L'impossible adaptation de Neil Gaiman ne rend pas tout à fait justice à ses fantastiques comics gothiques, mais elle est réussie. Et en soit, c'est déjà un rêve qui se réalise...
Dans la liste des livres jugés "inadaptables", Sandman occupait depuis trois décennies une place élevée. Maintes fois, Hollywood a cherché à transposer à l'écran le chef-d'œuvre du britannique Neil Gaiman, bandes-dessinées acclamées, récompensées, aux accents oniriques insondables. Netflix a décidé de franchir le pas, en produisant une version sérielle de Sandman, qui sort aujourd'hui sur la plateforme. Neil Gaiman en personne a été partie prenante du projet, producteur et auteur. Bien lui en a pris, cette série Sandman est très belle réussite, esthétique et envoûtante.
La première saison de dix épisodes enchaîne à un rythme effréné et couvre les deux premières des onze collections Sandman (75 BD publiées entre 1988 et 1996), celles intitulées Préludes & Noctures et La Maison de poupée (sorties en France chez Delcourt en 2004). On y fait la connaissance de Morpheus, le boss du Royaume des rêves, attrapé par erreur par une secte mystique, en 1916, qui cherchait à capturer la Mort. Séquestré dans la cave d'un manoir anglais pendant un siècle, le marchand de sable ne peut plus gérer les rêves et les cauchemars des humains et lorsqu'il se libère enfin, il retrouve son royaume en ruines...
Surtout, on fait connaissance avec l'univers fantasmagorique passionnant de Neil Gaiman. Après le ratage d'American Gods, qui avait cherché à reproduire les aspects les plus bizarres et insaisissables du livre d'origine, le romancier de sa Majesté a pris le projet à bras le corps et décidé de repenser son oeuvre, pour la rendre plus accessible. L'esprit gothique surréaliste des BD a ainsi été lissé, l'esthétique est plus lumineuse et l'atmosphère générale ne cherche pas tellement à rendre compte des concepts ésotériques et philosophiques si particuliers des comics. Sandman semble avoir été normé pour son nouveau cadre télévisuel et cela ne pourra évidemment pas satisfaire les puristes de Gaiman.
Malgré tout, cette adaptation s'avère extrêmement fidèle aux comics, suivant les intrigues case après case, rejouant certaines séquences à la bulle près, comme le chapitre 24 heures, adapté intégralement dans l'épisode 5 de manière magistrale.
Tous ceux qui ne connaissent pas l'univers de Sandman vont découvrir un monde minutieusement imaginé par Gaiman et une mythologie qui se dévore avec frénésie. D'autant que la série est absolument ravissante sur le plan esthétique. Ce Sandman est une vision luxuriante et épineuse du chaos et de la magie qui imprègnent nos rêves autant que notre monde. Impossible de ne pas se laisser aspirer dans cette épopée onirique incarnée par l'étrange performance de Tom Sturridge, qui fait un parfait Morpheus magnifiquement arrogant et taciturne, entouré par une flopée de seconds rôles incroyables : David Thewlis, Jenna Coleman, Stephen Fry et la "Lucifer" Gwendoline Christie participent grandement à la réussite de cette délicieuse rêverie.
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