Bacurau (2019)
SBS international

Avec son troisième long-métrage, co-réalisé cette fois avec Juliano Dornelles, le brésilien Kleber Mendonça Filho signe un western dystopique en forme de parabole sur le Brésil d’aujourd’hui. Aussi audacieux, que prétentieux et vain.

Il y a trois ans, ici même sur la croisette, beaucoup se demandaient comment le jury avait pu passer à côté d’Aquarius, récit hypnotique et brutale autour d’une sexagénaire victime de la brutalité d’un promoteur immobilier. L’impériale Sonia Braga voyait le petit monde de son personnage se fissurer avec une classe folle. Kleber Mendonça Filho, repéré avec le sensoriel Les bruits de Recife quelques années plus tôt, affirmait alors la fluidité d’une mise en scène capable d’imprimer la tension la plus sourde sous couvert d’une apparente plénitude. Le film allait vers une brutalité d’autant plus prégnante qu’elle arrivait au bout d’un système de plus en plus étouffant.

Récit très premier degré

Revoilà donc Mendonça en lice pour la Palme d'or. Son Bacurau est cette fois co-réalisé avec Juliano Dornelles. Sonia Braga est là aussi, plus en retrait. Nous sommes dans un futur proche au sein d’un territoire dépleuplé du Nordeste. Dès les premières images dignes d’un Mad Max, des cercueils tombés d’un camion bloquent le passage d’une route en plein désert.  On l’apprend bien vite, ici les autorités contrôlent l’eau et assoiffent volontairement une population sommée de déguerpir. Des villageois résistent et décident de faire front. Des drones sous formes de soucoupes volantes vintages scrutent leurs faits et gestes. Derrière les écrans, des Occidentaux – américains pour la plupart – s’apprêtent à mater les indésirables. On peut prendre ce récit très premier degré au pied de la lettre et voir ici une parabole un peu naïve de la société brésilienne actuelle qui sous l’égide du président populiste Jair Bolsonaro, accentue le fossé entre les populations pour mieux s’accaparer les ressources du pays. L’arrivée d’un politicien bonimenteur caricaturé à l’extrême enfonce le clou. Un peu trop. Mais pourquoi pas.

Du côté de Carpenter

Mendonça et Dornelles aiment John Carpenter, le nom d’un magasin dudit village porte d’ailleurs le nom du célèbre cinéaste américain de New York 1997. Les auteurs de Bacurau tentent - et réussissent parfois -, à s’approcher du maître faisant de l’étrangeté voire de l’absurdité d’une situation les prémices d’une violence inéluctable. On reconnait alors le côté sauvage et iconoclaste de l’auteur d’Invasion Los Angeles ou de Vampires.  Mais les deux cinéastes de Bacurau s’aiment aussi beaucoup et se perdent dans leur volonté un peu vaine de faire « genre » et assument maladroitement les ressorts de la farce en lorgnant vers la série Z (pauvre Udo Kier obligé de jouer le méchant aux gros yeux)  Et Bacurau de ressembler à un objet prétentieux et gadget dont l’ironie finit par se retourner contre lui. Le récit multiplie les séquences gratuites et trop longues aux effets pas toujours heureux (l’épisode des motards bariolés par exemple!) Et si le film trop brouillon - il mériterait de repasser par la salle de montage ! - parvient toutefois à garder jusqu’au bout son allure de western vaguement barré, la volonté des cinéastes de signer une fable politique se heurte à un discours trop balourd pour être honnête. Une relative déception donc.