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« Ne me laisse pas dormir dans la rue... » supplie avec un calme olympien Touré Inza Junior surnommé « Bourgeois », en pianotant sur ses deux téléphones portables. Ce sont les derniers mots du film. Cette traversée nous laisse donc là, quelque-part près de la Gare du Nord avec cet exilé ivoirien à l’arrêt qui a pourtant connu les périples houleux qui mènent depuis son Afrique natale aux rivages de l’Europe. Le documentaire ne lâche pas son héros d’une semelle, rend compte de ses sur-places, accompagne ses sursauts, écoute ses conversations avec sa mère ponctuées invariablement de « Amen, amen, amen... » comme un mantra censé conjurer le mauvais sort. Traverser donne un visage, un corps, une parole et une conscience à ces invisibles qui rêvent d’un monde meilleur tout en chérissant la terre qu’ils ont été obligés de quitter. Passionnant.