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« Algérie, 1994 », écrit en lettres rouge sang sur fond noir. L’action d’Abou Leila se passe en pleine guerre civile, dans un pays plongé dans une violence sourde et aveugle. Au mitan des années 90, le réalisateur Amin Sidi-Boumédiène n’était alors qu’un adolescent perdu et angoissé au milieu d’une société qui implosait. C’est ainsi qu’il s’est présenté lors du dernier Festival de Cannes où son premier film était projeté. Abou Leila restitue ce chaos intérieur où le réel devient mirage, où la quête de sens force à se construire ses propres récits sous peine de perdre la raison, où chaque individu devient le fantôme de sa propre existence. Tout commence dans une rue, un matin. Un homme agité attend le bon moment pour tuer un politicien devant son domicile. La caméra, très mobile, prend littéralement possession de l’espace, se joue des points de vue. L’impression de flottement accentue la tension. Fusillade. L’un meurt, l’autre s’échappe. Cut. Nous sommes maintenant sur une route en plein désert du Sahara. Ici et déjà ailleurs. Entre cauchemar et rêve éveillé. On découvre les deux protagonistes, S. et Lotfi, à la recherche du terroriste Abou Leila, dont on va vite comprendre qu’il est sinon une chimère du moins un point de fixation impossible à relier. Sans perdre le fil d’un récit qui jamais ne se dérobe bien que remis constamment en question, le cinéaste immerge le spectateur dans un monde tout en faux-semblants. « La structure épouse la confusion de l’époque », dit aussi Amin Sidi-Boumédiène. Impressionnant.