On a assisté à la master class du créateur de Star Wars à Cannes.
"Je suis toujours resté indépendant parce que je suis têtu et je n'ai pas envie qu'on me dise comment je dois faire des films".
Vendredi, à la veille de recevoir une Palme d’or d’honneur lors de la cérémonie clôture du Festival de Cannes, George Lucas a livré sa vision du cinéma pendant 1h30 dans une salle Debussy pleine à craquée. En revenant sur carrière dans une master class animée par Didier Allouch, le papa de la saga se déroulant dans "une galaxie très lointaine" a martelé son message, et dit son inquiétude sur l’évolution d’Hollywood.
Non, il n’est pas venu dire pardon aux fans de Star Wars qui continuent de lui reprocher d’avoir retouché la trilogie dans sa Special Edition (un film appartient à son créateur), ou d’avoir trahi sa propre création avec la prélogie initiée en 1999 par La Menace Fantôme.
"J'ai fait Star Wars pour les gosses de 12 ans, à l'époque on vivait une période sombre avec la guerre du Vietnam et on avait besoin de rêver. C'est pour ça que les fans de première trilogie n'ont pas aimé les prequels, ce n'étaient plus des enfants".
Droit dans ses bottes, Lucas est revenu longuement sur ses débuts, avant Star Wars, les choix et les circonstances qui l’ont conduit au destin que l’on connait. Il a raconté son enfance dans une petite ville de Californie, Modesto, où il n’y avait que deux cinémas ("Je devais aller jusqu’à San Francisco pour voir des films d’avant-garde"), puis son entrée à l’école de cinéma, où il réalise ses premiers courts-métrages et s’intéresse déjà à l’expérimentation.
L’un de ses courts donnera naissance à son premier film : THX 1138. Une oeuvre visionnaire, qui marquera les esprits mais pas le box-office. A peine lancée, la carrière de Lucas est déjà en péril. Son ami Francis Ford Coppola le rassure : "Il m’a dit : 't’inquiète pas on va se renflouer, je vais faire un film sur des Italiens qui va me rapporter gros’".
THX 1138 est malgré tout sélectionné au Festival de Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs, en 1971. Mais Warner Bros., le studio qui a produit le film, refuse de lui payer le déplacement : "Ils ont dit que la Quinzaine c’était juste pour les jeunes cinéastes, ça ne les intéressaient pas." Avec son compère Walter Murch, qui a co-écrit et monté THX, ils décident tout de même de s’y rendre. Sans tickets, ils se faufilent pour assister à la projection de leur propre film et Lucas manque la conférence de presse, le lendemain : "Je ne savais pas qu’il y en avait une !"
Coppola lui conseille aussi de mettre en veilleuse la Science-Fiction et de s'essayer à la comédie. Lucas réalise alors American Graffiti. C’est un triomphe sur le long terme d’un autre temps : "Le studio l’a d’abord sorti dans quelques salles, puis il a tellement bien marché qu’il est resté un an à l’affiche et a rapporté plus de 100 millions de dollars". Il n’en avait coûté que 770 000.
Un brin nostalgique, Lucas mesure la chance qu’il a eu. "A l’époque vous aviez un Roger Corman qui disait à des jeunes réalisateurs : 'tiens voici 150 000 dollars tu as 27 jours pour faire un film’. Aujourd’hui ça n’existe plus." Il symbolise pourtant le Hollywood des mega blockbusters, des franchises exploitées jusqu’à l’écoeurement, mais assure que son but, comme Coppola, a toujours été de faire des films, pas de l’argent. Tout le paradoxe de George Lucas.
A l’écouter, en tout cas, Hollywood est engagé sur un mauvais chemin. Les films ne sont plus entre les mains des réalisateurs, ni même des producteurs, et c’est un problème :
"Je déteste les projections tests, il ne faut pas demander au public ce qu'il veut, il ne le sait pas. C’est ce que fait Hollywood aujourd’hui, demander aux spectateurs ce qu’ils ont envie de voir…"
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