyd, le dessinateur du comics à l'origine du film.Certaines oeuvres nous poussent à laisser béantes nos contradictions, à ne pas choisir voire ne plus juger. C'est la conséquence d'une époque nous invitant à regarder des films qui nous forcent à penser autrement et à faire le deuil de notre volonté. En sortant de V pour Vendetta, nous étions déçus, mais quelle était l'origine de cette déception ? Elle provenait, comme souvent au cinéma, d'une comparaison avec un élément qui n'appartient pas au film. Il fallut donc se libérer, oublier les modalités de l'adaptation, ne plus penser au comics de David Lloyd et Alan Moore (ce dernier a d'ailleurs refusé que son nom apparaisse au générique), produit pendant l'ère glaciaire du tatchérisme. Nous devions aussi faire taire toute tentative de filiation pour nous imposer de regarder le film dans sa singularité, ici et maintenant.Adapté et produit par les frères Wachowski ( Matrix, Bound) et mis en images par un petit nouveau issu de la pub, V pour Vendetta apparaît comme cinématographiquement faible. Son absence de parti pris formel radical, son esthétique banale voire laide, son montage peu original semblent aller en permanence contre la puissance du texte et des idées. Le film est incapable d'être en adéquation avec le scénario, de créer une forme qui transcenderait les mots, comme si le texte était constamment en dehors des images et non dedans. Là où l'affiche promettait la clarté publicitaire et symbolique du constructivisme, V pour Vendetta montre une simplicité formelle inattendue, transparente comme une antithèse du cinéma d'Eiseinstein. Cette simplicité semble aller à l'encontre d'un projet de cinéma assumé où la forme traduirait des thématiques aussi fortes que le droit à l'insurrection, la conscience politique révolutionnaire, la liberté, la vengeance, le terrorisme, la lutte contre la corruption et le pouvoir d'un état totalitaire ou sécuritaire. Aussi, a priori, le film ne peut être jugé pour ce qu'il ne développe pas et ne lui appartient pas - les idées du scénariste Alan Moore contenues dans la bande dessinée originale.Une nouvelle forme de cinéma politique ?
Le film serait donc à voir autrement. Et si la forme dans V pour Vendetta avait une importance mineure tout en ayant un rôle ? Et si ce rôle était de correspondre simplement à des idées ? D'où une certaine neutralité de l'image qui, tout en permettant l'hyper visibilité des idées, serait ce qui nous resterait malgré tout de cinématographique. Alors le film serait aussi politique. Chaque plan correspondant idiotement à une idée ou une actualité, le simple fait de passer d'une image à l'autre mettrait la chose en mouvement, vivifiant nos pulsions anarchiques tout en nous suggérant que « la liberté, c'est peut-être ça ». Faire sauter joyeusement le Parlement britannique serait comme court-circuiter la réalité et le possible, puisque ces éventualités font partie de notre futur. Une manière de nous montrer aux « vrais » terroristes comme des artificiers du réel, capables de tout faire sauter avant eux, parce que nous savons encore nous amuser et faire semblant de prendre les idées au sérieux, autrement dit de nous laisser porter par un simulacre de la liberté.Ainsi V pour Vendetta ouvrirait l'ère d'un cinéma ni bon, ni mauvais, nous obligeant à voir différemment l'« entertainment » et le cinéma politique. Puisque l'image est désormais omniprésente, inutile qu'elle soit terroriste pour symboliser le message. La mise en scène peut être banale ou plate, représentative d'un cinéma populaire conventionnel et libéré de la métaphore. Est-ce la fin ou la défaite d'un vrai cinéma politique soumettant entièrement l'image à sa dialectique? Peut-être pas, mais, avec V pour Vendetta, il se pourrait qu'il y ait du changement, une alternative radicale mais finalement pas si éloignée d'un cinéma ouvertement engagé. P.S. : Merci à Rémy RussottoV pour Vendetta
Un film de James McTeigue
Etats Unis, 2006 - 2h10
Avec : Natalie Portman, Hugo Weaving, Stephen Rea, John Hurt, Stephen Fry.
Sortie en salles (France): 19 avril 2006[Illustrations : © Warner Bros.]
Sur Flu :
- Lire notre dossier Alan Moore
- La bande annonce du film dans Ecrans
- Lire nos critiques de Matrix, Matrix Reloaded et Matrix RevolutionsSur le web :
- Le site officiel du film
- + d'infos pour V pour vendetta sur Ados.fr