Première
par Christophe Narbonne
Pour beaucoup, Un prophète méritait la Palme d’or du dernier festival de Cannes. Haut la main. Reparti avec le Grand Prix, Jacques Audiard a néanmoins prouvé une chose : il est sans conteste le plus grand cinéaste français en activité, comme en témoigne d’ailleurs sa filmo, cohérente et sans tâche. On comprend, à la vision du film, pourquoi Audiard s’est intéressé au projet. Tout, dans Un prophète, renvoie à ses préoccupations de cinéaste : la dimension virile, le parcours initiatique, la manipulation (des faits et des hommes), les rapports de force et de soumission, le conditionnement social et affectif... Mais, à l’inverse de ses précédents longs métrages, pessimistes et tragiques, Un prophète, animé d’une énergie positive à l’image
de son héros déterminé, s’oriente résolument vers la lumière. Un chemin chaotique, certes, empreint de noirceur et d’ambiguïté. Pour Malik, l’enjeu est d’abord de survivre puis de grandir (dans tous les sens du terme), ce qui implique calcul
et barbarie mais n’interdit pas une forme de morale. C’est là tout le paradoxe et la richesse de ce film que d’ériger en personnage mythique un pur gangster, arabe de surcroît.