Benicio del Toro déambule dans un néo-noir haletant et insoluble.
Disons le tout de suite, Reptile ne brille pas par l'originalité de son scénario. Ce page-turner audiovisuel réalisé par Grant Singer, plus connu pour sa casquette de réalisateur de clips, ne manque pourtant pas de points culminants. On y suit un flic, Tom Nichols (interprété par l'oscarisé Benicio del Toro), embourbé dans une nébuleuse enquête de meurtre, où une agente immobilière a été violemment assassinée. La sauvagerie de ce crime est vive dans l’esprit de Nichols, qui s'évertue à trouver la solution à l’équation. Pour l'accompagner au casting, on retrouve Alicia Silverstone, Frances Fisher ainsi que Justin Timberlake, qui se glisse dans la peau de Will Grady, principal suspect et amant de la victime.
La mise en scène de ce lourd dossier se fait ressentir par des plans, des instants de flottement où les regards des protagonistes sont plongés dans les méandres d'un casse-tête chinois jonché d'incohérences et qui, de surcroît, ne peut se résoudre par la simple identification du coupable. Ce qui est étonnement original, c'est la présence d'une foule de suspects semblant jouer à un, deux, trois, soleil. Bien connu chez les reptiles, le jeu de l'immobilisme est de mise. Tom cherche à démasquer celui qui se fera trahir par la goutte qui perlera sur son front, à l'image de la mythique scène dans Total Recall de Verhoeven. Qui craquera le premier ? Qui se trahira bêtement ? La désillusion jaillit lorsque l'enquêteur découvre l'impensable pot aux roses.
Le sarcasme du personnage principal et la bande originale aux influences sixties américaines détone avec le poids de l'enquête. Les paroles de l'abracadabrantesque tube "The Oogum Boogum Song" de Brenton Wood retentissent en guise de leitmotiv téléphonique et rompent l'ambiance pesante de ce mystère non-élucidé. Loin d'être le fruit du hasard, le hit met en cause une femme qui aurait jeté un sort à un homme. Pourtant, ici la victime du meurtre est une jeune femme, justement victime d'hommes influents. Tom n'est ni plus ni moins qu'un redresseur de torts voué à rétablir l'ordre et rendre justice à Summer. En quelques sorte, il incarne une résistance à cette forme de fourberie masculine.
L'infaillible soutien que représente Judy demeure être le phénomène le plus touchant du film. Dévouée, elle représente un point d'ancrage significatif, formant un parallèle avec la victime, elle aussi encerclée d'hommes. Flamboyante dans ce rôle, Alicia Silverstone sublime le personnage avec cette moue bien à elle. Son soutien sans faille envers son mari et l'alchimie qui lie les deux compères révèle un cocktail magnétique dont on se délecterait sans modération. Il faut dire que les deux acteurs se connaissent, Del Toro et Silverstone ont partagé le grand écran en 1997 dans Excess Baggage. Acteur mais aussi producteur du film, Del Toro aurait soufflé le nom de l'actrice à Grant Singer.
"Nous pensions tous les deux qu'elle serait parfaite pour le rôle. Chaque fois qu'elle est à l'écran, il y a quelque chose de si électrique chez elle, mais aussi avec leur dynamique, parce qu'ils se connaissent depuis si longtemps et ont travaillé ensemble", a déclaré le réalisateur.
L'investissement de Benicio del Toro ne fait aucun doute, surtout lorsqu'on passe en revue l'approche qu'il tient à honorer dans les rôles qu'il incarne à l'écran.
“Je joue le film. Bien sûr, il faut être dans le moment, dans l’émotion juste de la scène. Mais il ne faut jamais perdre de vue le ton général du film, le sens de l’histoire qu’on est en train de raconter", explique-t-il dans une interview.
Sombre et tamisé, l'éclairage détient finalement le premier rôle dans l’œuvre de Singer. L'énigme se mêle au visuel, le cinéaste en herbe impose sa patte de réalisateur de clip et flirte avec les jeux d'ombres et reflets du miroir qui rappellent explicitement les clips réalisés pour The Weeknd, eux-mêmes inspirés de films noirs. Ces jeux visuels viennent signifier le double-jeu que Tom s'apprête à déceler dans son enquête en solo. La fameuse expression "I got your back" n'a jamais été aussi peu fiable.
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